Prologue
Cette histoire a eu lieu à une époque lointaine, si éloignée que les Mondes, les lois et les Capacités n'existaient pas encore. Seule Alpha, la planète originelle, était connue et dirigée par un souverain unique du nom de Lios. Cet homme cruel dictait sa propre justice sur tous les peuples, sans que quiconque n’ait le courage ou la puissance de le défier.
Pour garder cette autorité suprême, il faisait fusiller un homme et une femme dans chaque capitale tous les mois. Chaque habitant devait observer ce lugubre spectacle, sur place, ou par une ancienne technologie appelée télévision, sous peine d’être les victimes du mois suivant.
Comme tout bon dictateur, il laissait mourir son peuple de pauvreté, de famine et de maladie tout en vivant avec faste dans son château de verre. Et personne ne se révoltait devant cette situation absurde.
Coincés dans un cercle vicieux, tous se taisaient devant ce souverain ayant le droit de vie et de mort sur son peuple qui s’éteignait un peu plus chaque jour.
Mais l'histoire changea un beau matin, quand la capitale royale se réveilla et trouva comme par miracle toutes les rues de la ville pavées de billets. Les haut-parleurs émirent, pour la première fois depuis longtemps, autre chose que la voix de leur empereur. Elle chantonnait légèrement une ancienne comptine :
Toi mon roi, mon Dieu
N'oublie jamais que ceux
Qui décident de ta vie
Sont ceux qui
Vivent dans la rue
Et que le peuple tue
Une lignée bien plus vite
Qu'une bombe atomique.
Devant ce message plein de promesses, le peuple reprit espoir.
Dans le grand château qui surplombait la cité, l'ambiance était tout autre. Le roi fut réveillé par cet hymne qui ne pouvait être transmis que par la plus haute tour de son immense propriété. Fou de rage, il se dirigea vers la voix.
À chaque pas, le dictateur ralentissait sa course, sa rage se transformant en crainte. Sur le chemin, de la porte principale à la tour, des corps gisaient. Derrière lui, une voix cristalline s’adressa à lui :
- Cherchez-vous quelqu'un, mon seigneur ?
Une femme avec de longs cheveux blonds était devant lui, le corps tatoué de formes noires et les yeux rouges comme le sang.
- Que voulez-vous ? balbutia Lios. Si vous voulez de l'argent, je...
- L'argent ne m'intéresse pas, c'est pour cela que je l'ai donné à ceux qui le veulent. Ce que je veux, c'est une réponse, et vous me la donnerez bien assez tôt !
Sur ces mots, elle repartit en silence, abandonnant le roi abasourdi.
Revenons à la population. Qu'ont-ils fait après l'euphorie de leur réveil ? Eh bien c'est très simple : rien. Après l'annonce, la réalité envahit de nouveau la ville et le peuple se rappela à qui il appartenait. Quelques heures plus tard, ils étaient redevenus le troupeau de moutons obéissant à leur berger, laissant l’argent sur les pavés et reprenant leur quotidien. À force d'accepter la cruauté, ils ne pouvaient imaginer vivre autre chose.
Lios, assistant à ce spectacle, rit du haut de sa tour et annonça le soir même, par les haut-parleurs qui avaient été porteurs d'espoir quelques heures auparavant :
- Peuple de la Terre, je vous ordonne de retrouver le démon qui a voulu vous empoisonner l'esprit. Pour cela, sur chaque mur, écran et fenêtre, un portrait du coupable sera affiché. Pour chaque semaine où elle restera cachée, j'exécuterai mille personnes.
Encapuchonnée dans une ruelle, la femme disparut dans l'ombre, un sourire accroché aux lèvres.
C'est ainsi que la chasse commença. On amenait les membres de sa propre famille aux gardes et la moindre ressemblance devenait un prétexte au massacre. Et comme toujours, personne ne sentit une once d'envie de se rebeller. Donner une raison de les tuer à des esclaves était déjà beaucoup après tout.
Deux semaines passèrent, deux mille exécutions. La coupable s’était évanouie dans la nature et pourtant une rumeur courait : la fugitive passait derrière les gardes et tuait au hasard les passants qui se trouvaient sur son passage. Alors, l'improbable se produisit. Le peuple se rebella, non pas contre leur tyran mais contre celle qui, en plus de voler leur dirigeant, les massacrait par pur plaisir.
Le jour de la troisième exécution, elle apparut sur l'estrade où les condamnés montaient pour se faire assassiner. Elle se plaça devant les victimes à genoux pour regarder droit dans les yeux le roi qui tenait un des fusils servant à son massacre hebdomadaire. Le roi, satisfait, s’exclama :
- Toi, démone, tu as laissée mourir deux mille membres de mon peuple après leur avoir fait croire que tes actes valaient mieux que les miens. Eh bien, demandons leur qui de nous deux est le Diable.
Le lourd silence laissa place à la révolte des habitants contre la voleuse. Dans ce vacarme, des voix qui ne semblaient avoir plus rien à perdre montaient, plus fortes. Ces plaintes désignaient Lios comme coupable.
Devant ce nouveau mouvement, la criminelle s’adressa au roi :
- Vous savez quel est votre problème ? Si un homme vous donne du pouvoir, cela signifie pour vous que toute la terre vous est redevable. Alors je suis ici pour vous rappeler la vérité : vous ne valez pas mieux que les gens que vous choisissez de tuer.
Sur ces mots elle se mit devant le roi et parla au peuple.
- TAISEZ-VOUS !
Le silence se fit et plus personne n’osa bouger.
- N'avez-vous pas honte ? Je m'appelle Anna et je suis plus forte, intelligente et vivante qu'aucun d'entre vous. Je suis forte parce que je n'ai plus peur de rien. Je n'ai plus peur car j'ai compris qu'il vaut mieux mourir en se sacrifiant que de baisser la tête devant la volonté d'un imbécile. Je suis plus intelligente car je comprends que le monde peut être changé en un instant et que l'espoir peut dominer n'importe quelle arme. Vous oubliez qu'un fusil peut être cassé mais pas une âme, qu'une parole peut changer une vie et qu'un murmure a le pouvoir de modifier le destin. Je suis plus vivante car je choisis de n'obéir qu'à la justice et non au pouvoir d'un Dieu autoproclamé.
À la fin de ce discours, elle tua ses opposants et le dictateur. Le massacre terminé, elle disparut sans laisser de trace. Seules des rumeurs coururent sur des meurtres atroces n’ayant pour victimes que des hommes répugnants. Alors les chuchotements devinrent légendes, associant la meurtrière à la cruauté de ses victimes.
Depuis ce jour, ce pouvoir fut nommé malédiction de Lios. Son mythe fut conté dans les Mondes entiers pour ne jamais oublier que cette Capacité sera utilisée sans aucune retenue face à la folie des hommes.
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