Au plus près des étoiles...
Assise à quelques pas de la fenêtre, je contemple ma vie. En bas, lointaine, il me semble qu'elle ne s'est jamais retrouvée dans les profondeurs du précipice. Il y a quelques mois encore, je savais qui j'étais et qui je voulais être. Je rêvais mon avenir sur des milliers de papier, où j'écrivais avec hâte, bonheur, facilité. Je n'avais jamais connu l'amour, ni le désespoir, l'attente, la peur, la joie véritable, l'espérance. Je n'avais pas vécu, en somme. Mais vivre, est-ce donc souffrir ?
Plongée dans cette impasse, tous les rêves étaient devenus hors d'atteinte, comme hissés dans un ciel auquel je n'avais plus accès. Je l'avais possédée, pourtant, la clef, et la porte s'était retrouvée à quelques songes de moi. Seulement, je ne pensais pas que derrière le battant se trouverait une impasse. J'avais cessé d'écrire, perdu l'inspiration, le peu d'amour propre et de confiance que j'étais parvenue à conserver de maintes humiliations. Il ne me restait qu'une lumière et elle s'était éteinte à tout jamais.
Immobile dans ma chambre, la porte restait close. Je pleurais, comme déchirée en mille lambeaux de sentiments. Les larmes s'écoulaient lentement le long de mes joues pour les maculer d'une onde transparente qui me soulageait tout en précipitant de nouvelles trompes d'eau salée sur mon visage méconnaissable. Qui aurait pu croire qu'une fille si forte, si courageuse, si chanceuse, puisse se fissurer au premier chagrin qui lui venait ? Jamais je n'avais ressenti cette douleur dans la poitrine, comme si on y avait planté des morceaux de verre. Jamais auparavant je n'avais voulu mourir. Jamais je n'avais espéré me retrouver plusieurs années en avant ou en arrière, n'importe quand mais pas maintenant, dans ce présent qui m'éloignait de moi-même.
Je m'étais alors levée. Les sanglots m'étreignaient. Je baissai les yeux sur le jardin qui semblait me crier de le rejoindre. Les étoiles brillaient à la surface d'un miroir silencieux. La lune murmurait de douces paroles dans une langue que j'avais oubliée. Le vent soufflait pour ce qui me semblait être la dernière fois. Il me suffisait de me hisser, de me laisser tomber et d'entendre chanter une ultime fois la nuit à mes oreilles...
Mais j'avais pensé à tout ce qui jusqu'ici avait rendu ma vie si belle, avec l'impression que tout n'était pas perdu, que, dans cette opacité de givre, s'étiolait un semblant d'espoir. Alors, je m'étais retournée pour affronter la vérité qui me tordait les entrailles et me brisait le coeur.
Même les coeurs brisés peuvent encore aimer...
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