Chapitre II
Lorsque le réveil sonna, Norman ressemblait à un rouleau de printemps. Sa nuit avait été tellement mouvementée qu'il n'avait pas arrêté de se retourner, se piégeant lui-même dans le cocon qu'avaient formé le plaid ainsi que la couverture qui le couvraient.
Il s'extirpa tant bien que mal de sa prison de plume et de bambou puis fila sous la douche ; le petit déjeuner devrait attendre. Il ouvrit à fond le robinet d'eau, patienta jusqu'à ce que le chauffe-eau se mette en route et grimpa dans le bac. Au moment où il plongeait sous le jet brûlant, une alarme se déclencha quelque part au dehors. Jurant dans sa barbe naissante, Norman sortit en vitesse puis se sécha à la va-vite avant de courir entièrement nu jusqu'à son ordinateur.
Ce dernier indiquait que la faille qu'il surveillait de près s'était encore agrandie, et ce, de manière considérable ; il fallait qu'il aille se rendre compte sur place.Pas de doute, cet endroit avait décidé de lui gâcher la vie !
Il enfila rapidement sa combinaison et le reste de ses vêtements "anti froid", comme il les appelait, mit ses bottes en peau de phoque puis sortit du chalet pour se diriger vers l'endroit. Arrivé au-dessus de la crevasse, il s'arrêta brusquement. Sous ses pieds, environ une dizaine de mètres de vide l'attendait. Prenant garde à ne faire aucun mouvement brusque, il rebroussa chemin jusqu'à voir entièrement le trou. Ce dernier était d'un diamètre impressionnant et était parfaitement rond, comme si une gigantesque foreuse l'avait creusé.
Pris de vertige, Norman se laissa tomber à genoux sur la surface blanche ; qu'avait-il bien pu se passer ici ? Il scrutait l'intérieur de la fosse lorsqu'un détail qu'il n'avait pas remarqué plus tôt, lui sauta aux yeux. Sur quelques trois mètres cinquante, la cavité descendait à la verticale, cependant, le fond semblait dessiner le commencement d'un coude qui partait doucement vers l'est. Ce boyau rejoignait-il la grotte qu'avait détecté le satellite ? Tout ceci devenait tellement étrange que c'en était inquiétant. Comment une foreuse, aussi gigantesque soit-elle, avait-elle pu creuser une excavation en courbe ? Cela dépassait son entendement....
Se redressant doucement, Norman rejoignit le chalet, il attendrait l'après-midi pour pousser ses investigations un peu plus loin. Au train où allaient les choses, la glace bleue aurait fondu de quelques mètres supplémentaires ; peut-être trouverait-il des indices pouvant expliquer ce qu'il avait pu se passer ici.
S'il découvrait une comète, elle porterait son nom ! Bien sûr, en tant que scientifique, il savait que c'était impossible car il n'était pas astronome, de plus, il ne découvrirait là-dessous qu'un fragment, si toutefois c'était bien ce qui l'attendait sous cette couche de glace. Néanmoins, éternel rêveur doublé d'un poète amoureux, il pouvait se faire plaisir en songe à défaut de pouvoir le faire en vrai.
Après avoir pris sa douche et déjeuné frugalement de deux toasts et d'une tasse de thé, Norman effectua d'autres prélèvements de glace qu'il ramènerait au pays lorsqu'il serait rapatrié ; une moitié de congélateur de deux cent cinquante litres remplie jusqu'à ras bord devrait suffire. De toute façon le reste était déjà occupé par ses cônes praliné/noisette et pistache/chocolat, son péché mignon.
À midi pile, il mangea sur le pouce et sans réel appétit un œuf au plat et un peu de fromage puis s'habilla pour ressortir. Muni de son matériel d'escalade, d'un marteau ainsi que de la plus grande échelle de corde qu'il put trouver, il se rendit à nouveau auprès de la crevasse.
Le glace avait encore fondu en-dessous, et pas qu'un peu ; le coude qu'il apercevait seulement le matin même était maintenant totalement découvert. Si le début du boyau n'avait pas été aussi vertical, il aurait sûrement pu se croire dans l'un de ces toboggans aquatiques que Norma appréciait tant, et sauter. A cette pensée, un sourire béat illumina son visage poupin. Norma, la femme de sa vie : la beauté parfaite et une tête bien remplie. Comment avait-elle pu se marier avec cet abruti de Simon Fish ? Même son patronyme était ridicule ! Heureusement, elle avait eu l'intelligence de garder son nom de jeune fille ! Il secoua la tête marquant par là son incompréhension.
Après avoir solidement attaché la corde autour d'un haut pilier en métal à proximité du chalet, Norman se creusa un passage à travers la glace avant de lançer l'échelle dans le trou. Il ne manquait qu'une cinquantaine de centimètres pour qu'elle touche le fond, c'était parfait. Tout compte fait, il n'aurait pas besoin de son matériel d'escalade qu'il abandonna sur place avant de débuter sa descente.
Curieusement, il y avait peu d'eau stagnant en bas, elle devait donc s'écouler par dessous. Il se demanda si elle ne fondait pas par la base et si, ce qu'il prenait pour le fond n'était pas comme une sorte de couvercle qui descendrait au fur et à mesure de la fonte. Peut-être était-ce simplement le reste de la comète.Il préleva un morceau de la paroi qui se révèlerait peut-être différent de ceux pélevés au sommet, et un autre fragment de ce qu'il avait sous les pieds puis posa sur cette surface un petit flacon en plastique afin de vérifier son intuition.
Ne voyant rien de plus à faire pour le moment, il entama sa remontée vers l'extérieur avant de rentrer pour analyser les nouveaux échantillons. À l'intérieur, le sismographe lui signala de faibles vibrations au niveau de l'enrochement.
Un possible écoulement d'eau de fonte dans l'océan tout proche, faisant coulisser le "couvercle", pourrait-il provoquer ces vibrations ?
Il nota dans son carnet toutes ses interrogations ainsi que les résultats des nouvelles analyses. Demain serait un autre jour. Avec un peu de chance, le reste de glace aurait fondu et il pourrait finir d'investiguer à sa guise.
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Ad'H & JI 02/09/20
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