Chapitre 7 - Louis -
J’étais sur la route pour rejoindre mon travail quand le message d’Aurore m’est parvenu. Je n’ai pas réfléchi beaucoup plus longtemps avant d’accepter, parce que je sais qu’elle ne ferait pas appel à moi si elle n’en avait pas vraiment besoin. Alors je lui envoie ma réponse rapidement et rejoins l’endroit qu’elle m’a indiqué. Je me croirais presque dans un film, mais non. C’est bien la réalité. C‘est sa réalité. Et c’est la mienne aussi aujourd’hui.
Cinq minutes plus tard, j’attends Aurore où elle me l’a demandé pendant quelques minutes et voit arriver un bus au loin. Il s’arrête et quelques personnes du lycée en descendent, et enfin Aurore. Elle rejoint ma voiture d’un pas rapide et quand elle rentre, elle semble soulagée. Je lui demande ce qui se passe. Elle abdique et souffle avant de me répondre, comme pour reprendre du courage.
- Nao m’attend chez moi. Je l’ai vu rejoindre ma maison quand je suis passée devant. Je ne savais pas quoi faire, je suis désolée. Je voulais pas te mêler à ça mais t’es un peu ma seule option. Mes parents ne sont pas là et ils ne reviennent que dimanche soir et personne d’autre n’est au courant.
Je balaye ses dernières paroles d’un signe de la main et lui adresse mon plus beau sourire. Si elle pense vraiment que c’est elle qui me mêle à ça, alors elle se trompe. Je m’en suis mêlé tout seul mardi soir, quand je suis intervenu. Et je m’engage sur la chaussée avant de reprendre :
- T’en fais pas, c’est rien. Où sont tes parents ?
- Ils sont à Londres, je leur ai offert ce voyage à Noël. Je pensais pas que je serais dans cette situation. Où on va ?
- Chez moi.
- Quoi ? Mais non !
- Si. Je te dépose et après j’ai pas le choix je dois aller travailler.
- Tu travailles où ?
- Au centre commercial.
- OK. Bah emmènes-moi avec toi alors. Ensuite, quand tu auras terminé je pourrais rentrer chez moi, Nao ne sera plus là. Il n’attendra pas aussi longtemps !
- T’es sûre ? Tu vas t’ennuyer !
Elle acquiesce avec un sourire qui se veut rassurant, mais je vois bien qu’elle n’est pas complètement convaincue par ses propres dires. Mais je fais comme si je la croyais et me rend à mon travail. Mes musiques retentissent dans l’habitacle quand elle prend la parole :
- Tu dois te demander pourquoi je fais rien pour l’arrêter, pas vrai ?
- Non, pas vraiment. Je sais que c’est parfois compliqué. Je te juge pas, je me doute que c’est bien plus compliqué de t’en sortir qu’on aime le dire.
- Merci.
Et pour la première fois depuis que je lui parle, elle me parle calmement et me sourit même. Je suppose que c’est un bon début.
J’ai fini le travail et nous sommes aller manger un morceau au Mc Donald avant que je ne la ramène chez elle. Pendant le repas, nous avons discuter un peu, elle m’a parlé de Mathilde avec tout un tas d’étoiles dans les yeux et je vois bien ce qu’elle représente à ses yeux. Elle semble super reconnaissante de l’avoir à ses côtés et c’est pour cette raison qu’elle ne lui a rien dit. Selon elle, ça la protégera. Et je ne peux la contredire.
Quand nous arrivons près de chez elle, je vois qu’elle commence à angoisser, ce que je comprend complètement, alors je lui propose une dernière fois de dormir chez moi. Comme les trois fois précédentes, elle refuse et me dit que ça ira. Mais elle se ravise quand elle s’aperçoit que sa cour n’est pas vide, mais que deux voitures sont là, au lieu d’une.
En arrivant chez moi, elle me remercie de l’accueillir et me demande pour la énième fois si je suis certain que ça ne dérangera pas ma famille, et ma réponse ne bouge pas. J’ai prévenu ma mère et elle a déjà sorti les draps pour moi ce soir. Mon père est dans le salon avec ma sœur et nous salue de loin, plongés dans leur film. Aurore derrière moi se décrispe un peu et nous montons à l’étage, où se trouve ma chambre. Je lui montre où est la salle de bain, sort une nouvelle brosse à dent et prend les draps pour faire mon lit sur le palier. Je la rejoins peu de temps après, et nous allons ensuite nous coucher, elle dans ma chambre et moi dans le canapé sur le palier.
Je m’endors à peine quand du bruit résonne dans ma chambre. Je me lève et ouvre le plus silencieusement la porte que possible. Elle grince un peu et la parquet craque sous mon poids mais ça ne réveille pas Aurore qui est agitée. Je m’approche et m’assois sur le bord du lit et tente de la rassurer, mais elle n’est pas de cet avis et m’envoie son bras dans la tête. Je peine à la réveiller et quand j’y arrive enfin, elle semble toute désorientée. Elle éclate en sanglot alors je la prend dans mes bras en lui murmurant que je suis là, que tout ira bien. Ses larmes se tarissent et peu à peu, le sommeil la gagne à nouveau. Je reste un instant à l’observer, elle est si paisible, c’est rare de la voir ainsi, avant de m’éclipser. Mais avant que j’atteigne la porte, elle me demande de rester avec elle. Elle a les yeux encore fermé et j’en déduis qu’elle parle dans son sommeil alors je continue d’avancer. Mais quand j’enclenche la poignée, elle me le redemande. Alors je fais demi-tour et vient m’installer à côté d’elle. Mon lit est bien plus confortable que le canapé. Jeanne me tuera si elle l’apprend.
Cette nuit n’est pas la plus paisible, c’est le même schéma qui se répète toutes les deux heures. Mais cette fois, quand elle se réveille en sursaut pour la quatrième fois, Aurore se redresse et, après avoir bu le verre d’eau que je lui ai ramené, elle prend la parole.
- C’était mon meilleur ami. Je l’ai connu quand j’avais cinq ans et lui six. Mais quand on avait quinze et seize ans, soit dix ans plus tard, il m’a violé. Je n’ai pas honte de le dire. C’est lui qui doit avoir honte, pas moi. Alors j’ai porté plainte, le soir même. Mais faute de preuve parce que j’ai tout effacé ne supportant pas de ressentir ses mains sur moi une seconde de plus, il a été acquitté. Depuis, il veut se venger.
- Pourquoi maintenant ? je demande, un peu choqué de cette révélation.
- Parce qu’avant il ne pouvait pas m’approcher. J’ai réussi à obtenir une injonction d’éloignement quand il m’a insulté et menacé par messages, cette fois j’avais les preuves. Mais elle a prit fin cette semaine. J’ai l’impression que ça fait une éternité, mais ça ne fait que quelques jours.
Elle se rallonge et je la serre dans mes bras pour qu’elle se rendorme. J’ai du mal à trouver le sommeil cette fois, mais les bras de Morphée finissent par venir me chercher au final trois heures plus tard.
À dix heures, j’entends du bruit en bas. Ma mère parle fort et des pas se font entendre dans les escaliers. Je me relève en essayant de ne pas réveiller Aurore qui a passé une nuit difficile. Sa tête est toujours blottie contre mes oreillers et son corps tourné vers moi. Ma mère a enfin arrêté de crier et je profite cet instant pour m’étirer. Mais le moment n’aura pas duré très longtemps. Ma porte s’ouvre en grand et je reconnais automatiquement la silhouette qui se cache derrière. Merde. Elle va me tuer.
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