Acte I

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Scène 1

La scène représente un bureau de production.

A gauche de la scène se trouve un grand bureau et à droite, un petit.

La salle est bien rangée, il y a divers objets de bureau comme une cafetière, des dossiers, des armoires.

On entend toquer.

Etienne

Monsieur Diron ?

On entend toquer à nouveau.

Etienne

Monsieur Diron ?

On entend toquer à nouveau.

Le jeune homme ouvre la porte.

Il a un grand manteau, avec un bonnet à oreilles.

Il parcourt la pièce des yeux, un peu perdu.

Etienne

Monsieur Diron ? Vous êtes là ? C'est moi, Etienne. On m'avait dit de venir à neuf heures. (un temps) Il est bien neuf heures ? (il vérifie sa montre) En tout cas à ma montre il est neuf heures. (un temps) A moins qu'il y ait eu un changement d'heure... Dans ce cas-là je suis en avance ! (un temps) Ou en retard... (un temps) Monsieur Diron ?

Il va au centre de la salle, et regarde à l'horloge, représentée par le public.

Etienne

Non bah ici aussi il est neuf heures. Ma foi, je vais l'attendre.

Il reste debout, au centre de la scène, à ne savoir que faire.

Etienne

En tout cas, c'est un beau bureau.

Le téléphone sonne.

Surpris, Etienne regarde le téléphone, les yeux écarquillés, et ne sait que faire.

Il détourne son regard du téléphone.

Le téléphone sonne à nouveau. Etienne sursaute une nouvelle fois et repose son regard sur le téléphone.

La sonnerie du téléphone retentit encore trois fois, et Etienne ne sait toujours que faire.

La messagerie commence. On entend une voix grave d'homme.

Messagerie de Monsieur Diron

Bonjour. Vous êtes bien chez Diron Production, mais y'a personne au bureau pour l'instant. Laissez un message si c'est important, sinon barrez-vous.

On entend un bip. Puis une voix de femme laissant un message.

Voix Stéphanie

Monsieur Diron, c'est Stéphanie. Juste pour vous rappeler que ce matin, on a le p'tit jeune en service civique qui arrive. Il s'appelle Etienne. Pas méchant comme bonhomme mais con, ça c'est flagrant. Tâchez de pas le traumatiser car c'est un employé qui revient à pas cher. Il sera parfait pour les tâches que les êtres humains feront plus quand on aura des robots assez performants. En attendant, on l'a lui, alors profitez-en.

Un temps.

Etienne

Bon... (un temps) Ah, je sais, je vais déjà commencer à travailler. Si quand Monsieur Diron arrive, il me voit en train de travailler, il va se dire que je suis un bosseur, et je vais lui plaire direct.

Etienne enlève son bonnet et son écharpe et les accroche au porte-manteau.

Il enlève ensuite sa veste, et en la mettant au porte manteau, fait tomber ce dernier.

Etienne

Oh non.

Il tente de remettre le porte-manteau droit mais le téléphone sonne.

Il sursaute et refait tomber le porte-manteau.

Il se hâte vers le téléphone et décroche.

Etienne

Oui allô ? - Ah oui, excusez-moi. Oui vous êtes bien chez Monsieur Diron. - Ah non il n'est pas encore là. Vous voulez que je lui transmette un message ? - Qui je suis ? Je suis Etienne, je travaille en service civique chez Diron Production. - Pourquoi vous riez ?

Un temps.

Etienne

Il a raccroché. Ma foi. (un temps) Bon, ce porte-manteau.

Etienne se dirige vers le porte manteau.

Il le relève, et remet sa veste dessus. Il recule de deux pas.

Etienne

Et bien, comme ça il devrait tenir.

La porte s'ouvre, poussant Etienne en avant, emportant le porte manteau dans sa chute.

Scène 2

Hervé Diron entre.

Il est en costume, bien coiffé, et avec un grand manteau.

A côté de lui, un homme du même acabit, plus mince ; Jules Martin.

Hervé Diron (allant à son bureau)

J'en ai rien à battre, tu comprends ? Tous les mois c'est la même chose, tu te pointes chez moi le matin avec des croissants, comme si on avait couché ensemble la veille, et tu me demandes plus de fric, car soi-disant je n'en donne pas assez pour votre film. Bordel, le budget était fixé à un million sept-cent milles, et t'auras pas plus.

Jules Martin

Mais on ne peut plus, Hervé ! On ne peut plus ! On a plus rien ! Les techniciens veulent plus venir bosser, parce qu’on galère à nourrir l'équipe. Y'a tout le monde qui maigrit à vue d’œil !

Hervé Diron

Dans une période comme la nôtre où la maigreur est à la mode, j'vois pas le problème.

Jules Martin

Tu vois pas le problème ? Putain Hervé, les comédiens ne sont plus raccords avec ce qu'on a filmé précédemment ! Comment t'expliques au spectateur que l'actrice principale se transforme en déportée juive au fur et à mesure du film ?

Hervé Diron

Ton réalisateur verra ça au montage.

Au fond de la scène, Etienne reprend ses esprits et essayent de se relever.

Le bruit qu'il fait surprend les deux hommes d'affaires.

Jules Martin

C'est qui ?

Hervé Diron

Je sais pas mais il va vite décamper.

Hervé Diron tire un tiroir de son bureau, puis en sort un pistolet.

Il vérifie que ce dernier est chargé et s'approche de la provenance du bruit.

Etienne se relève, dos au public.

Il relève avec lui le porte manteau et le remet en place.

Hervé Diron le met en joue.

Etienne

Fichu porte-manteau. Tu vas m'obéir maintenant !

Etienne se retourne.

A la vue de Monsieur Diron et du pistolet, il sursaute et lève les bras en l'air.

Etienne

Monsieur Diron n'est pas là ! Voulez-vous que je lui transmette un message de votre part à son retour ?

Hervé Diron

T'es qui ?

Etienne

Etienne Pilard, Monsieur.

Hervé Diron

Qu'est ce que tu fous là ?

Etienne ne répond pas et regarde ses pieds.

Hervé Diron

Réponds ou j'appuie !

Etienne

Je suis en service civique ! Voila, c'est dit ! Vous allez vous moquer de moi maintenant ?

Hervé Diron

Qu'est ce que c'est que le service civique ? Et qu'est ce que ça vient foutre chez moi ?

Etienne

C'est comme du bénévolat, mais avec une rémunération et des obligations.

Hervé Diron

T'es employé ?

Etienne

Presque.

Hervé Diron

Et qui t'a presque engagé ?

Etienne

Stéphanie Paganelle, Monsieur.

Hervé Diron

Martin, viens là.

Jules Martin s'approche de Monsieur Diron, lui donne le pistolet.

Hervé Diron

Tiens-le en joue. J'ai un appel à passer.

Hervé Diron va à son bureau et prend son téléphone.

Hervé Diron

Allô ? Stéphanie ? Y'a un glandu dans mon bureau qui dit s'appeler...

Etienne

Etienne Pilard, Monsieur.

Hervé Diron

Il dit s'appeler Etienne. Il dit être en...

Etienne

Service Civique Monsieur.

Hervé Diron

Il dit être en Service Civique, et apparemment c'est toi qui l'a engagé. - Ah. - Ah oui c'est rentable. - Et combien de temps on doit se le coltiner ? - Tant que ça ? - Oui bah je ferai un effort.

Il raccroche.

Hervé Diron

Donc tu travailles ici ?

Etienne hoche la tête.

Hervé Diron

Pour six mois ?

Etienne hoche la tête.

Hervé Diron (s'asseyant)

Bon. A ton bureau.

Jules Martin

Attends une minute.

Hervé Diron

Oui ?

Jules Martin

J'ai le flingue.

Hervé Diron

Oui, d'ailleurs rends-le moi.

Jules Martin

Pas si vite.

Hervé Diron

Quoi encore ?

Jules Martin

Et si je m'en servais ?

Hervé Diron

Pas besoin, il bosse ici finalement.

Jules Martin

C'est pas ce que je veux dire.

Hervé Diron

J'te suis pas.

Jules Martin met en joue Hervé Diron.

Jules Martin

Tu vas m'écouter maintenant.

Hervé Diron

Qu'est ce que tu nous fais ?

Etienne

Messieurs, je ne crois pas que Monsieur Diron aimerait vous voir utiliser ses locaux pour ce genre d'affaires...

Hervé Diron

Mais il est con ?

Etienne

J'ai dit une bêtise ?

Jules Martin (criant)

Changez pas de sujet vous deux !

Un temps.

Hervé Diron et Etienne regardent Jules Martin.

Jules Martin

Debout Hervé.

Hervé Diron

Qu'est ce que ça veut dire ?

Jules Martin

Tu sais pas ce que veut dire "debout" ?

Etienne

Moi si ! La preuve, regardez, je suis debout.

Jules Martin

Mais il est con ?

Hervé Diron

Tu comptes me menacer de mort si je te donne pas de fric ?

Jules Martin

J'ai plus trop le choix.

Hervé Diron

Tu sais que je représente un tiers de la production du cinéma français ?

Jules Martin

Justement, t'as de quoi me filer un million de plus !

Hervé Diron

Un million ! Tu te fais pas chier toi !

Jules Martin

Debout.

Etienne

Moi je le suis.

Hervé Diron

Mais ? Demi trouduc' , c'est moi qu'il menace. Toi tu t’assois et tu bosses.

Etienne s’assoit à son bureau ne comprenant pas.

Hervé Diron se lève, et va au centre de la scène, face à Jules Martin.

Hervé Diron

Donc quoi ?

Jules Martin

Un million de plus pour le film et je te laisse en vie.

Hervé Diron

Tu te rends compte que si tu me tues, tu n'auras pas ton million, et qu'en plus tu finiras en tôle.

Un temps.

Jules Martin

Merde.

Hervé Diron

Bah oui.

Jules Martin (suppliant)

S'il te plait, Hervé. Un million, rien qu'un million, un p'tit million. J'en peux plus de ce film de merde. Je m'en sors plus.

Hervé Diron

Allez mon bon Martin, calmes-toi. Donne-moi ce pistolet. (Monsieur Diron lui prend le pistolet des mains) Ecoute, je sais que c'est dur et je suis prêt à faire un effort.

Jules Martin

C'est vrai ?

Hervé Diron

Non. Casses-toi.

Jules Martin

Hervé, je t'en prie !

Jules Martin attrape Hervé par le col et le supplie.

Hervé, lui, attrape Monsieur Martin aussi par le col et l'amène vers la sortie.

Hervé Diron

Faites votre film avec ce que vous avez, peu m'importe. (A Etienne) Ouvre la porte, toi.

Etienne se presse d'aller ouvrir la porte.

Hervé jette Jules en dehors de la pièce.

Hervé Diron

Et ne t'avises pas de ramener des croissants chez moi !

Hervé Diron claque la porte.

Scène 3

Toujours le pistolet dans la main, il réajuste son costume.

Etienne le regarde. Hervé se retourne et le regarde aussi.

Hervé Diron

Qu'est ce que tu fais là toi ? Au boulot.

Etienne se hâte d'aller s'asseoir à son bureau.

Une fois son costume réajusté, il enlève son manteau et le jette sur le bureau d'Etienne.

Hervé Diron

Va m'accrocher ça.

Etienne prend la veste et se dirige vers le porte-manteau.

Hervé Diron retourne à son bureau et range le pistolet dans le tiroir.

Etienne met la veste très délicatement sur le porte-manteau.

Hervé Diron se concentre sur son ordinateur, lisant quelque chose.

Une fois la veste posée sur le porte-manteau, Hervé Diron tape brutalement sur son bureau.

Hervé Diron

Bordel !

Surpris, Etienne sursaute et se prend les pieds dans le porte-manteau qui tombe.

Etienne s'empresse de le remettre en place.

Hervé Diron

Fais-moi un café toi.

Le porte manteau toujours au sol, Etienne se hâte à la cafetière.

Hervé Diron

Ils vont m'entendre ceux-la.

Il prend le téléphone et compose un numéro.

Pendant ce temps, Etienne fait couler le café.

Hervé Diron

Allô ? Stéphanie. - Oui, c'est quoi cette menace que fait la De Saint-Jean de quitter le projet ? - Ah, parcequ'elle aime pas le réal ? Pourquoi qu'ils s'aiment pas les deux ? - Soit, bah virons-le. - Oui je sais que ça fait quinze ans qu'ils bossent pour nous, mais bon c'est pas pour lui que les gens vont voir le film. - Peu importe, licencie-le, et fais en sorte qu'il ne vienne pas chouiner à ma porte.

Il raccroche.

Etienne est devant le bureau de Monsieur Diron avec un plateau portant deux cafés.

Monsieur Diron se met à écrire un mail, les yeux rivés sur l'écran de son ordinateur.

Sans même le regarder, Monsieur Diron prend les deux cafés et les pose sur son bureau.

Un temps.

Etienne

Monsieur ?

Hervé Diron

Quoi ?

Etienne

Un des cafés était pour moi.

Hervé Diron

Hum.

Monsieur Diron prend l'un des cafés et le tend vers Etienne.

Il le lâche avant même qu'Etienne ait pu mettre sa main.

Le café tombe par terre.

Un temps.

Etienne va prendre de l'essuie-tout vers la cafetière, puis retourne à la flaque de café pour la nettoyer.

On toque à la porte.

Monsieur Diron regarde enfin Etienne.

Hervé Diron

Qu'est ce que tu fais ?

Etienne

Je nettoie...

Hervé Diron

T'as pas entendu ?

Etienne

De ?

Hervé Diron

La porte.

Etienne

On a toqué, oui.

Hervé Diron

Bah va ouvrir, idiot !

Etienne s'empresse d'aller ouvrir la porte.

Scène 4

Nathalie entre, l'air sévère.

Nathalie

Bonjour Hervé.

Hervé Diron

Adressez-vous au stagiaire pour prendre rendez-vous.

Nathalie regarde Etienne.

Etienne

Je suis pas vraiment stagiaire. En fait je suis en service civ..

Nathalie lui donne brutalement sa veste.

Elle va s'asseoir sur la chaise faisant face au bureau d'Etienne.

Nathalie

Accrochez ça. Je vous attends.

La veste à la main, Etienne regarde le porte-manteau et soupire.

Il s'approche doucement dudit objet, puis pose délicatement le manteau dessus.

Le porte-manteau ne bronche pas.

Etienne

Yes !

Hervé et Nathalie lèvent les yeux vers Etienne.

Gêné, il retourne s'asseoir à son bureau, face à Nathalie.

Etienne

Hum, bonjour Madame, vous aviez rendez-vous ?

Nathalie

Non, je n'en ai pas pris la peine.

Etienne

Vous auriez dû. Monsieur Diron est très occupé vous savez.

Nathalie

Je sais oui.

Etienne

Vous voulez donc en prendre un ?

Nathalie

Ça n'est pas la peine. Pouvez-vous lui laisser un message de ma part ?

Etienne

Yes !

Etienne prend un stylo et un post-it.

Etienne

Je vous écoute.

Nathalie

Vous lui direz que s'il me cherche, je ne serai plus là.

Etienne

Où ça ?

Nathalie

Taisez-vous et notez. Je ne serai plus là et s'il me cherche, dîtes lui que je serai chez Monsieur Bisset chez qui la production est plus intéressante.

Etienne

Est-ce une rupture de contrat ?

Nathalie

En quelque sorte.

Etienne

Pouvez-vous me donner votre nom ?

Nathalie

Nathalie Diron.

Etienne hésite, doutant de l'absurdité de la chose.

Etienne

Très bien Madame... Diron. Je m'en vais lui transmettre à son bureau.

Etienne se lève, hésitant, le pas lourd.

Il va doucement au bureau de Monsieur Diron.

Au moment où il s'apprête à parler, Hervé frappe des deux poings sur son clavier.

Hervé Diron

Bordel !

Il se lève brutalement et se dirige vers la sortie.

Hervé Diron

J'ai une affaire à régler ! Si l'on téléphone, dis de laisser un message.

Etienne

Justement Monsieur, j'en ai un à vous transmettre.

Hervé Diron

Pas le temps, plus tard.

Etienne

La cliente dit s'appeler Madame Diron.

Hervé Diron

Pose son message sur mon bureau.

Etienne

C'est au sujet d'une rupture de contrat.

Hervé Diron

Quel contrat ?

Etienne

Celui de Madame Diron.

Hervé Diron

Ça ne me dit rien. Est-elle encore là ?

Nathalie

Hervé, je suis juste là !

Hervé Diron

Oh, bonjour.

Nathalie

Tu ne me vois pas depuis le début ?

Hervé Diron

Je n'ai pas le temps Madame.

Nathalie

Madame ?!

Hervé Diron (à Etienne)

Ecoute petit, sers à quelque chose et parle-lui, elle ne doit pas rompre ce contrat.

Nathalie

Je t'entends !

Etienne

Mais, je ne sais pas faire.

Hervé Diron

Improvise.

Nathalie

Hervé tu ne t'en tireras pas comme ça, viens ici.

Hervé Diron

A tout à l'heure.

Il part rapidement.

En prenant son manteau, il fait tomber le porte-manteau et claque la porte.


Scène 5

Etienne

Bon...

Il retourne à son bureau et s’assoit face à Nathalie.

Etienne

Madame Diron, j'ai transmis votre message à Monsieur... Diron. Malheureusement, il n'est pas disponible pour le moment.

Nathalie

Il n'y a pas de mur entre vos deux bureaux ! J'ai vu !

Etienne

Je pense que cette rupture de contrat est un peu impulsive...

Nathalie

Lui par contre ne m'a même pas vu !

Etienne

Voulez-vous un café ?

Nathalie

Cet enfoiré est parti sans me regarder, en m'appelant "Madame".

Un temps.

Etienne

Voulez-vous lui laisser un autre mot ?

Nathalie

Dix-huit ans... Dix-huit ans de mariage pour qu'aujourd'hui, il ne me remarque même pas alors que je suis dans son bureau.

Etienne

Vous savez... Monsieur Diron est très occupé...

Nathalie

Je veux bien un café.

Etienne se lève et va préparer un autre café.

La machine à Espresso fait un bruit du tonnerre, les forçant à hausser la voix.

Etienne

Dix-huit ans, vous dîtes ? Et le contrat n'a jamais été revisité ?

Nathalie (à elle-même)

Je ne suis plus rien, plus rien pour lui.

Le café finit de couleur. Etienne l'apporte à Nathalie.

Etienne

Je suis sûr que c'est faux Madame. Monsieur Diron est quelqu'un de très passionné dans ce qu'il fait.

Nathalie

Vous le faîtes exprès ?

Etienne

De ?

Nathalie

D'être con. Vous n'avez pas compris que j'étais sa femme ?!

Etienne

A ?

Nathalie

Monsieur Diron ! Mais comment vous avez été construit vous ? Je suis Madame Diron, la femme de Monsieur Diron !

Etienne

Je me disais.

Nathalie

Que ?

Etienne

Le nom de famille était le même.

Elle lui jette son café au visage.

Nathalie

Désolé mais c'était nécessaire.

Etienne (contenant sa douleur)

Non non mais je comprends.

Nathalie

Je n'en reviens pas que ce lâche ne m'ait pas calculé.

Etienne

Sauf votre respect, il n'a peut-être, comme moi, pas fait le rapprochement.

Nathalie

Pas fait le rapprochement ? Je suis sa femme, bon Dieu.

Etienne

On m'a souvent dit qu'amour et travail ne faisait pas bon ménage.

Nathalie

Mais je ne parlais pas de travail.

Etienne

Vous parliez de contrat.

Nathalie

De mariage ! C'est celui la que je vais rompre. Et dire qu'il demande à vous, une espèce de stagiaire de bas étage, d'improviser pour m'empêcher de détruire cedit contrat.

Etienne ne dit rien.

Etienne

Je ne suis pas vraiment stag...

Nathalie

Fermez-la à la fin.

Etienne se tait.

Nathalie

Comment vous vous appelez ?

Etienne

Etienne.

Nathalie

Etienne ?

Etienne

Oui.

Nathalie

C'est d'un laid.

Un temps.

Nathalie

Avez-vous déjà été amoureux Etienne ?

Etienne

Bien sûr que j'aime. Je vis avec Clémentine, mon amoureuse, depuis un an.

Nathalie

Clémentine ?

Etienne

Vous trouvez ça laid aussi ?

Nathalie

Laissez-tomber. Profitez de cet amour, Etienne, car il ne sera pas éternel. Je l'ai appris à mes dépends, mais aujourd'hui j'en suis sûr, Hervé ne m'aime plus depuis bien longtemps.

Etienne

Qu'est ce qui vous fait dire ça ?

Nathalie

Le fait qu'il ne me voie pas joue pas mal.

Etienne

On dit que l'amour rend aveugle.

Nathalie

C'est son travail, toujours son travail. Je travaille moi aussi, bien sûr, dans le même domaine qui plus est. Je comprends les problèmes qu'il rencontre, car je rencontre les mêmes, mais l'amour n'aide-t-il pas à résoudre les problèmes, Etienne ?

Etienne

Surement que ça aide oui.

Nathalie

Connais-tu bien Hervé ?

Etienne

Il y a deux minutes, j'apprenais qu'il s'appelait Hervé.

Nathalie

Sais-tu s'il me trompe ?

Etienne

Il a un emploi du temps très chargé, cela m'étonnerait qu'il ait le temps.

Nathalie

Sais-tu où il était hier soir ?

Etienne

Je ne le connaissais pas hier soir.

Nathalie

As-tu accès à son emploi du temps ?

Etienne

Il me semble...

Nathalie attrape Etienne par les épaules.

Nathalie

Ouvre-le, je t'en prie.

Etienne

Ecoutez, Monsieur Diron m'a demandé de prendre votre message si vous en aviez un autre à lui transmettre, et il m'a dit de faire en sorte que vous ne rompiez pas votre contrat. C'est mon premier jour de Service Civique aujourd'hui, et je ne souhaite pas commettre une faute grave de suite.

Nathalie

Fais-le.

Etienne hésite.

Etienne

Non, Madame.

Nathalie recule.

Elle marche doucement vers le bureau d'Etienne, et le regarde.

Elle fait tomber un stylo par terre, puis un autre puis un troisième.

Etienne

Je ne céderai pas... Madame.

Etienne va doucement vers les stylos, et les ramasse.

Nathalie, d'un coup sec, pousse tout les objets se trouvant sur le bureau au sol.

Etienne

Mon ordinateur, Madame !

Nathalie

Etienne, cher petit Etienne. Si tu as peur de Monsieur Diron, tu devrais en avoir mille fois plus de Madame Diron.

Etienne

Quand Monsieur Diron verra ça, il me tuera. Donc actuellement, j'ai plus peur de lui.

Nathalie

Je ne m'arrêterai pas Etienne.

Nathalie se presse d'aller vers le bureau de Monsieur Diron.

Etienne se précipite vers elle pour l'empêcher de tout saccager.

Etienne

Je vous en prie.

Il essaie de la repousser, mais celle-ci lutte pour atteindre le bureau.

L'altercation s'arrête quand le téléphone de Monsieur Diron sonne.

Etienne

Oh non. Madame, prenez un café, vraiment, et calmez-vous.

Ils se séparent.

Nathalie va au centre de la scène pour se remettre en ordre, tandis qu'Etienne décroche au téléphone.

Etienne

Allô ? - Non, c'est Etienne. Je suis en serv... - Ah, vous voulez que je prenne un message ? - Non il n'est pas là. - Oh, je ne sais pas quand il rentre, il ne m'a rien dit. - Stéphanie ? Elle n'est pas là non plus. - Ah vous venez du coup ? - Non je ne suis pas vraiment seul, je suis avec Madame Diron, sa femme. - Comment ça c'est parfait ? - Allô ? - Ma foi, il a raccroché.

Nathalie

Qui était-ce ?

Etienne

Un homme, disant s'appeler Monsieur Bisset.

Nathalie

Manu ?

Etienne

Non Bisset.

Nathalie

Je veux dire, Emmanuel Bisset ?

Etienne

Il ne m'a pas précisé son prénom. Il m'a juste dit qu'il arrivait et que le fait que vous soyez là était parfait.

Nathalie

Mon Dieu...

Etienne

Comment ça ?

Nathalie

Manu ne doit pas me voir.

Etienne

Pourquoi ?

Nathalie

Nous étions amants cachés pendant plusieurs mois, mais j'ai mis fin à la relation hier.

Etienne

Dites donc... Ce n'était pas Monsieur Diron qui vous trompait ?

Nathalie

Oui bah je n'ai pas à recevoir de jugement sur ma vie par une espèce de stagiaire qui ne sait même pas tenir son bureau rangé.

Etienne

Mais c'est vous qui...

Nathalie

Je dois partir, vite. Mon manteau.

Nathalie se lève et se dirige vers le porte-manteau.

Etienne arrive rapidement pour relever ledit objet afin que Nathalie puisse prendre son manteau.

Elle saisit ledit vêtement.

Nathalie

Une dernière chose. Monsieur Bisset, qui va venir, ne doit surtout pas rencontrer Monsieur Diron.

Etienne

S'il vient c'est dans le but de l'attendre, donc je pense qu'ils se verront.

Nathalie

Bah fais en sorte que non.

Etienne

Mais Madame, ça serait mal faire mon travail.

Nathalie

Bien faire ton travail c'est faire en sorte que tout se passe bien. S'ils ne se croisent pas, tout se passera bien, alors fais ce que je te dis.

Etienne

Mais Mad...

Nathalie

Dernière chose.

Etienne

Oui ?

Nathalie

Votre café. Changez-le, il est immonde.

Nathalie claque la porte et s'en va.

Etienne lâche le porte-manteau, qui tombe.


Scène 6

Etienne regarde toute la pièce.

Etienne

Et bah c'est malin ça. Du café partout, des affaires partout, une affaire de cœur à gérer... Ce café qu'est pas bon... Puis cette saloperie de porte-manteau !

Il met un coup de pied dans l'objet au sol, puis soupire tristement.

Etienne

C'est pas facile le service civique.

Il sort son téléphone de sa poche, compose un numéro, puis met l'appareil à son oreille.

Etienne

Allô ? Mon amour ? - Ça va ? - Oh bah de mon côté c'est un petit peu compliqué mais bon... - Oui tu as sûrement raison...

D'une main, il reprend le porte-manteau et le remet debout.

Etienne

Non mais sûrement que c'est qu'une question d'habitude. - Et toi les cours ? - Ah ça c'est bien ça. - Hum... Moi aussi... - A ce soir ma chérie...

Il raccroche, un sourire immense aux lèvres.

Il regarde le porte-manteau et soupire, heureux.

Etienne

Quelle femme incroyable.

Scène 7

La porte s'ouvre brusquement, faisant tomber Etienne qui, dans sa chute, emporte le porte-manteau avec lui.

Stéphanie entre.

Stéphanie

Monsieur Diron, vous avez reçu mon mail ?

Au sol, Etienne se relève rapidement et repousse Stéphanie dehors, puis claque la porte.

Il bloque la porte avec son corps.

Etienne

Monsieur Diron ne reçoit pas !

Stéphanie

Comment ça il reçoit pas ? Ouvres-moi espèce d'abruti.

Etienne

Non Monsieur Bisset, mais je peux lui transmettre un message de votre part.

Stéphanie

Monsieur Bisset ? Mais t'es idiot !

Etienne

M'insulter ne vous fera pas rentrer Monsieur.

Stéphanie

Mais t'entends bien que j'ai une voix de femme ?

Etienne

Peut-être. N'empêche que Monsieur Diron ne veut pas vous recevoir.

Stéphanie

Espèce de trou de balle ! Je suis Stéphanie !

Etienne

Faux, vous êtes Manu ! C'est Madame Diron qui m'a dit ça !

Stéphanie

Qu'est ce qu'elle a encore dit cette tarée ?

Etienne

Que vous vouliez dire à Monsieur Diron que elle et vous avaient été amants !

Stéphanie

Amants ? Mais je suis Stéphanie ! L'assistante de Monsieur Diron !

Etienne

Ah non, je connais Stéphanie, ne me prenez pas pour un idiot.

Stéphanie arrête d'essayer d'ouvrir la porte.

Un temps.

Etienne

Ah, enfin, il a compris.

Il ouvre doucement la porte, et regarde dehors.

Etienne

Personne. Hum, ça doit être une feinte, je vais tout de même bloquer l'entrée.

Etienne va vers son bureau. Il le pousse, jusqu'à la porte, pour la bloquer.

Pendant qu'il fait cela, Stéphanie entre, côté jardin. Elle le regarde, dépitée.

Etienne finit de placer le meuble, et regarde son oeuvre, dos à Stéphanie.

Etienne

Bah voila une bonne chose de réglée.

Il va ramasser le porte manteau et en le remettant en place, voit Stéphanie.

Stéphanie

Bah oui, il y a une autre entrée.

Etienne

Qui êtes vous ?

Stéphanie

Tu reconnais pas ma voix ?

Etienne

Je devrais ?

Stéphanie

Je suis Stéphanie ! Celle que t'as jetée dehors ! Celle que t'as vu hier, grâce à qui tu es ici !

Etienne

Ah. Bonjour Madame.

Stéphanie le regarde, énervée, sans rien dire.

Etienne

Vous voulez un café ?

Stéphanie

Je te promets que tu vas pas t'en sortir comme ça. Tu sais que je suis ta supérieure hiérarchique ?

Etienne

Laissez-moi vous expliquer...

Stéphanie

Ah non ! Chut ! A ton bureau, et fais ce pour quoi t'es là !

Etienne acquiesce de la tête.

Il se dirige vers son bureau. Stéphanie, elle, s’assoit au bureau de Monsieur Diron.

Etienne

C'est le bureau de Monsieur...

Stéphanie

Je sais à qui appartient ce bureau ! Et je sais encore mieux ce que j'ai le droit de faire ou non ! Travailles !

Etienne baisse la tête.

Il tire son bureau pour le remettre en place.

Stéphanie

Chut !

Il s'arrête net dans sa tâche.

Il va récupérer sa chaise et s’assoit à son bureau, devant la porte d'entrée.

Il ne sait que faire étant donné que ses affaires sont toutes au sol.

Stéphanie

Où est Monsieur Diron ?

Etienne

Il est parti...

Stéphanie

Où ça ?

Etienne

Il ne m'a pas dit.

Stéphanie

Et c'est quoi cette histoire avec Madame Diron ?

Etienne

Elle est venue ici... Je crois qu'elle pense que Monsieur Diron la trompe... Et apparemment elle l'a trompée avec Monsieur Bisset, qui a téléphoné, et qui veut venir ici pour le dire à Monsieur Diron.

Stéphanie

Oh non. J'en ai marre de régler des problèmes conjugaux...

Stéphanie soupire, se mettant les mains sur le visage.

Stéphanie

Et bien pas le choix. Occupons nous de ça. Etienne, c'est ça ?

Etienne

Oui, je suis en service civ...

Stéphanie

Je sais, oui. Débarrasses moi ce bureau de la porte. Comment t'as pu foutre autant de bordel ici ?

Etienne

Désolé.

Stéphanie

Bon faisons ça de la manière la plus simple, qu'est aussi la plus rapide.

Stéphanie tire le tiroir, puis prend le pistolet de Monsieur Diron.

Elle se lève, et se met près de l'entrée.

Etienne finit de bouger son bureau, et regarde Stéphanie.

Etienne (choqué)

Attendez, mais qu'est ce que vous faites avec ça ?

Stéphanie

Ça quoi ?

Etienne

Le pistolet !

Stéphanie

T'occupes.

Etienne

Vous n'allez quand même pas tirer sur Monsieur Bisset.

Stéphanie

Pourquoi pas ?

Etienne

Mais c'est illégal.

Stéphanie

On a de très bons avocats, que tu ferai bien d'appeler maintenant d'ailleurs.

Etienne

Sauf votre respect Madame, vous allez lui faire aussi mal pour une histoire de... De fesse !

Stéphanie

Il aura pas le temps de sentir la douleur, ne t'inquiètes pas.

Etienne

Mais vous allez le tuer ?

Stéphanie

Disons que je vais l'endormir.

Etienne se rue devant Stéphanie.

Etienne

Madame, je ne peux pas vous laisser faire ça.

Stéphanie

Sous quel motif ?

Etienne

Qu'il s'agit de la vie d'un homme.

Stéphanie

Ecoute, je suis payée à m'occuper des affaires de Monsieur Diron, toi à t'occuper du tri de ses papiers. Je juge pas ta manière de bosser, aussi étrange soit-elle, alors j'te prie de me foutre la paix dans mon travail.

Etienne

Mais ce n'est pas la même chos...

On entend toquer à la porte.

Stéphanie et Etienne se regarde.

Stéphanie

Entrez.

Elle pousse Etienne qui tombe loin en arrière, derrière le buffet.

La porte s'ouvre.


Scène 8

Un homme rentre.

Stéphanie tire sur l'homme, dans la tête.

L'homme tombe sur le côté, en plein sur Etienne.

Etienne hurle, puis pleure.

Stéphanie regarde ce qu'elle vient de faire, puis pose le pistolet sur le petit buffet.

Stéphanie

Oh la conne.

Etienne

Enlevez-moi ça ! Ah, au secours.

Stéphanie ferme sèchement la porte, puis va vers Etienne.

Stéphanie

Chut ! Tais-toi !

Etienne (en pleurant)

Qu'est ce que vous avez fait ?

Stéphanie

Ferme-la !

Elle met une gifle à Etienne.

Stéphanie

Du calme. J'ai besoin de toi maintenant.

Elle se relève.

Stéphanie

Allez, debout.

Etienne dégage le cadavre de son corps, et se lève doucement.

Il est couvert de sang.

Etienne

Vous avez tué un homme...

Stéphanie

Ouais.

Etienne

Vous avez tué Monsieur Bisset !

Stéphanie

Ben non, justement.

Etienne

Quoi ?

Stéphanie

Casquette "La Poste", Veste "La Poste"...

Etienne

Ce n'est pas Monsieur Bisset ?

Stéphanie

Ça m'a tout l'air d'être...

Un temps.

Stéphanie

Le facteur.

Etienne

Oh mon Dieu ! Vous avez tué un fonctionnaire ! Un pauvre petit fonctionnaire ! Et un facteur en plus, le plus gentil des fonctionnaires !

Stéphanie

Ouais je sais.

Etienne

Oh mon Dieu, il faut appeler la Police, le SAMU !

Etienne se précipite vers le téléphone de Monsieur Diron.

Stéphanie le rattrape et se met entre lui et le téléphone.

Stéphanie

Surtout pas abruti !

Elle l'attrape par les épaules et le gifle.

Stéphanie

Ecoute-moi. Pour le SAMU, de toute façon, ça ne sert à rien. Il est mort, là c'est plutôt sûr. Et si la Police vient, ça va te servir à quoi toi ? J'te signale que pour eux t'es comme complice.

Etienne

Mais non je ne le suis pas.

Stéphanie

Et qui peut le prouver ? A part le facteur, personne.

Etienne

Vous êtes horrible.

Stéphanie

Ecoute Etienne, faisons un deal. Tu m'écoutes et suis mes instructions au doigt et à l'oeil, et je te promets que tout se passera bien, que cette histoire restera entre et derrière nous à jamais, et que je fais en sorte que tu ais un contrat à la fin de ton service civique.

Etienne

Un... Un contrat ?

Stéphanie

Tu me suis alors ?

Etienne acquiesce de la tête.

Stéphanie

Ok, alors déshabille le cadavre.

Etienne

Comment ?!

Stéphane

Et ne crie pas !

Etienne

Pardon Madame, mais je ne vais pas déshabiller un mort.

Stéphanie

Fais-moi confiance.

Etienne hésite.

Etienne

Ma foi... J'espère que vous savez ce que vous faîtes...

Stéphanie (insistant sur chaque mot)

Fais-moi confiance.

Etienne va déshabiller le cadavre.

Stéphanie, elle, compose un numéro au téléphone de Monsieur Diron.

Stéphanie

Allô ? - Oui, Paolo. - Oui c'est moi. - Ecoute, j'ai besoin de toi pour faire disparaître ce genre de choses. - C'est ça ouais, au bureau, comme la semaine dernière. - Parfait, à tout à l'heure.

Stéphanie raccroche.

Stéphanie

Bon quelqu'un va venir nous débarrasser du macchabée. T'as déshabillé la bête ?

Etienne sort de derrière le buffet, du sang plein les mains.

Il tient les habits du facteur.

Etienne

Je lui ai laissé son caleçon. Je fais quoi maintenant ?

Stéphanie

Pose les habits.

Etienne va poser la pile d'habits sur le bureau.

Etienne

Et maintenant ?

Stéphanie

Déshabilles-toi.

Etienne

Pardon ?!

Stéphanie

Chut. Obéis.

Etienne

Mais pourquoi je dois me déshabiller ?

Stéphanie

Le sang a tâché tes habits, mais ceux du facteur, bizarrement, ont été assez épargnés. Tu vas enlever les tiens, mettre les siens, et tu vas devenir facteur.

Etienne

Euh ?

Stéphanie

Si le facteur ne finit pas son service et ne ramène pas son vélo ou sa voiture, La Poste va le savoir et va commencer des recherches. Si le service est bien fini, même si ce n'est pas par le bon mec, ils mettront plus de temps avant de se poser des questions.

Etienne

Vous êtes sûre ?

Stéphanie

Fais-moi confiance. A poil.

Etienne hésite, puis commence à enlever son pantalon.

Stéphanie le regarde.

Etienne le remarque et est gêné.

Etienne

Vous pouvez vous tourner ?

Stéphanie

Allons, on a tué un homme ensemble, on est intimes maintenant.

Etienne

Ah non, je vous arrête. Je n'ai tué personne moi, j'ai simplement fait mon service civique, comme prévu. Vous êtes la seule criminelle ici !

Stéphanie

Malgré ta tête de gland tu m'as l'air pas trop mal foutu.

Etienne

Ça suffit.

Etienne prend les affaires du facteur, et va dans la pièce côté jardin.

Etienne

C'est obscène ce que vous faites la.

Il sort côté jardin.

Stéphanie rigole.

Stéphanie

Quel ringard.

Elle regarde sa montre.

Stéphanie

Bon... Paolo devrait ne plus tarder. En attendant, tâchons de remettre un peu d'ordre.

Stéphanie va vers le bureau d'Etienne, et le remet à sa place normal.

Elle saisit l'ordinateur au sol, et le remet sur le bureau.


Scène 9

La porte s'ouvre.

Emmanuel Bisset entre.

Emmanuel Bisset

Hervé ! J'ai à te parler !

Stéphanie

Monsieur Bisset !

Emmanuel Bisset

Stéphanie, où est Hervé ?

Stéphanie

Il est... Absent.

Emmanuel Bisset

Où ça ?

Stéphanie

Absent.

Emmanuel Bisset

Réponds p'tite sotte. Et t'fous pas d'moi.

Stéphanie

Je ne sais où il est, vraiment. Je suis arrivée il y a à peine vingt minutes.

Emmanuel Bisset

Très bien, je vais l'attendre.

Monsieur Bisset va s'asseoir sur la chaise de bureau de Monsieur Diron.

Emmanuel Bisset

Fais-moi un café.

Stéphanie

Oui, Monsieur.

Stéphanie va vers la machine à café.

Alors qu'elle commence à le faire couler, elle voit le revolver, posé sur le buffet.

Elle se précipite pour se mettre devant et le cacher de la vue de Monsieur Bisset.

Emmanuel Bisset

C'est immonde l'odeur qui traîne ici.

Stéphanie

Vous... Trouvez aussi ? J'ai appelé quelqu'un pour le ménage.

Emmanuel Bisset

Hervé s'est saoulé hier soir pour que tout soit en pareil foutoir ?

Scène 10

La porte côté jardin s'ouvre.

Etienne entre, habillé en facteur.

Etienne

Me voila, enfin habillé. J'ai réussi à faire partir les tâches sur ma main mais j'ai du frotter.

Emmanuel Bisset

Bonjour... Monsieur.

Etienne

Oh, bonjour.

Etienne s'approche de Monsieur Bisset, et lui propose une poignée de main.

Ce dernier regarde la main avec dédain, puis regarde Stéphanie.

Emmanuel Bisset

Qu'est ce que c'est que ça ?

Stéphanie

Oh c'est...

Emmanuel Bisset

Dois-je comprendre que vous utilisez ce bureau comme un lupanar à facteur ?

Etienne

Pas du tout !

Stéphanie

C'est ça ! Oui ! Jacques, ici présent, est... Mon amant ! Et nous venons tout juste... de coucher ensemble !

Emmanuel Bisset

Mon Dieu que c'est infâme.

Stéphanie

Que voulez-vous ?

Emmanuel Bisset (à Etienne)

Mon cher Jacques, méfiez-vous des femmes. Elles vous utilisent, profitent de vous, de votre corps, de votre argent, et vous jettent ! A peine vous tombez amoureux, que vous apprenez que vous n'étiez qu'un objet, servant à la jalousie d'un autre homme.

Pendant qu'il parle, Stéphanie prend le pistolet et se rapproche de Monsieur Bisset, le mettant en joue.

Stéphanie

On arrête de causer maintenant, Bisset.

Monsieur Bisset se retourne.

Emmanuel Bisset

Qu'est ce que c'est que cette nouvelle folie ?

Etienne

Oh non pas encore !

Stéphanie

Je sais pourquoi vous êtes la Monsieur Bisset. Et je ne vous laisserai pas faire.

Emmanuel Bisset

En quoi cette affaire vous regarde ?

Stéphanie

Mon boulot, c'est de faire en sorte que les affaires de Monsieur Diron se passent bien, et vous allez à l'encontre de ses affaires.

Emmanuel Bisset

Vous êtes payée combien par mois ?

Stéphanie

Ne changez pas de sujet.

Emmanuel Bisset

Vous comptez donc me tuer ?

Stéphanie

Cela dépend de vous.

Emmanuel Bisset

Mon silence ou ma mort, c'est cela ?

Stéphanie

Parfaitement.

Emmanuel Bisset (à Etienne)

Et vous allez laisser ça se produire ?

Etienne

Je ne cautionne pas pour autant.

Emmanuel Bisset

Ecoutez, je dois dire à Monsieur Diron ce qu'il se passe.

Stéphanie

C'est vous qu'allez m'écouter. Cela fait six ans que Monsieur et Madame Diron se trompe l'un et l'autre, et que leur relation va mal. Mais ils représentent les deux plus grosses boîtes de production françaises, et leur bonne entente est primordiale pour l'audiovisuel français !

Emmanuel Bisset

Au diable l'audiovisuel français !

Stéphanie

Vous pensez vraiment que votre vie vaut plus que l'audiovisuel français ?

Scène 11

La porte s'ouvre, Paolo entre.

Paolo

Me v'la Stéphanie. Oulah, y'a du monde.

Etienne

Bonjour.

Emmanuel Bisset

Monsieur.

Stéphanie

Ah, enfin !

Stéphanie va vers Paolo.

Ils se font la bise.

Paolo

Tu vas bien ma belle ?

Stéphanie

Pff, le boulot quoi.

Paolo

Je vois. (montrant Monsieur Bisset) Tu m'avais pas dit qu'il était déjà mort ?

Stéphanie

Oui du coup y'a eu un imprévu. Finalement y'en aura deux à ramasser.

Paolo

Oulah, j'ai pas pris l'bon véhicule moi. Je peux prendre qu'un macchabée à la fois.

Stéphanie

Désolé.

Paolo

Bah je ferai deux allers-retours.

Emmanuel Bisset

Excusez-moi mais je vous prie de ne pas parler de moi comme d'un macchabée.

Paolo

Désolé M'sieur.

Stéphanie

Bon alors, qu'est ce qu'on fait Monsieur Bisset ?

Emmanuel Bisset

Ecoutez, je comprends votre problème, mais je me vois mal cacher la vérité à Monsieur Diron.

Stéphanie

C'est vous qui voyez.

Stéphanie le met en joue et tire, mais rien ne sort.

Stéphanie regarde l'arme.

Stéphanie

Oh non, mais il est chiant. Il remet jamais de balles là-dedans.

Etienne

C'est peut-être un signe qu'il y a 'autres solutions que la mort...

Emmanuel Bisset

Enfin quelqu'un de sain d'esprit. Merci Jacques.

Etienne

Je m'appelle Etienne.

Stéphanie

Silence.

Paolo sort une bouteille de chloroforme, et en verse sur un mouchoir en tissu.

Paolo

C'est l'business man ou le fonctionnaire qui pose problème ?

Stéphanie

Les deux en soit, mais c'est le business-man qu'il faut éliminer.

Emmanuel Bisset

Je ne vous permets pas.

Etienne

Moi je n'ai rien fait.

Paolo s'approche de Monsieur Bisset.

Paolo

Sauf votre respect M'sieur.

Paolo attrape la tête de Monsieur Bisset, et lui applique fortement le mouchoir sur le visage.

Monsieur Bisset se débat.

Etienne

Mais vous êtes fou ?

Paolo

Ça va pas le tuer mon garçon. Il va juste faire un gros dodo.

Monsieur Bisset s'endort.

Paolo

Bah voila qu'est bien fait.

Stéphanie

Tu vas en faire quoi ?

Paolo

Bah, je vais le mettre dans ma voiture, et j'irai le jeter dans un lac près de la campagne. Je prends juste la carte de crédit et l'téléphone pour moi. Ça s'ra ma rémunération.

Stéphanie

Et pour l'autre ?

Paolo

Il est où l'autre ?

Etienne

Il est là, derrière le buffet.

Paolo va voir derrière le buffet.

Paolo

Mazette, qui a fait ça ?

Etienne (en montrant Stéphanie du doigt)

C'est cette folle !

Paolo

Vraiment ?

Etienne

Je vous assure.

Paolo

Bravo ma jolie c'est du propre. Une balle ?

Stéphanie (fière)

Une seule.

Paolo

Rien à redire.

Etienne

Mais tout le monde est fou ici... Je suis le seul choqué que cet endroit baigne dans le crime ?

Paolo

Tu sais le crime, ça dépend des limites que tu te poses.

Etienne

Et tuer un homme n'est pas une limite, peut-être ?

Paolo

Pas forcément. Tu peux simplement appeler ça un... "Règlement de litige".

Etienne

Tous complètement fou.

Paolo

Bon c'est pas tout ça, mais je vais aller promener le bébé, moi.

Stéphanie

Tu veux un café avant de partir ?

Paolo

J'ai combien de temps avant qu'le grand patron revienne ?

Stéphanie

On ne sait même pas où il est, donc je sais pas.

Paolo

Alors je pars maintenant.

Paolo va vers Monsieur Bisset et le porte.

Paolo

J'suis là dans une heure environ.

Stéphanie

Merci encore.

Stéphanie va ouvrir la porte à Paolo.

Il sort.

Stéphanie referme doucement la porte.

Stéphanie

Et bah voila une affaire de réglée.

Etienne

Vous êtes complètement malade.

La porte s'ouvre.

Paolo rentre, toujours en portant Monsieur Bisset.

Paolo

Changement de plan les enfants. Monsieur Diron est en bas.

Stéphanie

C'est pas vrai ?

Etienne

Je suis fichu...

Stéphanie

Etienne, ouvre la porte du fond à Paolo.

Etienne va ouvrir la porte côté jardin. Paolo s'apprête à sortir.

Etienne

Et vous nous laissez avec le cadavre plein de sang ?

Paolo

Un cadavre à la fois mon garçon. C'lui la, c'est encore votre affaire pour le moment.

Paolo sort côté jardin.


Scène 12

Stéphanie

Etienne, tout est entre tes mains !

Etienne

Comment ça ?

Stéphanie

Je vais descendre et faire en sorte que Monsieur Diron mette le plus de temps possible pour monter. Toi, pendant ce temps, ranges tout ça.

Etienne

Quoi tout ça ?

Stéphanie

Oui. Et remet des habits normaux !

Stéphanie sort.

Stéphanie

Monsieur Diron ! Monsieur Diron ! Il faut que je vous parle de quelque chose !

Etienne regarde tout autour de lui.

Etienne

Oh mon Dieu la galère.

Etienne court à son bureau et le remet en place, puis met les affaires correctement dessus.

Il remet sa chaise, puis va chercher de l'essuie-tout pour éponger le café au sol.

Il met l'essuie-tout dans sa poche, puis remarque qu'il est encore habillé en facteur.

Il enlève son blouson de facteur, va le jeter par la porte côté jardin, puis retourne à l'entrée vers le porte manteau.

On entend Monsieur Diron derrière la porte.

Hervé Diron

Ecoute Stéphanie, je n'ai pas le temps.

Stéphanie

Mais Monsieur Diron, ceci est important.

Hervé Diron

Et bien si c'est important, laisse moi aller à mon bureau pour que j'm'en m'occupe bon Dieu.

Etienne relève rapidement le porte-manteau et arrive à le faire tenir droit.

Il prend son manteau, son écharpe, son bonnet et enfile le tout.

Hervé Diron

Je vais m'occuper de ça.

On entend les clefs de Monsieur Diron tourner dans la serrure de la porte.

Etienne se passe la main dans les cheveux, mais remarque qu'il porte encore la casquette de facteur.

Il court jusqu'à la porte côté jardin, et la jette dehors, puis vient s'asseoir rapidement à son bureau.

La porte s'ouvre.


Scène 13

Monsieur Diron entre, accompagné de Stéphanie.

Hervé Diron

Écoute Stéphanie, j'apprécie ton angoisse mais bon Dieu peux-tu me dire ce qui te tracasses tant ?

Stéphanie regarde autour d'elle.

Stéphanie

Rien Monsieur.

Hervé Diron

Tu connais Ethan ?

Etienne

Etienne.

Stéphanie

Très peu.

Hervé Diron

Mon petit, voici Stéphanie, mon assistante.

Stéphanie

Enchantée.

Elle lui tend la main. Etienne la serre sans comprendre.

Etienne

De même.

Monsieur Diron se dirige vers son bureau et s’assoit.

Hervé Diron

Bon Stéphanie, je suis allé sur le tournage de la série policière la...

Stéphanie

"Enquête de force".

Hervé Diron

Oui voila. Bah c'est la merde là-bas.

Stéphanie

C'est-à-dire ?

Hervé Diron

Y'avait personne au tournage. Tu vas m'appeler toute l'équipe, et les virer. Et s'ils se plaignent, tu leur dis de venir me voir.

Stéphanie

Bien Monsieur.

Stéphanie ouvre un calepin et prend le téléphone de Monsieur Diron.

Hervé Diron

Etienne ! Ce contrat, tu l'as négocié ?

Etienne

Oui euh... D'ailleurs, je voulais vous en parler Monsieur. La femme en question qui est venue s'appelait Madame Diron.

Hervé Diron

Oh putain ! Ma femme !

Etienne

Oui voila.

Hervé Diron

J'avais totalement zappé, j'ai une avant-première avec elle ce soir. C'est pour quel film déjà Stéphanie ?

Stéphanie (au téléphone)

Oui Alexis ? - Oui, je suis Stéphanie, l'assistante de Monsieur Diron. - Oui, c'était pour vous dire que vous êtes viré. - Oui c'est ça, au revoir.

Elle raccroche.

Stéphanie

Vous disiez ?

Hervé Diron

L'avant-première de ce soir, c'est quel film ?

Stéphanie

"Les mains tièdes", Monsieur. Et c'est dans trois quarts d'heure.

Hervé Diron

Merde. Tu viens avec moi ! On passe chercher ma femme et go.

Stéphanie

Mais et les gens que je dois virer ?

Hervé Diron

Bah tu le feras demain, ou Ethan peut le faire.

Etienne

Il est 18h Monsieur. Je suis censé avoir fini ma journée.

Hervé Diron

Justement, à ce sujet. J'ai un rendez-vous dans un quart d'heure ici-même.

Stéphanie

Mais Monsieur ! Vous devez aller à l'avant-première !

Hervé Diron

Justement ! Ethan, tu vas prendre ce rendez-vous à ma place.

Etienne

Un rendez-vous ?

Hervé Diron

Oui, viens-là que j't'explique.

Etienne s'approche de Monsieur Diron.

Hervé Diron

C'est une avocate qui va venir. Bottagi... Quelque chose. Elle vient défendre un réalisateur qu'on a viré ce matin, soi-disant la cause était pas assez justifiée. D'habitude, quand on a affaire à des avocats, Stéphanie les drague et ils abandonnent.

Etienne regarde Stéphanie, qui hausse les épaules.

Hervé Diron

Manque de pot celle-ci c'est une femme, et hétéro qui plus est. J'te laisse imaginer que ça arrange pas notre galère. Donc cette grognasse va arriver, tu vas la faire se sentir bien, lui parler calmement et la séduire.

Etienne

La séduire ?

Hervé Diron

Et si ça marche pas, tu la baises !

Etienne

Comment ?!

Hervé Diron

Y'a un lavabo dans la pièce à côté, tu t'fais beau, et tu nous évites la mouise. On y va Stéphanie.

Monsieur Diron et Stéphanie se dirigent vers la sortie.

Etienne

Attendez !

Monsieur Diron et Stéphanie s'arrêtent et regarde Etienne.

Etienne

Je ne peux pas le faire. Je suis en couple.

Hervé Diron

Et alors ?

Etienne

Ce serait tromper ma copine.

Hervé Diron

Stéphanie l'a déjà fait en étant en couple, ça ne l'en a pas empêché. Et moi, on dirait peut-être pas, mais je suis marié. Mais si c'est pour du travail, c'est pas pareil.

Etienne ne sait quoi répondre.

Hervé Diron

Bon allez, à demain.

Etienne ne réagit pas. Monsieur Diron sort.

Monsieur Diron re-rentre.

Hervé Diron

Dernière chose.

Etienne

Oui ?

Hervé Diron

Vu que ce soir c'est projection, j'vais m'bourrer la gueule. Donc demain, j's'rai à la bourre. Par contre, toi, 9h pétantes t'es là et t'ouvres les bureaux. Si Monsieur Martin arrive, tu l'vires. Si quelqu'un vient, tu prends son message et me l'donne à mon retour. A demain.

Etienne (dépité)

A demain.

Stéphanie et Monsieur Diron sortent.

Etienne regarde autour de lui, dépité. Il va s'asseoir à son bureau.

Etienne (en soupir)

J'en peux plus...

Il s'écroule sur son bureau.

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