Chapitre 18
Une balade de deux heures par jour ce n’est vraiment pas assez, soupira-t-elle alors qu’elle arrivait devant son quartier. Elle entreprit de fouiller son sac à la recherche de ses clefs.
Après deux minutes de recherche appliquée, elle s’agaça et posa son sac à terre. Là, elle entreprit de le vider totalement pour retrouver ses maudites fuyardes. Pour finalement trouver qu’elle était juste là.
Elle passa devant une caméra, et s’arrêta pour la fixer avec défi. Puis sans aucune gène, elle lui fit un geste obscène.
Qu’est-ce qu’elle pouvait détester ces caméras et tous les voyeurs qui sont derrière ! Il en avait installé deux devant chez elle. Soi-disant, par mesure de sécurité, mais faite c’était surtout pour la surveiller comme si ce collier ne suffisait pas.
La seule chose qui lui remonta le moral c’est le souvenir du visage de Faith quand elle lui avait annoncé qu’elle lui en devait une. C’était hilarant. Cette femme détestait vraiment devoir une faveur à quelqu’un. Un comble pour une personne qui adore autant qu’on lui en doit.
Son voisin arrosant ses plantes la dévisagea et continua à la suivre de son regard. Cet homme ne savait vraiment pas se tenir. Puis, elle entendit la femme de celui-ci l’incendier.
Alors qu’elle jetait un coup d’œil en arrière pour voir la scène, quelqu’un lui rentra dedans.
Déséquilibrée, elle tomba sur les fesses. Et bien bravo. Tu n’es vraiment pas doué. On lui tendit une main qu’elle attrapa pour se relever. Ses yeux étaient incroyablement gris, presque argenté. Elle bredouilla des excuses. Puis il lui répondit quelque chose, mais elle n’entendit pas bien. Ces oreilles se mirent à siffler très fort. Un son assourdissant. Mince, elle était si mal tombée que ça ? Ou était-ce cocktail qu’elle avait bu qui remontait ?
— Excusez-moi je ne vous ai pas entendues. Vous avez dit ?
— Je vous demandais si vous n’auriez pas vu ma chienne, Louka. C’est un petit Yorkshire, très mignonne avec un petit collier rouge. Elle s’est enfuie. Je la cherche depuis au moins une heure.
— Oh ! Non je n’ai vu aucun chien, je suis désolé.
— Ce n’est pas grave, merci quand même.
Elle continua son chemin. Soudain, une crise de chaleur la prit. Bon sang de phénix, c’était le cocktail, maintenant elle en était sûre. Cette saleté d’incube ne supportait pas la concurrence de son charme. En même temps, elle aurait dû s’en douter avec un nom pareil. “Le mortel Désir “ elle aurait dû se méfier.
Elle souffla un instant et quand les chaleurs disparurent elle continua sa route vaseuse.
Elle s’approcha de sa maison étroite à deux étages était coincé entre deux autres maisons mitoyennes.
En entrant, elle caressa du bout des doigts le dos des livres de son étagère dans l’entrée. Elle y avait mis tous les livres de divertissement.
Fiore s’arrêta devant l’un se nommant « Prophétie d’Ankarla ». Elle fit basculer le livre familier dans sa main et se mit à le feuilleter de nostalgie. Rien de bien concret et suffisamment mystique pour attirer son public avec des fins du monde, élu à la blonde chevelure, retour des forces maléfiques, déséquilibre, d’épée sacrée à libérer de son sommeil.
Fiore sourit et se parla :
— Ça m’a toujours amusé ce genre de légende. Imaginons qu’un jour ce soit vrai et que cela se réalise comme l’avait prédit le prophète ?
Elle rigola devant l’absurdité de la chose. Les visions d’avenir étaient bien trop complexes pour que l’on puisse prévoir un futur aussi lointain.
Elle rejoignit le salon dont les murs étaient tapis de bibliothèques débordant d’ouvrage plus ou moins précieux. D’étranges objets aux allures mystiques pendaient et étaient exposés de toute part. Presque tous étaient faux, de simple attrape touriste. Fiore avait décidé depuis longtemps que puisque qu’on le la voyait que comme une sorcière et non une personne, autant joué le rôle à fond. Elle s’amusait à jouer avec les clichés aussi pentacle, balai, bougies, chaudron s’entassait chez elle. Et étrangement, on la prenait plus au sérieux, en jouant avec les croyances des gens, ceux-ci venaient la voir persuadée d’avoir à faire à une vraie sorcière. Alors que si elle avait une maison banale aux meubles modernes les sceptiques t'embêteraient au plus haut point. Il est vrai que les humains aux compétences magiques étaient extrêmement rares. Mais bon, un peu de foi, que diable.
Comme un rituel, elle suivit ses habitudes : retourner les plantes qu’elle faisait sécher pour certains de ses incantations ralluma les encensoirs pour que l’odeur lourde et épicée enfume de nouveau la pièce. Il était temps pour elle de préparer le rituel de ce soir.
Faith l’avait appelé. Elle voulait pratiquer de nouveau un rituel de recherche à grande échelle tout en profitant de la pleine lune. Fiore se félicita de lui en avoir parlé, elle avait obtenu ainsi une nouvelle demande donc une rentrée d’argent. Ça tombait vraiment au bon moment, elle avait repéré un livre rare qu’elle souhaitait absolument acquérir.
Soudain, tout devient trouble et flou. Ses membres devinrent lourds. Elle sentit son esprit s'éloigner de son corps.
Pourtant ses membres se mirent doucement à bouger. Fiore fut d’abord surprise puis curieuse. Avait-elle atteint une magie particulière ? Elle se leva comme une marionnette. Cependant, Fiore n’était pas la marionnettiste. Elle n’avait aucun contrôle. Puis ses mouvements devinrent plus sûrs, plus rapides, plus fluides. Celui-ci animé d’une volonté propre se dirigea vers la cuisine, attrapa dans le tiroir un couteau à viande.
Elle eut un haut-le-cœur. La curiosité venait d’être remplacée par un autre sentiment : la peur.
Son esprit alimenté par l’adrénaline se mit à réfléchir à toute vitesse. Ce n’était une projection astrale, son esprit était juste éloigné de son corps et ne pouvait pas se déplacer à volonté. Et en rien, ne regagnez son corps. Elle était comme constamment rejetée par celui-ci. Un maléfice ? Peut-être. Mais lequel ?
Son corps se redirigea vers le salon où il dessina un pentacle des plus obscur.
Elle hurla de toutes ses forces toutes les formules qui lui vinrent à l’esprit pour se libérer de cette prison. Elle n’avait plus le temps de tenter de comprendre, elle devait s’en sortir. Elle tenta par bien des moyens mystiques de reprendre sa maîtrise de ses membres. Mais en vain. Elle était encore et toujours rejetée par son propre corps. Pourquoi ? Pourquoi me fais-tu ça ? finit-elle par pleurer suppliant son enveloppe charnelle.
C’était autre chose. Quelque chose de plus à part. Peut-être de plus physique… malgré une cinquantaine d’années de connaissance, rien ne lui vint pour s’en sortir. Elle était piégée.
Elle se mit à rire. Mais ce n’était de la joie. Face à son impuissance, ses nerfs lâchaient. Elle riait et pleurait en même temps, incontrôlable.
Puis se disposa autour des bougies, et s’assis au centre.
Fiore sentit son esprit avoir le souffle coupé, elle savait ce qui allait arriver. Elle était terrorisée.
Sa main planta la longue lame dans son ventre. Implacablement, elle s’enfonça, faisant jaillir au passage un liquide vermeil. Fiore pria pour que son esprit ne sente ce supplice, mais on ne lui exauça pas ce souhait. Puis d’un coup sec, la main fit pivoter la lame, pour achever son œuvre.
Fiore sombra regagnant petit à petit son corps. Elle échangeait une prison pour une autre, car son corps se vidant de son liquide vital tomba au sol sans force.
Les larmes de son esprit se mirent à couler sur les joues de son corps.
Ils faisaient de nouveau qu’un, mais pour combien de temps ? Une minute ? Quelques secondes ?
Elle hurla de rage autant qu’elle put pour se donner des forces, il allait payer. Celui qui avait fait ça allait payer.
Ses yeux devinrent noirs, son tatouage s’illumina et une fumée dorée s’en échappa. Fiore se mit à incanter des formules d’une voix grave.
La brume dorée devint de plus en plus forte, on distinguait parfaitement dans ses remous des visages déformés par la douleur.
Ceux-ci se mirent à émettre des bruits perceptibles comme des échos flous, des frémissements sourds, des murmures étranges. Puis soudain, on entendit des centaines de cris venant de visages incruster dans la vapeur dorée. Les yeux de la sorcière prirent une teinte tout aussi dorée et sourit face aux lamentations de ces formes étranges.
Puis tout cessa.
Un lourd silence s’installa. Fiore avait émis son dernier souffle, sa bouche crispée dans une articulation qui n’avait pas pu être achevé.
Immobile, l’inconnu la regardait à travers la fenêtre. Allongée, elle semblait dormir. À travers ses jumelles il ne pouvait voir que le visage et la main de celle-ci, ainsi qu’une flaque de sang. Ses yeux étaient démesurément élargis figés dans un instant d’une abominable terreur.
Une larme coula de son œil. Pauvre petite, elle ne méritait pas cela. Mais elle n’aurait pas dû s’en mêler. Il n’avait pas eu le choix.
Puis il sourit.
Parfait. Tout pouvait continuer. Une jouissance terrible emplit son cœur. Guider par une joie effrénée il repartit en sifflotant.
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