13. Une larme de lumière

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Ken s’était endormi sur le sofa, dans le salon, après la soirée mouvementée qu'il avait vécue. Durant son sommeil, il crut rêver de ses parents.En fait, ils vinrent réellement lui rendre visite pendant qu’il dormait. Ils lui chuchotèrent un message chacun leur tour dans son oreille ; d'abord son père, puis sa mère.

Très tôt le lendemain matin, Ken se réveilla tranquillement après avoir finalement saisi leurs messages. Il fut touché et le prit à cœur. Sa tante marchait dans le salon, Ken voyait bien qu'elle s'interrogeait.

– Je vois que tu as eu une dure soirée hier. Je t’ai juste vu entrer et t’étendre sur le divan. Je n’ai pas osé venir te déranger, tu semblais épuisé. J’espère que je n’ai pas à m’inquiéter ?

– Non, ça va. J’étais effectivement très fatigué, mais tu n’as plus à t’inquiéter. Je vais mieux en fait, sourit Ken d’une voix sereine.

– Je suis heureuse d’entendre ça, lui dit–elle rassurée en lui échangeant un sourire.

– Mais j’y pense, où étais-tu hier soir ? finit-elle par ajouter.

– C’est une longue histoire… mais j’étais avec Curtis et sa sœur Blair.

– Curtis ! Il a une sœur ?

– Oui, elle est probablement huit ans plus jeune que lui. Nous allons à la même école.

– Oh wow ! Je n’en avais aucune idée. J’espère qu’il va bien ! C'était un si bon petit garçon quand je l’ai connu. On pourrait les inviter au prochain Noël ? s’exclama-t-elle réjouit.

– Pourquoi pas. Je leur passerai le mot. Mais on s'en reparlera plus tard. Sinon, j’aurais une question importante à te poser… Te rappelles-tu où habite mon oncle Christophe ? lui questionna Ken très sérieusement.

– Oh ! Humm… Je ne crois pas qu’il a déménagé depuis toutes ces années, donc selon mes souvenirs, il habiterait toujours au village de Quidi Vidi à cinq minutes d’ici en voiture. Il la remercia, puis il se leva d’un bond propulsé par une grande motivation. Elena le regarda quitter la maison, incrédule.

Ken se rendit en autobus à Quidi Vidi aussi appelé le village des pêcheurs. C'était un petit coin abrité de la côte Est, avec un aperçu sur l’océan Atlantique. Les zones de pêche étaient proches des falaises. De brillants Doris, des petits bateaux à faible tirant d’eau, hissés sur terre, se tenaient austères devant les maisons environnantes. C'était un charmant et pittoresque village que l’on pouvait facilement explorer à pied.

Il trouva finalement son oncle au bout du village à l’extrémité de la côte. Il était dans son canot attaché au quai en train de nourrir des canards sur l’eau semi-gelée. Ken le reconnut, mais il avait évidemment un peu changé. Il avait pris un coup de vieux, semblait plus frêle et sa barbe était plus longue que sur les photos, même ses cheveux étaient grisonnants et ébouriffés. Ken l'observa un moment derrière lui sur le quai. Quand soudain, Christophe dit d’une voix monotone sans se détourner des canards et sans se questionner davantage :

– Allez-vous-en. C’est un terrain privé.

– Oncle Christophe ? C’est moi, Ken. Le fils de Thomas.

Il se retourna lentement vers Ken. Ses yeux s’écarquillèrent, puis le dévisagèrent furtivement, comme s’il tenait à fuir son regard.

– Qu’est-ce que tu fais ici ? Je te demande de partir…

– Mais laisse-moi te parler un moment…

– Je t’ordonne de t'en aller ! s’impatienta Christophe en tournant légèrement la tête vers Ken sans nécessairement croiser son regard.

– Je dois absolument te parler. S’il te plait… insista Ken toujours de sa voix calme et posée.

Christophe remonta sur le quai pour lui faire face.

– Je n’ai rien à te dire… protesta-t-il dans un timbre de voix qui laissa paraître une peine contenue.

Il sentit les émotions remonter à la surface lorsqu’il croisa finalement les yeux pers de Ken. Ils lui rappelèrent ceux de sa mère et le revoir plus âgé, après toutes ses années, le blessa davantage, puisque ses traits facials ressemblaient à ceux de son frère, Thomas.

– Je ne peux pas… tout est de ma faute … Je n’arrive juste pas à te regarder dans les yeux… Tu me rappelles trop mon frère… se plaignit Christophe en se dirigeant vers sa petite maison.

Il était si misérable. Ken comprit très bien qu’il vivait dans le remords.

– Je sais que tu es malade, affirma Ken.

Christophe s’arrêta à mi-chemin lorsqu’il entendit cette allégation subite.

– Comment…comment est-ce possible… Et qu’est-ce que tu en sais ? dissimula-t-il.

– Tu es atteint par le cancer… s’attrista Ken.

Christophe fut bouleversé du savoir de ce dernier. Il reprit le pas avec hâte, puis juste avant de refermer la porte derrière lui, il lui cria :

– Je n’ai plus rien à te dire ! Va-t’en !

– Attends ! J’ai quelque chose d’autre à te dire !

Ken s’obstina pour ne pas le laisser ainsi. Il avait un message à lui transmettre et il le fera.

Devant la porte de la vieille maison, il tourna la poignée de la porte avec incertitude. En l’ouvrant tranquillement, elle grinça et il remarqua son oncle assis dans un vieux fauteuil dos à l’entrée.

– Tu as raison…j’ai le cancer des poumons… Et aux dernières nouvelles… il me resterait à peine deux ans à vivre… je crois que c’est ce que je mérite après ce que j’ai fait subir à notre famille… plaida-t-il anéanti par ses propres paroles.

– Il ne faut pas que tu culpabilises comme ça… Tu ne subis pas une sorte de punition, mais plutôt, une étape de ta vie que tu dois apprendre à surmonter.

– Mon frère est mort par ma faute ! Je vais juste mourir seul… gémit Christophe avec rancune.

– Non … C’est faux.

Ken s’approcha du fauteuil et lui partagea le message qu'il devait lui transmettre.

– Mon père t’a toujours aimé, car tu es son frère. Nous avons tous des regrets. Mais ils ne devraient pas dominer ta vie. C’est certain que c’est ton choix, si tu veux te battre pour récupérer ta santé ou tout simplement accepter la défaite… Mais dis-toi que peu importe ton choix… Mon père sera là pour t’accompagner à franchir l’autre étape. N’ais pas peur de la mort, car tu ne seras jamais seul. Il veillera sur toi.

Ken se sentit libérer d’avoir enfin pu délivrer le message que son père chérissait tant faire part à Christophe. C’est certain que pour Ken, au plus profond de lui-même, cela était déchirant de revoir son oncle dans ce piteux état. Mais il savait que c’était tout ce qu’il pouvait faire pour lui pour l’instant. Ken prit alors congé de lui. Laissé finalement seul, Christophe fondit en larmes silencieusement, en laissant échapper quelques gémissements. Il passa sa main sur ses yeux. Il fut bouleversé par ce qu’il venait d'entendre. Il ne pouvait pas y croire, mais une énergie de bonté et d’amour se fit ressentir à ses côtés. Il se convainquit finalement d’y croire, et un sourire serein se dessina sur son visage en larmes. « Merci mon frère…»

De retour à la maison, Ken rejoignit sa tante dans sa chambre en train de plier les vêtements sur son lit. Il lui annonça qu’il avait rencontré son oncle. Elle le regarda d’un air grave tout en en cessant ce qu’elle faisait.

– Comment va-t-il ?

– Il est malheureux… et grugé par la maladie.

– Oh mon dieu… je suis tellement désolée d’entendre ça, répondit Elena affectée, en s’asseyant sur le bout de son lit.

– Tu n’as pas à t’excuser. Chacun a continué de vivre sa vie à sa manière. Tu as décidé d’avancer et de te battre afin d’ignorer le négatif pour ne pas te laisser emporter par le passé. Alors que lui… Il s’est nourri de tristesse et de remord et sa santé se détériore par sa négativité, lui confia Ken en s’asseyant à ses côtés.

– Tu as tellement changé Ken. J’ai toujours cru en toi et je savais que tu n’allais pas rester dans la peine encore longtemps. Tu ne sais pas à quel point je suis fière de la personne que tu es devenu. Et je dois te dire, lorsque j’ai été la sage-femme de ta mère, à la seconde que je t’ai tenu dans mes bras… j’ai vu cette lueur dans tes yeux et cette énergie qui se dégageaient de toi. J’ai su, ce jour-là, que tu avais une grande raison de vivre et de faire du bien autour de toi, lui dit–elle émue en serrant Ken dans ses bras.

Il lui sourit allègrement touché par ses paroles, puis dans ce long enlacement, lui chuchota :

– Merci beaucoup, j’ai moi aussi quelque chose à te dire…ma mère tenait absolument que je te passe ce message… Elle s’ennuie de toi. Elle restera toujours ta petite sœur préférée et elle veille toujours sur toi.

– Je t’aime aussi Maria… ma seule et unique sœur et effectivement ma préférée, lui répondit Elena dans un petit rire étouffé par ses larmes.

Par Cette journée fraîche et ensoleillée de la mi-janvier, Ken marchait dans le cimetière entre les pierres tombales se dirigeant vers celle de sa famille. Il laissa la trace de ses pas dans la mince couche de neige. Face à la grosse pierre où était gravée le nom de sa mère, de son père et de son frère, il la fixa longuement avec reconnaissance. Quand soudain, il tourna son regard vers la droite, à cinq pierres tombales plus loin, il aperçut Curtis et Blair devant celles de leurs parents. Blair le remarqua et vint le rejoindre laissant Curtis dans son silence.

– Salut Ken, contente de te voir et puis comment tu vas ?

– Ça va très bien, lui sourit-il de sa voix la plus sincère.

– Super ! J’ai un petit quelque chose pour toi, lui dit-elle réjouie en lui tendant une petite boite emballée d’un papier bleu, agrémentée d’une boucle dorée.

– Un cadeau ? Pour moi ?

– Allez ouvre-le ! insista-t-elle avec son petit sourire.

Il prit la boite dans sa main et la déballa lentement. En l’ouvrant, ses yeux s’écarquillèrent par ce qu’il trouva à l’intérieur. Il y avait une magnifique chaine en or.

– C’est pour compléter ton pendentif. À ta tourmaline, il manquait sa chaine. Je savais que tu aimerais probablement la garder toujours proche de ton cœur. C’est quand même le plus beau souvenir de tes parents.

– Wow… Merci beaucoup Blair, remercia Ken avec gratitude.

– Ça me fait plaisir ! C’était important pour moi de te l’offrir. Moi aussi j’ai une pierre semblable. Elle m’a été offerte par ma mère pour mes six ans, quelques semaines avant sa mort, lui confia Blair en lui montrant son collier sous son épais foulard rouge pâle.

Ken admira le cristal de roche en quartz clair.

– Elle signifie quoi exactement celle-ci ? se questionna Ken ébahi.

– Cette pierre est associée à l’archange Raziel. Elle serait capable de décomposer la lumière dans toutes les nuances de l’arc-en-ciel. Puis, elle renforcerait l’aura et nous protègerait des énergies nuisibles à notre corps de lumière.

Ken resta silencieux, mais il se sentit ravi et rassuré par cette confidence. Il était heureux de ne pas se sentir seul dans cette situation et d’avoir cette réciprocité avec ces êtres de lumière.

– Blair… j’ai une question qui me tracasse depuis un certain temps. Il y a quelques mois, une de mes petites cousines a reçu la visite d’un esprit qui lui a prédit ma mort. J’ai un fort sentiment que c’était mon frère… Si c’était réellement lui, pourquoi est-il allé voir elle au lieu de moi ?

– Humm… Probablement que c’est arrivé un jour où tu n'étais pas du tout enclin à l'écouter. Donc, il s’est tourné vers celle qui était très proche de toi et la plus réceptive.

Ken hocha lentement la tête par compréhension. Ça faisait amplement du sens à ses yeux.

– Mais maintenant qu’il est retourné dans la lumière retrouver mes parents, y a-t-il encore la possibilité que je puisse communiquer avec lui ? Il m’a dit quelque chose une nuit. Une phrase qui résonne encore dans ma tête, comme quoi, il aurait tout vu. Qu’il sait exactement ce qui s’est passé dans notre maison. Et je veux savoir ce qu’il sait…

– Ken, bien sûr que tu peux reprendre contact avec ton frère. Tu as un don suffisamment développé. Il va juste falloir que tu te prépares mentalement pour recevoir les informations que tu aimeras qu’il te partage. Cela risque d’être lourd et pénible.

Ken acquiesça, puis une dernière question surgit dans ses souvenirs.

– Kyle m’a mentionné qu’il avait entendu des miaulements provenant de mon ancienne maison. Toutefois, c’était une force démoniaque qui était présente. Pourquoi un démon imiterait-il un chat ?

– Et bien pendant que j’y pense, mon frère a fait ses recherches sur Ariton. Il n'y avait pas beaucoup d'informations à son sujet, mais d'après ce qu'il a trouvé, ce démon connaît le passé, le présent et le futur et peut amener les gens à avoir des visions. Il peut engendrer des esprits et prendre n'importe quelle forme. Donc je suppose que si vous avez un chat et qu'il a déjà vécu dans cette maison avec vous, Ariton a probablement utilisé la ruse d'imiter votre chat pour attirer les victimes.''

Ken arqua les sourcils, étonné par sa réponse.

– Les démons peuvent vraiment faire ça ?

– Oui c'est surprenant n'est-ce pas ? Pas tous, mais certains peuvent être très puissants.

– Je n’arrive pas à croire que ton père ait invoqué ce genre d’entités…

– Je sais, moi aussi… répondit-elle bouleversée.

Soudain, des pas dans la neige retentirent derrière eux. En se retournant, ils remarquèrent, Brendan et Zoé qui marchaient dans leur direction main dans la main.

– Hey ! Salut les tourtereaux ! s’exclama Blair lorsque Brendan et Zoé arrivèrent aux côtés de Ken.

– Hey Blair, j’espère que nous n’interrompons rien ? répondit Brendan.

– Bien sûr que non, vous arrivez au bon moment !

Zoé fixa la tombe tristement et prit un moment avant de prendre la parole.

– Je suis heureuse que tu nous aies invitées pour tous se rencontrer ici…je dois t’avouer que je suis surprise… Brendan et moi, on ne s’attendait pas que tu acceptes notre présence après ce qui s’est passé le 27 décembre, dit finalement Zoé avec un sourire dissimulé.

– Je n’ai aucune rancune, vous êtes mes amis. Aujourd’hui, j’avais juste besoin de vous tous à mes côtés. Je ne voulais pas être seul. Je trouvais ça important que vous soyez là, pour l'anniversaire de mariage de mes parents. C’est le jour où ils ont échangé leurs vœux pour la première fois, en se promettant de s’aimer jusqu’à ce que la mort les sépare… Et bien j’ai réalisé que même après la mort, je sais maintenant que leur amour continue de briller et de grandir, leur partagea Ken d’une voix calme et sereine, en fixant la tombe.

Brendan, Zoé et Blair le contemplèrent avec leurs plus doux sourires, touchés par ce que Ken pensa de leur amitié et de l’amour. Brendan et Zoé s’échangèrent un beau regard amoureux en se tenant plus fort la main, puis elle prit la main de Ken, lui apportant son support. Blair fit de même en prenant son autre main. Ken appréciait ce geste. Les quatre se tinrent la main devant la pierre de ses parents, pour ensuite, tous fermer les yeux, et laisser un moment de silence.

Pendant ce moment de calme, un doux vent souffla au visage de Ken, et c’est alors qu’il entendit murmurer son nom. Ken ouvrit les yeux et les leva vers le ciel éclairci. Les rayons du soleil resplendirent sur les traits de son visage qui reflétait enfin la santé et le bonheur. Il sentit une main se poser sur son épaule, puis une voix se fit entendre :

– Tu as raison mon garçon, nous sommes heureux de l’autre côté, et il n’y a pas de mort comme on te l'a fait croire…

Ken reconnut cette douce voix maternelle.

– Maman…? dit-il incertain par la pensée.

Puis à ce même instant, une seconde main se déposa sur son autre épaule. Il tourna la tête et vit le visage souriant de son père. Il tourna ensuite la tête vers la main qu’il croyait appartenir à sa mère. Sous son regard apaisé, ce fut effectivement elle. Son visage était radieux, paraissant toujours aussi jeune et maintenant en paix. Son père lui dit alors : « Nous sommes si fiers de toi mon fils. » En entendant les paroles venant de l’âme de ses parents, il fut envahi de beaucoup d'émotions. Il put sentir la présence de son frère Sam, juste derrière lui, tenant la main de leurs parents. Il leva les yeux vers le ciel, pour ensuite les refermer. Ressentir à nouveau la présence de sa famille réunie auprès de lui le combla de joie.

Des larmes jaillirent de ses yeux et coulèrent le long de son visage. Le sourire aux lèvres, il ouvrit à nouveau les yeux, puis vit une colombe passer au-dessus de lui, elle battait de ses glorieuses ailes pour aller encore plus haut. Il savait que cette colombe était un message d’Angie. Par tout ce qu’il a vécu, Ken réalisa qu’il y avait une véritable communication entre notre monde et l’invisible . Que ce sont des cadeaux spirituels qui ont pour but de rallumer notre conscience, de ce que nous sommes, de notre raison d’être ici-bas et que l’amour réciproque est éternel…

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