Chapitre 10 - Aurore -
Aujourd’hui, mes parents doivent rentrer vers vingt heures. Louis est parti il y a une dizaine de minutes, et depuis je remets de l‘ordre dans ma chambre pour m’occuper. Une fois que j’ai fini de ranger ma penderie, puis ma bibliothèque remplie de romans d’amour et mon coin sommeil, je m’installe sur mon lit et lance un film – Naomi and Ely’s No Kiss List – en même temps que Mathilde qui, comme toujours, critique chaque scène. De mon côté, je suis un peu distraite par les messages que je reçois de Tom, un pote de ma meilleure amie. Depuis quelques semaines, nous nous parlons même si cette dernière semaine je n’avais pas vraiment la tête à flirter. Malgré ça, il est resté là et continue de me remonter le moral, alors que personne ne le sait.
Mes parents viennent tout juste de rentrer de leur week-end. Je suis plus que contente et rassurée de les retrouver. Ces derniers jours ont été éprouvant, c’est le moins que je puisse dire ! J’aide ma mère à défaire les valises pendant que mon père prépare le dîner pour ce soir. Alors qu’elle relève le visage pour regarder le mien, je vois ses yeux s’attarder sur mon cou et ensuite sur mes joues. Aussitôt, quand j’ai pris conscience de ce qu’elle observait, je lève une main que je place sur les zones marquées, et les caresses du bout des doigts. Je lui souris et lui adresse le même baratin qu’à tout le monde, ce à quoi elle ne répond rien mais acquiesce, sceptique. J’aurais dû les maquiller, j’ai oublié.
Pendant le repas, nous parlons des souvenirs que mes parents gardent de leur voyage : les jolies ruelles, les parcs un peu isolés de la cohue touristique, les petites adresses des locaux. C’est leur manière de voyager et je le sais. Avant que je naisse, mes parents adoraient voyager un peu partout dans le monde. Ils ont visiter plus de pays que je n’ai visité de villes, ils voulaient d’ailleurs créer leurs propres parcours puis les vendre à des agences de voyage. Mais je suis arrivée, ils ont dû abandonner ce projet pour s’occuper de moi. Très vite, le sujet divague et mon père me bombarde de questions sur mes dernières journée alors que ma mère reste silencieuse, interdite presque. Je n’aime pas mentir à mes parents, ils m’ont éduquer de telle sorte que je ne me dise pas « oh mince, si mes parents l’apprennent ils vont me tuer ! » quand je suis dans une galère mais plutôt de façon à ce que je puisse me tourner vers eux pour trouver l’aide dont j’ai besoin. Ça a toujours fonctionner, mais aujourd’hui, je ne veux pas leur en parler. Parce que le faire, ça rendrait la chose beaucoup plus réelle et je ne suis pas prête à affirmer cette réalité.
Une nouvelle semaine commence et mon inquiétude de tomber face à Nao ne se tarie pas. Alors, je prend toutes les précautions pour ne pas le croiser. Je ne sors pas durant les pauses et reste seule la moitié du temps dans le forum, au milieu de toutes ces personnes pleines de vie alors que mon cœur se meurtri. Tom passe me voir discrètement dès qu’il peut, parce qu’il ne veut pas que ses amis le sachent et, honnêtement, même si ça m’aurait dérangé en temps normal, pour le coup je m’en fiche et le laisse gérer ça à sa façon. Louis aussi vient me voir parfois, il reste avec moi jusqu’à ce que mon côté désagréable – que je n’arrive pas à refréner avec lui, prend le dessus. Malgré cela, il reste assez longtemps, bien plus que je ne l’envisage à chaque fois.
Donc, toute la journée, j’ai fais en sorte de ne pas me retrouver dehors, à la merci de ce qui fut mon meilleur ami. Mais ce soir ma mère devait venir me chercher à dix-sept heures, quand je terminais les cours. Et il est actuellement dix-sept heures vingt. Je sens mon dos brûler mais je ne me retourne pas, bien trop effrayé par ce que je pourrais éventuellement voir, du moins, qui je pourrais voir. Alors je continue d’ignorer cette sensation désagréable et contemple l’écran de mon téléphone vide comme s’il m’apprenait de nombreuses choses. Jusqu’au moment où mes cheveux sont empoignés et tirer en arrière. L’individu, que je devine être Nao, pose sa main dans le creux de mes reins et me pousse, toujours sa main fortement agrippée à mes longs cheveux bruns. Je ne tente même pas de me battre, je sais que cette fois, il se vengera de toute l’ignorance dont j’ai fait preuve et il me donnera avec autant de force, si ce n’est plus, les coups qu’il m’avait réservé depuis vendredi.
En quelques secondes qui me paraissent être une éternité, nous arrivons au même endroit que la fois précédente, là où Louis nous avait trouvé. Sauf que cette fois, il n’y a pas de voiture de garé, cette fois il n’y aura personne pour me sauver. Et ça, Nao s’en est assuré avant de me donner les premiers coups, que je dois encaisser sans rien dire. Alors une nouvelle fois, ses mains frappent avec force mon visage qui a encore les traces de ses précédents passages. Je sens le goût ferreux du sang dans ma bouche, je sens des larmes couler de mes yeux jusqu’à mon cou qu’il serre pendant que son autre main se promène sur mes courbes. Il aventure ses doigts le long de mon décolleté puis en bas de mon ventre, qu’il frappe de son genou et qui me fait me plier en deux. Il s’excuse avec une tendresse que je ne peux pas croire et il relève mon corps et le plaque contre le mur pour m’immobiliser un peu plus, alors que mon esprit est déjà emprisonné dans un corps tétanisé par la terreur et l’horreur. Son index se glisse entre mon échine et l’élastique de ma culotte et il caresse ma peau, laissant s’échapper de sa bouche des râles de contentement. Et c’en est trop que je ne puisse supporter, mon corps sort de sa transe et avec la force que je réussi à réunir, j’envoie mon genou entre ses jambes, où son désir se fait voir. Il tombe par terre tant la douleur lui est insupportable et je pars dès que je comprend que c’est ma seule échappatoire.
Je remonte le trottoir au pas de course, sans me retourner, dans l’espoir de trouver de l’aide bientôt, mais je ne peux pas, et Nao est beaucoup plus rapide, alors il me rattrape, non sans mal, et laisse sa colère me terminer pendant que mon âme s’envole un peu plus haut à chaque fois que les coups quittent son corps et viennent frapper en moi. Ainsi, je sens à peine quand, une fois de plus il me pénètre avec violence, donnant des coups de reins qui remuent mon corps jusqu’à ce qu’il s’apprête à venir en moi, moment où il se retire et part, sans un regard un arrière, laissant mon corps vide au sol. Je n’ai pas la force de me relever et de partir, alors je reste là, par terre, à attendre que quelqu’un me trouve. Mais personne ne me trouve avant que je quitte mon corps.
Quand je reprend conscience, que je réintègre mon enveloppe terrestre, l’eau coule sur mon corps, couvert de mes sous-vêtements. Je suis assise dans une baignoire et quelqu’un me touche les cheveux. Je ne sais pas si c’est la peur ou le contre-coup de la situation , mais je suis incapable de bouger, de parler et de faire quoique ce soit. Je ne sais pas où je suis, ni avec qui, mais je ne me sens pas en danger, je dirais même que je me sens étrangement protégée. Une fois que je suis parfaitement lavée, Louis – évidemment, qui d’autre autrement – me porte jusqu’à son lit, dans sa chambre que je reconnais de la dernière fois.
- T’es un ange gardien, en fait ? je peine à articuler.
- Ça va ? élude-t-il avec un sourire.
- À part que tu viens d’effacer toutes les preuves, ça va.
Et parce que je suis une idiote qui ne sait pas remercier et m’ouvrir aux autres, même quand ils le méritent, je rétorque cette accusation avec un ton glaçant et me tourne, dos à lui. Je suis détestable, et pourtant il reste là.
- Merci, je dis sincèrement.
Sans grand étonnement, il ne répond rien. En même temps, que pourrait-il répondre ?
- Je suis désolée, pour ce que j’ai dis. C’était injuste.
- Je sais, c’est rien.
- Non. Ce n’est pas rien, je suis horrible avec toi, tu n’as aucune raison d’autant t’accrocher, mais pourtant tu restes là, à veiller sur moi comme une étoile. Je ne mérites rien de ta part.
- C’est vrai aussi, me concède-t-il dans un rire. Mais je sais que tu n’es pas aussi horrible que tu veux le faire croire. T’es pas facile, c’est clair, mais je suis sûr que tu as tes raisons, et je ne suis personne pour en juger.
Un poids se libère du matelas et ses pas font craquer le parquet de sa chambre quand il part.
- Restes, s’il te plaît.
Et, même si je ne le mérite pas, il retourne s’asseoir sur le côté de son lit et passe un bras réconfortant autour de mon épaule alors que je passe les miens autour de ses hanches pour les rapprocher, lui et la sécurité qu’il m’offre, de moi.
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