Chapitre 2 - Hermann Jarris

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Safia inquiète, interpella Eritas : "Tout va bien ? Tu ne dis rien ..." 

Eritas hésita. Les mots étaient prêts à franchir ses lèvres, mais ils restèrent bloqués. Son esprit était irrésistiblement captivé par le livre mystérieux qu'il tenait entre ses mains, il semblait presque vibrer d'une mélodie lointaine. D’un geste précipité, il le rangea dans sa sacoche.

"Rien d’important, Saf. C’est un simple livre elfique pour adultes, répondit-il, feignant l'indifférence. Il y avait juste une protection parentale qui dissimulait le texte et les images.” La fée, espiègle, minauda : “Je peux jeter un œil ?” 

Eritas rit. 

“T’es vraiment une perverse. Puis ce sont des haut-elfes, pas ton genre de grand mec bourru.”

Safia s'assit boudeuse dans la lanterne, sa lumière virant au pourpre. “J’apprécie les jolies choses, voilà tout”, murmura-t-elle.

 Amusé, il lui fit un clin d’œil avant de la saluer : "On se revoit demain, luciole."

La petite fée lui répondit d’un doigt d’honneur.

Le soir venu, Eritas avait sauté le dîner et s'était réfugié dans sa chambre pour étudier la prophétie. Les murs semblaient s’être étrécis quand il avait posé le livre sur l'imposant lit à baldaquin. Il n'avait aucune idée des origines du livre. Vraiment aucune putain d'idée. Il avait passé la soirée à consulter les sites de légendes anciennes et de complotistes. Rien. 

Il sortit son téléphone et envoya un message à son meilleur ami Polléite. 

J'ai besoin de ton flair, InPo. 

Polléite était un métamorphe doberman et un inspecteur de la section des artefacts magiques. Il tenait à ce In-, préfixe d'inspecteur. 

Le téléphone d'Eritas vibra. 

Bonjour à toi aussi, PR - PR pour poils rebelles, référence à ses cheveux ébouriffés et ses poils drus sous forme d'ours. 

On n’a pas le temps pour les banalités. Retrouve-moi demain au stand d'entraînement, 17h. J'ai un truc qui va t'intéresser, envoya Eritas. 

Si c'est encore un jouet qui couine...

Beaucoup mieux que ça.

Sans blague... je serai là.

On frappa à la porte. 

"Ouais ? demanda Eritas. 

- Ouvre, tu me dois des excuses, gronda la voix profonde de son grand frère. 

- Désolé, stock épuisé. Repasse demain.”

Un soupir théâtral.

“Dommage... J'aurais pu te les acheter à un bon prix..." 

Les pas s'éloignèrent mais Eritas se précipita pour ouvrir la porte.

Origel l’attendait, arborant un sourire narquois, fier de son stratagème. Il renifla l’air avec une grimace. "Tu devrais nettoyer de temps à autre, on dirait qu'il y a un rat crevé là-dedans." Eritas, jusque-là aveugle à l’odeur nauséabonde, fronça les sourcils. "J'y réfléchirai. Tu voulais parler de quoi ? 

- Jennan va te convoquer au conseil de demain, annonça froidement Origel. 

- Tu diras à notre père que j'ai d'autres plans”, cingla Eritas.

Son frère haussa les épaules, imperturbable.

"Je ne suis pas ton messager. Tu es convoqué, tu ne peux pas fuir. Je suis seulement venu te donner le temps de te préparer." 

Eritas était ébranlé par la nouvelle. Il devait rencontrer Polléite afin qu'avec un peu de chance, son ami l'éclaire sur la nature du Journal de l'Automne. 

Il croisa les bras derrières sa nuque. "La stratégie militaire, c'est pas vraiment mon truc." Origel arqua un sourcil, son ton se durcissant. "Tu as frôlé le score parfait aux simulations. Si tu n’étais pas aussi borné, tu aurais excellé."

La tension grimpa.

"Que tu le veuilles ou non, je t’y trainerai par la peau du cou.”, le prévint son frère avant de repartir dans les ténèbres du couloir. 

Eritas claqua la porte pour seule réponse. “Quelles enflures !” maugréa-t-il. 

Il aurait pu mentionner la prophétie de l'apocalypse qu’il détenait pour éviter ce calvaire, mais il n'avait aucune confiance en son frère ni en son père. Qui sait quels pouvoirs contient le livre. 

Jennan Ursan avait des vues sur le gouvernement de l'Anneau. Il occupait un poste puissant, gouverneur de l'Automne. Il était à la tête des loups, des cerfs, des sangliers et des ours. Tous de redoutables guerriers. 

Il n'y avait que Gasha, reine léonine de l'Été qui s’opposait à lui. Mais un artefact aussi redoutable que le Journal de l'Automne serait assurément un poids considérable dans la balance du pouvoir.

Après avoir refermé la porte, Eritas remarqua l'immonde odeur de décomposition qui provenait de l'ouvrage. Un flot sombre à la texture sirupeuse suintait des pages et rongeait le bois du parquet avec un appétit surnaturel.

Sans perdre de temps, Eritas enfila ses gants et jeta le journal dans sa sacoche, gravée de runes magiques offrant une protection envers les maléfices. Le liquide avait cessé de s'écouler. 

Au moins sa chambre ne risquait plus rien. Il allait définitivement avoir besoin de renseignements sur le bouquin de la mort qui pue

Il texta Polléite pour reporter leur rencontre au surlendemain. Eritas avait un autre atout dans sa manche, Hermann Jarris, son professeur de mythologie et tuteur dans ses recherches sur les espèces anciennes. Un érudit qu’il considérait comme un père spirituel.

Le lendemain matin, Eritas engloutit son café glacé et son pain au chocolat. Avant de se rendre à l’académie. Il s'assit dans l'amphithéâtre et écouta attentivement  Jarris parler d'un ancien panthéon, antérieur aux Séraphins, dont l’existence aurait sombré dans l’oubli après leur chute. Des élucubrations Jarrisiennes, songea Eritas. 

A la fin du cour, il se dirigea vers son professeur pour un aparté. La moustache de son professeur s'incurva, joyeuse, tandis qu'il approchait. Et tous deux se dirigèrent dans son bureau pour partager un thé.

"Montre-moi donc ce journal", demanda Jarris en se redressant dans son fauteuil.

Eritas posa sa sacoche et en sortit le livre. Le professeur plissa les yeux, perplexe et enfila sa paire de gants. Il saisit le journal avec la plus grande précaution et commença à le feuilleter. Après quelques instants d’inspection minutieuse, il déclara : "Il n'y a rien.

- C’est ce que je croyais aussi, mais les écritures se sont révélées plus tard.”, répondit Eritas.

Jarris fronça les sourcils, laissant paraître la première ride de son front.

- Et que disaient-elles exactement ?

- Le journal s'était présenté comme le Journal de l'Automne et le poème suivit."

Il avait beau l'inspecter, rien n'y faisait, les pages restaient muettes. Il tourna le bleu acier de ses yeux sur l'étudiant. "Tu te souviens d'un déclencheur qui aurait pu lever le sortilège de dissimulation ?" Eritas se concentra, ressassant les évènements de la bibliothèque. Puis il se souvint. "Puissent les mystères fuir votre regard", énonça-t-il.

Aussitôt, le livre réagit.

Puissent les mystères fuir votre regard, Eritas Ursan.

Durants quelques secondes, Jarris resta coi, ébahi. Ensuite, il reprit, solennel : "Dévoile-moi la prophétie". Le journal dévoila l'Apocalypse de l'Automne. 

Un éclat d’effroi parcourut son visage. Il referma l'ouvrage d’un mouvement sec et le remit dans la sacoche d'Eritas. 

"C'est une magie dangereuse qui anime le journal, Eritas, l'avertit-il comme un père avertit son fils. Mais il ne fait aucun doute, c'est bien l'une des prophéties..."

Il quitta son fauteuil et se planta devant le tableau noir qu'arborait le mur de son bureau, prêt à donner une leçon.

"Selon les légendes, il existe quatre prophéties de l'apocalypse. Celles du Printemps, de l'Été, de l'Automne et de l'Hiver. Cependant, il ne faut pas les prendre au pied de la lettre. Elles ont été rédigées par des mages qui tenaient leurs pouvoirs de sources ténébreuses. On ne peut pas manipuler la magie du temps sans bouleverser l'équilibre de l'univers. 

- Mais leurs oracles se réalisent toujours, non ?" Jarris comprit où son étudiant voulait en venir. C'est solennellement et le regard sombre qu'il répondit : "Toujours..."

Eritas ne comprenait pas. "Quel est le but de ces prophéties si elles sont immuables ?

- Elles le sont pour nous, mais pas pour les Anciens, le corrigea Jarris. Il y avait des entités bien plus puissantes que les Séraphins sur Extriam."

Eritas s'emporta : "Ce ne sont que des chimères ! Rien ne prouve leur existence !

- Jusqu'à maintenant ! répliqua son professeur avec aplomb. Tes yeux sont voilés d'ignorance et d'incompréhension, mais ce que tu détiens dans ta sacoche ne peut être expliqué.” Son regard lorgnait la sacoche. “C'est de la magie temporelle, très ancienne, dont seuls quelques individus ont été capable de manipuler." Puis il se rassit et sirota sa tasse de thé aux pétales de cerisier. "Je pourrais te l'emprunter pour l'étudier plus attentivement." 

Mais Eritas referma sa sacoche, l’esprit ébranlé. "Impossible, je dois le montrer à un ami, répondit-il sèchement.

- Fais attention à qui tu confies ces secrets, mon garçon”, le prévint Jarris d’un ton paternel.

Eritas, en se levant, répondit simplement : “Je sais ce que je fais.”

Il entendit son professeur soupirer, alors qu'il quittait l'académie.

Alors qu’il se dirigeait vers le manoir, son téléphone vibra. 

Rappel : Conseil de cons dans 15min.

Extrait du prochain chapitre :

"Cette proposition n'était pas la mienne", dit l'officier.

Origel les yeux sans vie, scruta Eritas. "C'était la mienne."

Le sol semblait se dérober sous l'étudiant au milieu des officiers. Il comprit qu'il avait commis l'erreur de sa vie.

Anecdote :

J’espère que vous avez bien digéré le prologue de l’ancien panthéon car aujourd’hui, dans le monde d’Extriam, on voue un culte aux Séraphins !

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