Je tiens à vous fournir à l'occasion de ce chapitre le Préambule, qui a fait de la FLRA une organisation officielle, avec des statuts précis, illustrant ces aspirations.

« Préambule de la Lowell Female Labour Reform Association

Considérant que nous, les agents de Lowell, estimons qu'à l'époque actuelle de l'amélioration, rien ne peut échapper au regard scrutateur de la réforme ; et quand les hommes commencent à se demander pourquoi l'Ouvrier ne tient pas cette place dans le monde social, moral et intellectuel, qu'un créateur généreux l'a conçu pour occuper, la raison est évidente. Il est l'esclave d'un état de société faux et avilissant. Notre Père Miséricordieux, dans sa sagesse infinie, n'a certainement pas accordé toutes ses bénédictions, à la fois mentales et morales, à quelques privilégiés, sur lesquels il a également comblé tous les dons pécuniers. Non ! à nous tous a-t-il donné des esprits capables d'une progression et d'une amélioration éternelle !

Il ne nous reste plus qu'à nous débarrasser des chaînes qui nous enchaînent dans l'ignorance et la servitude et qui nous empêchent de nous élever à cette échelle d'être pour laquelle Dieu nous a conçus.

Mais comment cela se fera-t-il ? Comment la masse s'instruira-t-elle ? Avec le système de travail actuel, c'est impossible. Il doit y avoir des heures raisonnables pour le travail manuel, et une juste portion de temps allouée pour la culture des facultés mentales et morales, et aucun autre moyen ne peut concrétiser le grand travail qu'il a accompli.

Nous savons qu'aucun emploi n'est respectable, tant que ceux qui sont employés ne seront  pas considérés comme intelligents et moraux, ils ne peuvent que mériter la compagnie et l'estime de leurs semblables. Il est évident qu'avec le système actuel de travail, les esprits de la masse doivent rester incultes, leurs mœurs non améliorées et notre pays inondé de vices et de misère !

Verrons-nous, Agents d'Amérique, le pays où la démocratie prétend être le principe par lequel nous vivons, et par lequel nous sommes gouvernés, voir augmenter chaque jour le mal qui sépare plus largement et plus efficacement les quelques privilégiés et les malheureux nombreux, sans un seul effort de progrès ? Dieu pardonne ! Que les filles de la Nouvelle-Angleterre allument l'étincelle de la philanthropie dans chaque cœur jusqu'à ce que son éclat remplisse toute la terre !

En considération de quoi nous adoptons la Constitution suivante :

De l'art. 1er. Cette association s'appellera Lowell Female Labour Reform Association.

De l'art. 2d. Cette Association est dirigée par les dirigeants suivants : "Président, deux vice-présidents, un secrétaire, un trésorier et des administrateurs du conseil d'administration, au nombre de huit".

De l'art. 3d. Il sera du devoir du président de présider les réunions de l'Association et du conseil d'administration, et de convoquer des réunions spéciales chaque fois que trois membres de celle-ci en feront la demande.

De l'art. 4ème. Il incombe aux vice-présidents de présider en cas d'absence du président.

De l'art. 5ème. Il est du devoir du secrétaire d'être présent à toutes les réunions de l'Association et d'être prêt à lire les délibérations de la dernière réunion, sur demande. – Aussi, de tenir une comptabilité correcte des affaires de l'Association.

De l'art. 6ème. Il sera du devoir du trésorier de recevoir tous les fonds versés au trésor et d'en tenir un compte correct, ainsi que de payer toutes les factures présentées par l'Association et signées par le président et le secrétaire.

De l'art. 7ème. Il sera du devoir des Administrateurs de présenter tous les plans d'opération à l'Association et d'assister dans tous les travaux de celle-ci.

De l'art. 8ème. Toute personne signant cette Constitution s'engagera littéralement à travailler activement pour la Réforme dans le système de travail actuel.

De l'art. 9ème. Les membres de cette Association désapprouvent toutes mesures hostiles, grèves et démobilisations jusqu'à ce que toutes les mesures pacifiques se révèlent avortées et alors qu'il est du devoir impérieux de chacun d'affirmer et de maintenir cette Indépendance que nos braves ancêtres nous ont léguée, et scellée de leur sang .

De l'art. 10e. La présente Constitution peut être modifiée et amendée par un vote des deux tiers des membres présents, à condition que l'amendement soit proposé lors d'une réunion précédente. – Il appartiendra au Conseil d'Administration de réviser les Statuts lors de l'Assemblée Annuelle de choix des Dirigeants, qui se tiendra le premier mardi de janvier.

Les officiers suivants ont été choisis en janvier 1846.

Sarah G. Bagley , présidente.
Hannah C. Tarlton,
Mary Emerson,
Huldah J. Stone , Rec'g. Sec'y
Sarah A. Young , Cor Sec'y
Mary AK Tarlton , trésorière
Clumena Butler,
Mlle Gilman,
Asbey Kemp,
Catherine Maxey,
Mary J. Robinson,
Eliza J. Simpson,
Elizabeth L. True,
Elimira B. Stone.

1846.02.27 »

Ce texte détient une certaine dimension religieuse, guère surprenante, au regard de la force de la foi au cœur de la société étasunienne.

Toutefois, la façon dont les ouvrières ont fait ressortir la religion semble fort intéressante, aussi bien sans doute empreinte de sincérité que de stratégie. Autrement dit, c'est rallié tactiquement la religion à leur émancipation, contrairement à ceux qui promouvaient leur soumission au sein du jardin d'Éden des usines.

Par ailleurs, il faut mesurer la trempe façonnant ces quatorze femmes, osant signer ce Préambule, ne serait-ce pas celles qui ont pu porter fièrement des cibles, à la manière de Rashida Tlaib de nos jours.