Chapitre 108
Layla
Pour notre première semaine de vacances, nous faisons vraiment relâche. Nous en avons besoin tous les deux. Pas d'obligation, hormis le marché de Vals le dimanche matin, et une soirée chez Hugo et Emilie. Il fait très chaud, randonner dans les alentours est difficile. Nous partons cependant tôt un matin à l'assaut du volcan et certains jours, nous descendons à pied à Antraigues, à travers la châtaigneraie, pour de menues courses.
Nous profitons surtout d'Antraigues : petit café le matin à "La Montagne", partie de pétanque l'après-midi, baignade en toute fin de journée. Nous voyons souvent Aglaé qui parcourt les ruelles, allant chez une amie, puis une autre. Parfois, elle nous accompagne au coin baignade, parfois non. Elle se gorge de l'été comme une fleur sauvage. A la voir ainsi, cela me rappelle mes années d'enfance : l'insouciance, l'innocence et ce sentiment de liberté incroyable, associé à la certitude que les vacances ne finiraient jamais.
Nous passons aussi toute une journée sur le plateau. Nous emmenons Aglaé avec nous : elle est ravie de revoir le Mont Gerbier, de boire un peu d'eau de la source de la Loire, de se baigner dans le lac d'Issarlès. Nous avons prévu le pique-nique et nous demeurons jusqu'à la nuit, après avoir mangé dans la petite auberge de Lachamp-Raphaël. Aglaé voulait revoir des étoiles filantes et nous profitons donc de cette excursion pour lui offrir ce petit plaisir. Elle reste avec nous aux Auches, toute heureuse de dormir dans la chambre de Tantine.
Après ces premières journées plutôt tranquilles se profile le long week-end du 15 août. A cette occasion, mon frère nous amène Maxime. Depuis leur petit séjour à Noël dernier, il insistait pour revenir. Lors d'un de mes passages à Montussan, j'ai organisé sa venue avec ma belle-sœur et mon frère. Gabin le conduit ce mercredi, demeure avec nous pour le jeudi férié et ne repart que le vendredi pour les Pyrénées où il rejoint Margot et Jacob pour la fin du mois. Maxime va demeurer avec nous pour dix jours, je le ramènerai à Montussan à la fin de mes propres vacances. Il restera un peu chez mes parents, avant le retour des siens.
Je suis heureuse de profiter de mon petit neveu et Alexis était tout à fait d'accord pour qu'il vienne. Maxime s'est bien entendu avec Aglaé, nous prévoyons donc très vite qu'ils passent de nombreux moments ensemble.
**
- Tata ! Alexis !
Maxime sort de la voiture avec un grand sourire, laissant son père derrière lui. Alexis est le plus proche et il lui fait d'abord la bise, avant de venir se jeter dans ma jupe.
- Je suis content de venir pour les vacances ! me dit-il. Il fait beau !
- Oui, très. On ira à la baignade demain, dis-je. On passera chercher Aglaé.
- Je la verrai tous les jours ?
- Oui. Je pense. Elle est contente de te voir aussi.
Il affiche un grand sourire.
- Salut sœurette, me dit Gabin en me faisant la bise, après avoir salué Alexis. Vous allez bien ?
- Oui, très bien, répond Alexis. La route s'est bien passée ?
- Oui, ça a été. Pas trop de monde. L'avantage de venir en semaine. Mais je suis bien content d'arriver... La fin, c'est long quand même. Je ne suis pas Serge qui peut descendre la Chavade les yeux fermés ! rit-il.
- Venez vous installer sur la terrasse, il y a des jus de fruits et de la bière au frais.
- Ah, une Bourganel, volontiers ! lance Gabin.
Alexis fait le service, apporte aussi un saucisson dont il coupe quelques tranches. Maxime le déguste à petites bouchées, en fermant les yeux. Il m'amuse bien à mimer ainsi les grands en train de savourer.
- Est-ce qu'il y a encore des myrtilles, tata ? Et des framboises ?
- Les myrtilles, ça se termine... La récolte se déroule plutôt mi-juillet, début août, lui réponds-je. Mais on trouve de très bonnes tartes, des glaces...
Il sourit d'un air gourmand.
- Je sens qu'on ira souvent chez Béatrix à Vals... glisse Alexis en me jetant un regard complice.
- Je ne vois pas du tout pourquoi tu dis ça, lui dis-je d'un air faussement innocent.
Il sourit sans répondre, puis demande :
- Tout le monde va bien à Montussan, Gabin ?
- Oui, oui. Papa, ça va, dit-il d'abord, pour nous rassurer. Il fait un peu chaud, il sort juste le matin. L'après-midi, il reste au frais après sa sieste. Il lit beaucoup. Il ressort sur la terrasse, à l'arrière de la maison en fin d'après-midi seulement.
- Il a revu le médecin ? demandé-je.
- Oui, au début du mois. Pas depuis. Pour l'instant, tout va bien.
Je devine que mon frère a autre chose à me dire, mais qu'il préfère ne pas en parler devant Maxime. Nous continuons donc la conversation en parlant de Jacob, de Margot. Maxime glisse aussi que Justine les a emmenés pour tout un après-midi à la piscine, avec Luc. Et qu'ils se sont même plus amusés que son frère et lui ! Que Luc les a accompagnés dans le grand toboggan et que Jacob a déclaré que c'était "géant !".
- A Antraigues, il n'y a pas de grand toboggan, tu sais, dit Alexis. Par contre, on pourra peut-être trouver quelques gours le long de la Volane ou de la Besorgues, si ce n'est pas trop difficile d'accès.
- Qu'est-ce que c'est qu'un gour ?
- Une sorte de piscine naturelle, explique Alexis. J'avais emmené Aglaé une fois. C'était un peu long pour y accéder, il fallait descendre entre des arbustes et des gros cailloux. Mais c'est faisable.
- Ah...
**
Après le repas, fatigué par la route, Maxime s'endort bien vite. Nous avons installé un petit lit de camp pour lui, dans la chambre de Tantine où mon frère va dormir lui aussi, pour les deux nuits qu'il va passer ici.
Après avoir couché Maxime, nous avons repris place sur la terrasse, avec chacun un petit verre de rosé que nous sirotons tranquillement.
- C'est vraiment sympa à vous deux de prendre Maxime, dit Gabin. Vous avez peu de vacances, et franchement, un petit bonhomme comme lui pour une bonne semaine...
- Cela nous fait plaisir, dit Alexis avant que j'aie eu le temps de répondre. Il est attachant, curieux. Il s'entend bien avec Aglaé, on va leur trouver des activités qui nous permettront aussi de nous reposer.
- Nous avons prévu de l'emmener voir la grotte Chauvet, glissé-je.
- Oh la ! Je sens qu'on en entendra parler durant des semaines après ! sourit Gabin. Mais tu as raison. C'est chouette. Ne le gâtez pas trop...
- On ne fera pas pire que maman, promis ! dis-je.
Il sourit en levant les yeux vers le ciel. Je reprends :
- Gabin, il y a un souci avec papa ?
- Non, pas du tout ! Pourquoi dis-tu cela ?
- Tu ne m'as pas tout dit tout à l'heure...
- Hum, je voulais seulement ne pas faire allusion à l'AVC de papa devant Maxime. L'autre jour, maman a parlé de son rendez-vous chez le médecin, du coup, ça l'a inquiété... Et on a mis du temps à le rassurer. Il t'en parlera peut-être.
- D'accord. On sera vigilant.
- Je voulais surtout te dire que je sens papa assez impatient pour les usines.
- Il t'en a parlé ? m'étonné-je.
Non par le fait que papa en ait parlé, mais qu'il en ait parlé à mon frère, bien loin de ces considérations.
- Oui... fait-il avec un petit sourire. Je n'entends rien du tout à l'entreprise, ça me dépasse et franchement, Layla, tu sais très bien que ça ne m'intéresse pas. En revanche, le fait que tu aies ce projet, que ça te tienne à cœur et que ça tienne aussi à cœur à papa, ça... Ca me touche.
- Merci, dis-je, contente de savoir que mon frère m'apporte ainsi son soutien. J'espère que maman et lui pourront être présents pour l'inauguration.
- Tu ferais ça quand ?
- Tel que cela se profile, pas avant la fin septembre. Mais j'en saurai plus après les vacances. Je reviendrai au mois de septembre pour organiser tout cela avec l'équipe ici.
- Vous avez recruté assez de monde ?
- Il reste encore des postes à pourvoir, à Labégude. Mais cela n'empêchera pas l'usine de fonctionner. Je dirais même que, comme dans un premier temps la production sera réduite, qu'on va roder la chaîne, ce ne sera pas gênant. L'important sera d'être pleinement opérationnels en début d'année prochaine.
- Ok... fait-il avec un petit air déjà lointain.
Alexis
- Alexis !
Je lève le nez de mon livre. Impossible de lire plus d'une page, et encore. Entre Maxime qui veut me montrer comment il nage bien et Aglaé qui a toujours un œil qui traîne pour remarquer une petite bête, un caillou, une herbe folle... J'abandonne une nouvelle fois ma lecture, redresse la tête et regarde Maxime debout sur un rocher, à côté de sa tante. Elle est en train de lui apprendre à plonger. Je le regarde faire, puis quand sa tête émerge de l'eau, sourire éclatant et visage ruisselant, je lui adresse un pouce levé en l'air pour le féliciter.
Je vais pour reprendre mon livre, mais je jette d'abord un œil vers le vieux pont : Aglaé et une de ses amies sont parties en expédition dans ce coin-là. Je vois leurs silhouettes penchées au-dessus du filet d'eau. Je ne sais pas ce qu'elles ont repéré, mais quand je vois Aglaé relever la tête, me chercher du regard, je comprends avant même qu'elle ne me fasse signe que je vais devoir les rejoindre.
Je longe la rive, passe de caillou en caillou pour arriver près d'elles. Alors que je suis à quelques mètres, Aglaé me dit :
- Passe par-là, Alexis ! Viens doucement ! C'est un petit serpent.
"Bon sang !", me dis-je. "Si on l'entend, elle va faire fuir au moins la moitié des baigneurs..."
A plusieurs reprises, j'ai entendu dire qu'il y avait de petites couleuvres d'eau dans le coin, mais je n'avais encore jamais eu l'occasion d'en voir. Elles sont inoffensives et surtout discrètes. Je m'approche plus lentement jusqu'à me placer derrière les deux fillettes.
- Là, tu la vois ? Près du caillou arrondi... Hop, elle a bougé !
J'aperçois en effet le petit serpent. Il doit mesurer une vingtaine de centimètres tout au plus. Peut-être moins : l'eau a tendance à avoir un effet loupe. Nous le suivons du regard, en train de remonter le courant, puis il disparaît derrière des cailloux.
- Bien... dis-je. On va éviter de le crier à tue-tête, d'accord, les filles ?
- D'accord, dit Aglaé. Il ne faudrait pas que des gens la tuent par bêtise. Elle n'est pas venimeuse.
- Qui te l'a dit ?
- Maurice. Et Julien aussi. Il m'a dit que quand ils étaient petits, avec Layla, ils en voyaient souvent.
- Vous redescendez vers la baignade... Je pense que vous avez assez exploré pour aujourd'hui...
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