Chapitre 128

6 minutes de lecture

Alexis

Le lendemain de Noël, le temps est assez dégagé, même si des averses sont annoncées dans l'après-midi. Nous partons assez tôt Layla et moi pour une balade à la journée autour du cap de la Hague. J'ai prévu de lui faire faire le tour de la pointe, jusqu'à Cherbourg. Nous reviendrons par l'intérieur des terres. Je prends au maximum la route côtière, au moins jusqu'à Flamanville et même Dielette qui offre une superbe plage et un port bien abrité. Nous y marquons d'ailleurs un premier arrêt, pour une petite promenade.

Le cap de la Hague est un endroit très beau et très sauvage et s'il n'y avait l'usine de traitement des déchets nucléaires, le site serait très certainement parmi les plus notoires de France. L'usine a cependant sans doute eu cela de bon : elle y a limité le développement sauvage des habitations et la côte est relativement protégée. Nous faisons une belle randonnée autour de Goury, et j'explique à Layla la dangerosité de la mer dans toute cette zone : les courants peuvent être très forts, en fonction des marées, de la force des vagues, de la direction contraire ou non du vent. Un vent de force moyenne, mais contraire à la marée, peut se révéler bien plus dangereux qu'un vent plus fort allant dans le même sens. Toute la zone est réputée pour être une des plus mal pavées de France, avec certains coins en Bretagne. Les naufrages y ont été nombreux et un rail balise la route pour les navires, plus au nord. Le CROSS Jobourg surveille la zone 24h/24.

En début d'après-midi, je conduis Layla jusqu'à un endroit très joli et peu ordinaire, à Omonville-la-Petite, et plus particulièrement jusqu'à son petit cimetière, en haut de la falaise. C'est là que repose Jacques Prévert.

- Un grand poète repose à Antraigues, dis-je, en entrant dans le cimetière. Tu vas voir qu'un autre avait choisi le Cotentin pour l'éternité.

Nous faisons quelques pas avant de nous arrêter devant la tombe. Jacques Prévert repose auprès de son épouse et de sa fille. La particularité de la tombe est qu'elle ne possède pas de pierre tombale, mais offre directement un joli parterre de fleurs. En cette saison, elle n'est guère fleurie, mais quelques jolies plantes offrent cependant leur feuillage varié. Une grande pierre de granit porte le nom du poète.

- Oh ! fait Layla avec étonnement et un brin d'admiration dans la voix. Que c'est joli et... tellement simple.

Je souris.

- Je me doutais que tu aimerais. Je voulais qu'on y passe...

- Tu fais bien. Et il voit la mer tous les jours...

- Oui, la mer, le ciel, la nature. Je crois qu'il est bien, ici.

- Comme Ferrat voit la montagne, soupire-t-elle. Merci de m'avoir emmenée et fait découvrir cet endroit, Alexis. J'ignorais que Prévert reposait à la toute pointe du Cotentin...

- Au printemps et en été, c'est encore plus joli, car très fleuri.

- Je me doute. Il y a des rosiers, une azalée...

Nous demeurons un moment devant la tombe, puis repartons. Nous rentrons en suivant encore le plus possible la route côtière, vers Cherbourg, et nous nous arrêtons à plusieurs endroits, pour permettre à Layla d'admirer la vue.

Layla

Cette première journée de promenade était vraiment plaisante. J'ai découvert tout un monde et des paysages dont je ne connaissais rien. Le Cotentin est encore bien différent du pays de Caux où nous nous étions rendus un week-end, il y a deux ans, Alexis et moi. Les falaises n'ont cependant rien à envier à celles d'Etretat et j'aime aussi le côté sauvage de la pointe. J'ai été touchée par le détour au cimetière d'Omonville-la-Petite. Je me souviens avoir appris quelques poèmes de Prévert quand j'étais écolière, et avoir apprécié aussi certains de ses films, comme "Les enfants du paradis" ou le dessin animé "Le roi et l'oiseau".

A notre retour à la maison, nous avons dîné avec Daniel et Valérie, et Antoine et Gabriel. Adrien, Daphné et Noa sont rentrés chez eux. Ils n'habitent pas loin et nous les reverrons vendredi soir, avant notre départ.

Le lendemain, direction plein sud, jusqu'au Mont-Saint-Michel. Antoine et Gabriel nous accompagnent et nous passons tous les quatre une très belle journée. Là encore, Alexis emprunte la route côtière et après avoir pu admirer Jersey, c'est Chausey qui se devine dans le lointain. Nous faisons de fréquents arrêts et nous déjeunons à Granville, dans un petit restaurant sur le port. A la fin du repas, nous nous disputons gentiment Gabriel et moi pour savoir lequel des deux va régler la note, tout cela sous le regard amusé et attendri de nos chéris. Je finis par l'emporter, Gabriel me lançant un : "honneur aux dames !" accompagné d'une petite courbette.

Nous poursuivons notre périple plus au sud et après Carolles, nous nous arrêtons dans le petit village de Champeaux et gagnons le sentier des douaniers pour une promenade qu'Alexis qualifie de "Plus beau kilomètre de France", après la descente de la Chavade, bien sûr, ajoute-t-il en me lançant un regard complice.

Depuis les falaises, nous avons en effet une vue magnifique. Le temps est avec nous car bien dégagé, et nous pouvons admirer toute la baie du Mont-Saint-Michel. On distingue très nettement le mont et le rocher jumeau de Tombelaine. Antoine me raconte la légende liée à ce rocher, dont le nom serait la contraction de l'expression "La tombe d'Hélaine".

**

A l'issue de cette journée, j'ai vraiment le sentiment d'avoir pris un bon bol d'air, comme la veille, au cap de la Hague. Je dors d'ailleurs comme une marmotte, ce qu'Alexis ne manque pas de me rappeler. Mais déjà notre séjour s'achève et après avoir passé une bonne dernière soirée tous en famille, nous reprenons la route de bonne heure le samedi matin. Alexis avait proposé de ne rentrer que le dimanche, mais comme il travaille dès lundi, je voulais qu'il puisse bénéficier d'une journée de repos, à la maison, avant la reprise.

De mon côté, je ne reprends le travail que le 2 janvier, jeudi. L'usine de Libourne ne tourne pas en cette période, et nous avons maintenu en revanche l'activité pour les deux autres, afin de bénéficier de ce petit laps de temps pour fabriquer du stock d'emballages. Nous ne nous sommes pas retrouvés en rupture d'approvisionnement, mais l'arrêt de l'usine à la suite du séisme nous rappelle que nous pouvons parfois être dépendants d'événements naturels imprévisibles. De plus, la grande majorité du personnel ayant commencé à travailler en septembre, les salariés bénéficiaient de peu de jours de congés. Certains ont quand même pris une ou deux journées, pour les fêtes.

Je vais donc me trouver en Ardèche pour ce tout début d'année. Je me rendrai ensuite à Libourne pour trois jours, pour les vœux, puis je remonterai sur Paris. Je compte être de retour pour le week-end du 18 janvier et rester jusqu'à la fin du mois.

Alexis

- C'était bien...

Je me tourne vers Layla et la prends contre moi. Elle a les yeux fermés, un sourire aux lèvres.

- Je suis content que cela t'ait plu ! Ca a fait plaisir à mon oncle et à ma tante de nous voir, et de te recevoir chez eux, à leur tour.

- Il faudrait être difficile pour ne pas aimer... Et encore, je n'ai pas vu les paysages à la belle saison.

- Le printemps est ce qu'il y a de mieux. Quand les champs sont verts, que les pommiers sont en fleurs...

- Tu n'es pas trop fatigué par la route ?

- Non, ça va. Demain, on reste tranquille.

- J'irai faire le marché toute seule, si tu veux. Que tu puisses te reposer un peu plus.

- On verra demain matin. Dors bien.

- Toi aussi, fait-elle en glissant sa main sur mon torse.

Nous sommes de retour chez nous, après une longue journée de route de plus de treize heures, en comptant les arrêts. Nous avons pu passer par la Chavade, ce qui était une chance, l'autoroute du sud étant bien chargée avec les trajets des vacances et les adeptes du ski alpin. Après un rapide souper - fait de restes donnés par ma tante et de parts d'un gâteau confectionné par Gabriel -, nous n'avons pas traîné. Une douche-câlin et notre lit.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Pom&pomme ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0