Après l'Apparition, tout avait changé.
Mon nom à moi, c'est Emile.
Je suis célibataire, puceau et adepte de la technique légendaire baguette de pain bien pétrie. J'ai 33 ans, et je travaille à l'institut d'informatique cryptique de Lyon. Vous connaissez sûrement pas, parce que c'est assez récent. J'avais plutôt un bon job, en vrai : je gagnais 2300€ brut par mois, j'avais des allocs, une belle maison, un chien et des tas de congés payés, ouais !
Mais tout avait changé lors de l'Apparition.
Un de mes potes, Rémi, m'avait raconté qu'il avait entendu qu'un de ses cousins connaissait un gars qui travaillait dans un service secret, la SEA, qui étudie les trucs paranormaux. Ce gars en question avait lâché des infos comme quoi l'Apparation était un phénomène qui allait se produire cette année où Rémi m'avait parlé. Un truc giga important, avec un héros multinational qui avait sauvé le monde.
Moi je sauve bien des gens de leurs portefeuilles ; pouquoi on me remercie pas ?
L'Apparation s'était alors déroulée, et même moi depuis mon PC portable, en regardant un soir le live d'un Américain en plein défi de traverser sur un bateau gonflable le Pacifique, j'étais époustouflé. J'en ai même lâché mon café, tiens !
Un tout nouveau continent, apparu de nulle part.
Et après ça, les "mourniens" ont commencé à apparaître dans nos vies. Au début, ils me faisaient un peu peur, avec leurs gueules effeminés... On aurait dit des elfes du Seigneur des Anneaux ! Mais plus tard, j'ai rapidement fréquenté plusieurs d'entre eux, et ils étaient super sympas ! Genre, je suis devenu super pote avec Hrombald, en échange que je lui apprenais les ficelles du métier, il me préparait les meilleurs quatr'quart du monde !
C'était la belle vie. Puis le 17 octobre 2038, j'ai vu qu'un truc clochait.
À la radio, ils en parlaient déjà : "Des différentes maladies provenant de la surface de Mourn, certains scientifiques pensent qu'il s'agirait d'un virus magique affectant le cortex cérébral humain et le modifiant pour ressembler à celui des mourniens.". Comment je l'ai su ? Ce fameux soir d'octobre, j'ai fait tombé ma tasse de café.
Je vois encore la scène dans ma tête : j'étais tellement fatigué, mais à la fois si concentré que ma tasse préférée tombait au ralenti. Et moi, pardi, avec mon corps de lâche qui avait jamais fait de sport, j'ai tendu la main en pensant bêtement que j'allais la rattraper.
Bah, vous savez quoi ? Je l'ai fait.
Enfin, pas exactement : la tasse s'est arrêtée en plein vol, mais je la sentais entre mes doigts. Alors que je la touchais même pas ! J'ai tellement paniqué qu'au final, j'ai comme relâché la pression et la tasse s'est brisée. Si j'avais été plus rapide...
Et puis je me suis pris au jeu : j'ai commencé à faire des expériences. Au début, c'était difficile, le mal de crâne que je me tapais à chaque fois était horrible. Mais petit à petit, à force d'efforts que j'aurais jamais pu faire sans ce fabuleux détour, j'ai finalement réussi à retenter l'expérience : au bout d'un mois et demi, j'avais "attrapé" mon stylo sans le toucher.
Je faisais de la magie. Comme les mourniens, en fait.
Je suis allé me faire consulter, car la loi était formelle : tout individu possédant un cerveau non humain et "apte" doit se faire référencer. Alors, après que l'hôpital m'ait fait faire les tests, puis m'a envoyé les résulats séance tenante, j'ai crû qu'un de mes rêves allait se réaliser : moi, le gros nul dont tout le monde se moquait quand il parlait de magiciens et de princesses, allait en devenir un ! (Bon, j'espère pas une)
Mais le rêve a rapidement fâné : j'avais pas remarqué que les gens... Les humains n'acceptent pas la différence, et cherchent la nuisance facilement. Ils m'ont viré de mon job, prétextant que j'allais nuir à l'ambiance du staff et que de toute façon, "une autre voie m'attendait en tant que praticien magique". La manière dont ils avaient prononcé ce mot me dégoûte encore.
Mes amis m'ont rapidement quitté, délaissé. Même Hrombald ! Après que ma mère et mon père ont appris ma condition, ils m'ont renié et déshérité, me traitant de monstre, alors que moi je m'entraînais à faire apparaître des petites lumières de ma paume, dans la rue qui était ma nouvelle maison.
J'avais la rage. J'en avais marre de ce monde de merde qui juge les gens que sur des préjugés débiles.
Alors j'ai mis le feu. Partout. Et ça m'a fait tellement du bien ! Je sentais la magie courir dans mes veines comme des chevaux effrénés par une course intense, le pouvoir qui glissait dans mes mains tandis que des flammes rugissantes carbonisaient maisons, rues, passants !
La folie délicieuse de cette danse incessante s'est alors emparée de moi. Je dansais nu sur les chairs calcinés, mon corps se déformant lentement comme l'avait fait mon cerveau. Mais j'étais libre ; la magie m'avait choisi, elle. La magie ne se souciait pas de qui j'étais, mais seulement de ce que je faisais. Elle me murmurait des choses.
Elle me murmurait de tous leur montrer. Je suis allé voir ma mère et mon père, volant dans le ciel tel un fier dragon allant affronter son pire ennemi chevalier. J'entendais leurs cris déchirants tandis que je déversais l'enfer sur eux, mon rire résonnait à mes oreilles comme un carillon sonnant la venue d'un nouveau messie.
Et c'est là que je l'ai rencontré. Si j'étais l'élu de la magie, alors Lui en était le maître ; il m'a maîtrisé, d'ailleurs. Avec une telle aisance, mes flammes se retournaient contre moi. J'étais cuit, mais c'était drôle quand même. Surtout quand il m'avait dit que j'étais un orbasos. Surtout quand il planta son épée en plein dans ma poitrine, libérant ma rage et mon feu dans ma magie. Je rejoignis celle qui m'avait toujours comprise, sous le regard compatissant de cet être qui ne savait pas à quel point il était chanceux.
La magie, c'est vraiment super cool !
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