Le jour comme une hésitation…
Le jour comme une hésitation…
Le jour est comme une hésitation à l’horizon, une faille encore à peine ouverte, une promesse de dépliement. Les choses sont au repos. Nul bruit qui viendrait froisser l’eau, en altérer la sublime pellicule. Nul mouvement sauf le gonflement à peine esquissé du flux et du reflux, cette métaphore de la respiration humaine, des battements du cœur, ce compteur existentiel qui fait tourner ses rouages à notre insu. Comme pour nous rassurer. Suspendre le glaive. Laisser la vie faire ses fantaisies, dilater l’espace du rêve, inviter à paraître la rumeur romantique pareille à une guirlande de fleurs dont la fragrance, longtemps, ornerait la sève disponible de nos fronts, allumerait sur la sclérotique de nos yeux l’envie d’être dans le luxe du jour qui vient. Au loin la garrigue semée de cailloux, traversée de la course bleue des muscaris, ponctuée des grappes rouge sombre des orchis. Puis les étangs, ces flaques immobiles tournées vers le ciel, miroirs réverbérant l’infini. Puis la mer, immense, au dos énigmatique, à la présence si mystérieuse qui court, au loin, vers d’étranges contrées que, sans doute, nous ne connaîtrons jamais. Tout est là, posé devant nous comme un décor de théâtre avec le rideau de scène des nuages, cette lame grise qui n’en finit pas de tomber et, dans l’échancrure de sa parution, l’œil blanc du soleil, sa traînée vermeil sur la vitre d’eau que fragmentent les copeaux d’air. A gauche une digue de pierres qui fait son môle noir puis disparaît à la vue, attirée par la densité des abysses. A droite, mais nous ne l’avions nullement aperçue, la silhouette d’un homme à la limite d’une visibilité. Aussi bien aurions-nous pu la prendre pour un élément du paysage, tronc levé sur le bord du rivage, balise destinée à indiquer le dessin de la côte aux navires hauturiers qu’une brume aurait égarés, ici, tout près du banc de gravier que piétinent les mouettes et les goélands.
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