Chapitre 90
Layla
- Alexis ?
- Hum ?
Nous sommes ce soir-là blottis sur le canapé, à regarder le feu brûler dans la grande cheminée après nous être offert un repas de châtaignes.
- Je pensais à quelque chose...
- Ah ? Et quoi ? fait-il d'un ton intéressé.
- Et bien... Ces dernières semaines, tu as quasiment habité ici. Même si tu retournais de temps en temps à l'Enfer. Pourquoi est-ce que tu ne vivrais pas aux Auches ? Tout le temps, je veux dire.
Il s'écarte un peu de moi, me fixe. Une lueur de surprise s'inscrit dans ses paillettes dorées.
- Mais... Layla... Ici, c'est chez toi. Que j'y passe pour préparer ta venue, voire que j'y dorme de temps en temps, oui, mais... Mais au quotidien... Enfin...
Je noue mes bras autour de sa taille, sans le quitter des yeux.
- Est-ce que tu te sens chez toi, à l'Enfer ?
- Ma foi... Je ne me suis pas posé la question. C'est pratique, à deux pas du village et du cabinet médical. J'y ai une belle vue et le gîte est agréable. Et c'est vrai que je vis dans des meubles qui ne sont pas les miens, que j'ai glissé mes affaires là où je le pouvais, c'est à dire essentiellement encore dans des cartons. Après, ce n'est pas que j'aie beaucoup de choses...
- Et pourquoi on ne commencerait pas à ranger certaines de tes affaires ici ? Des livres, de la vaisselle... Tu laisses aussi toujours des vêtements...
- Toi aussi, tu en laisses à l'Enfer, sourit-il.
- C'est vrai, car c'est pratique. Mais est-ce que tu te plairais ici ?
- Bien sûr ! Cette maison est magnifique, tu as fait une belle restauration. Elle est agréable à vivre en toute saison, même l'hiver. Elle offre une superbe vue sur le village, la montagne, la vallée. Et puis... C'est chez toi. Enfin, je ne sais pas si je m'exprime bien, mais c'est comme un trésor. Le fait que ce soit ta maison, je veux dire.
Je souris. Il ajoute :
- Ta maison a une âme, Layla. Tu le sais sans doute mieux que moi encore. Cela m'a frappé dès la première fois que je suis venu ici. Et cela, ça me touche. Et ça me touche beaucoup que tu me proposes d'y habiter. Je serai encore plus proche de toi, quand tu n'es pas là.
J'appuie ma tête contre son épaule. Cette idée a germé au cours d'un de mes trajets récents, je me suis dit que ça commençait à devenir un peu "idiot" qu'Alexis paie un loyer, certes peu élevé, alors qu'il pourrait vivre ici. Bien sûr, c'est chez moi, mais... Mais dans ma tête, ça devient de plus en plus "chez nous".
Alexis
La proposition de Layla m'a surpris et touché en même temps. Je reconnais que lorsque s'est profilée mon installation, je m'étais dit que je chercherais sans doute une autre maison pour vivre, un peu plus grande pour pouvoir recevoir la famille, les amis, voire y héberger une partie de celle de Layla : la maison des Auches, bien que grande, n'est pas encore totalement aménagée et ne permet pas de loger toute sa fratrie et les enfants. Puis j'ai eu bien autre chose à faire, le projet de Layla a pris forme à son tour, bref, cette idée a été remisée.
Et voilà qu'elle me propose de vivre aux Auches ! D'y défaire mes cartons, d'y ranger mes affaires. De m'y installer, de m'y fondre.
C'est vrai que depuis la fin septembre et même depuis cet été devrais-je dire, je passe presque plus de temps aux Auches qu'à l'Enfer, du fait des fréquents voyages de Layla. Je ne prends même plus la peine de couper le chauffage et de le relancer, tout juste réglé-je le thermostat plus bas pour les jours où je ne viens pas. De même, si je veille à couper la bouteille de gaz, je n'éteins plus le réfrigérateur.
Alors y habiter au quotidien ? Même sans elle ? Même quand elle sera à Paris ou à Libourne ? Cela mérite réflexion, d'autant qu'elle viendra souvent ici, bien plus encore qu'au cours de l'année passée. Peut-être pas une semaine sur deux, mais au moins quelques jours toutes les deux semaines environ. Avec un week-end ensemble à la clé, forcément. Elle va faire beaucoup de trajets, train ou voiture, ce sera de la fatigue aussi, en plus de la satisfaction de voir avancer la restauration des usines. Alors prendre soin de sa maison, la rendre encore plus accueillante pour chacun de ses séjours, ma foi, c'est une perspective qui me plaît bien.
Nous demeurons silencieux, à fixer les flammes du foyer, les dernières bûches qui se consument avant de devenir braises. C'est vrai que cette maison est belle, qu'il y aurait certainement de la place dans les placards pour ranger de la vaisselle, que la bibliothèque en bas pourrait accueillir mes livres, que la vie m'y serait agréable, au quotidien. Que le lit de Layla pourrait devenir le mien à défaut d'être le nôtre chaque nuit. Je serai plus loin d'Antraigues et du cabinet médical, mais rien d'insurmontable et si jamais il y a le moindre risque de me retrouver bloqué par la neige un matin, je m'arrangerai avec Mariette pour prendre une chambre à son hôtel.
Mes doigts jouent avec les cheveux de Layla, glissant entre ses mèches blondes. La sienne passe sous mon pull, vient chercher ma peau. Je ferme les yeux. Cette approche, encore lente et déjà sensuelle, m'émeut toujours autant. Et je ne suis pas surpris, l'instant d'après, de la retrouver sur mes genoux, sa jupe légèrement remontée sur ses cuisses, me dévoilant ses bas fins et brillants, invitant déjà mes mains à se faufiler jusqu'à ses trésors.
Elle prend mon visage entre ses paumes, nous échangeons un long regard avant qu'elle ne m'embrasse profondément.
Et puis, je la laisse faire. Jusqu'à nous retrouver nus, les reflets du feu se posant sur sa peau, l'éclairant d'une douce chaleur.
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