La fin progressive de l'apartheid sonna le retour de ce pilier du combat à Paarl. Le syndicat FCWU lui a enfin bâti une maison digne, afin que la militante puisse atteindre apaisement et sérénité, au cœur du canton de Mbekweni à Paarl. Elle fut loyale à la lutte syndicale jusqu'à ce que l'âge l'en empêche.

Holly Y. McGee achève son livre par un épilogue empreint d'envolées lyriques, et ce qui m'apparaît comme une pointe d'idéalisme sur ce qu'est le régime sud-africain, du moins c'est bien ce que lui aurait rétorqué Winnie Mandela de son vivant :

« Lala kahle, qhawe la maqhawe (reposez-vous bien, héros des héros)

Cinq mois avant son 91e anniversaire en 2009, Elizabeth Rokie Mafeking est décédée chez elle, à Mbekweni, dans la province du Cap occidental, en Afrique du Sud, terre de son cœur et de sa naissance. Elle était entourée de quatre de ses enfants adultes, de plus d’une douzaine de petits-enfants et d’arrière-petits-enfants, de membres de la famille élargie et de partisans bien-aimés de la collectivité. Mafeking a consacré toute sa vie d’adulte à la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud, et dans les derniers moments de sa vie, elle savait que ses décennies de sacrifice n’avaient pas été vaines. Mafeking a vécu pour voir le système de l’apartheid s’effondrer, ses rêves de longue date d’une Afrique du Sud équitable et non racialisée prendre vie, et que ses enfants héritent de la possibilité de vivre leur vie avec dignité et respect dans la terre de leur naissance. Les funérailles d’Elizabeth Mafeking ont été un témoignage émouvant de sa vie bien vécue.

Plus de deux cents personnes en deuil, dont certaines d’aussi loin que le Lesotho, se sont rendues à Paarl, dans la municipalité de Drakenstein, pour célébrer la vie de Mafeking pendant deux jours. Un flot de représentants d’organisations locales et nationales ont pris la parole devant la foule de deux cents personnes, chacune offrant ses condoléances à la famille Mafeking. Beaucoup diront "nous sommes avec vous dans votre douleur" ».

L'historienne retranscrit les mots du révérend Lewin, qui a célébré ces funérailles, même si une dimension religieuse et donc fortement méliorative d'Elizabeth en découle, un soupçon de vérité aussi :

«...

"Quelle femme et quel témoignage, Jamais elle ne s'est permise d'être rancunière ou amère. Elle a donné son cœur, elle l'a donné tout entier, (et) elle a ouvert son sac à main et sa poche pour les autres. Elle a fait ce qu'elle a pu. Malgré la méchanceté de l'État d'apartheid et sa réponse brutale à ceux qui lui ont résisté, Ma Rokie n'a jamais cessé d'espérer que demain serait meilleur qu'aujourd'hui. Elle n'a jamais laissé les années tuer ses espoirs. Comme c'est merveilleux que Dieu lui ait permis de vivre pour assister à l'aube d'une Afrique du Sud libre et démocratique", Révérend Lewin.

Le révérend Lewin imaginait que "même dans ses moments les plus sombres, Ma Rokie n’a jamais cessé" d’avoir la foi, et que sa vie de service et de dévotion a été bien et vraiment récompensée par sa capacité à voir naître une nouvelle Afrique du Sud. Le révérend Lewin a conclu ses remarques sur la vie d’Elizabeth Mafeking en imaginant ses derniers moments, lorsque « son âme et son esprit étaient en parfaite harmonie ». Mafeking était sans doute capable d’élever son visage sans honte en présence du Seigneur, de pardonner à ses oppresseurs, et de dire, "Dites-leur que même si l’Histoire n’enregistre rien de ce que j’ai dit ou fait, ce n’est pas grave pour moi, parce que j’ai trouvé une place plus élevée." Elle a fait ce qu’elle a pu ».

Elle a fait ce qu'elle a pu, certes, et elle en a déjà tellement fait notre chère combattante Elizabeth Mafekeng.