Chapitre 6

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Faith leva la tête, très haut, pour voir ce visage qu’elle connaissait bien. Devant elle une de ces personnes incroyables. 1m90, la coupe afro, finement musclée, de grands yeux noirs reflétant toute sa sagesse, c’était une belle jeune femme. Proche des 25 ans, personne ne connaissait son vrai prénom, mais tout le monde l’appelait «Eho ». Faith l’avait rencontrée grâce à un ami commun, et depuis elle était devenue une amie sincère et une collaboratrice indispensable. En effet, Eho dans son mystérieux passé avait appris la plupart des formes de combat, de tactiques, et l’utilisation d’armes variées… Et sûrement bien d’autres connaissances dont Faith ne savait rien. Une vraie mercenaire, et encore ce n’était rien face à sa plus grande compétence : une tireuse d’élite d’exception. Employée à mi-temps dans le bar de leur ami commun, elle passait le reste du temps à aider Faith, collectionner des armes anciennes et à s’occuper de son horrible Pit Bull du nom de « Lou ». Eho était du genre à ne parler que de l’extrême nécessité, le reste du temps elle maintenant un silence serein. Au cours des années, notre détective avait appris à aimer ce silence et même y développer une certaine communication entre elles sans paroles.

Chacune sourit à l’autre, puis Eho se baissa pour la prendre dans ses bras chaleureusement. La détective avoua « Ne t’inquiète pas je vais bien », sa grande amie se contenta de répondre d’un sourire.

Un appel brisa le silence. Faith décrocha son portable et une voix de femme répondue :

— Oui, c’est Rémy, désolée de ne pas t’avoir donné de nouvelles. J’ai creusé plus loin que je ne pensais. Bon rien de spécial sur le gamin, étudiant à l’université de Nostramonstro plutôt moyen, famille normale, pas d’ennui. Je peux continuer encore longtemps, mais on peut résumer cela facilement : en gros, le gamin il est juste normal. En fait, tu sais combien de suicide il y a par an ?

— Non, répondit peu intéressée la détective.

— Beaucoup et je ne parle même pas de quand j’ai commencé à fouiller les gens morts par accident en tombant de haut, continua-t-elle ne se préoccupant pas du désintérêt de sa collègue trop amusée de se plaindre.

— D’accord, bon quand je peux passer ?

L’interlocutrice s’arrêta net. Bien qu’elle se doutait que l’endroit où elle habitait était connu de cette femme, elle n’appréciait pas l’idée qu’on vienne entrer dans son intimité. Aussi elle rétorqua :

— Non je t’envoie tout sur le cloud commun ?

Faith laissa passer un temps de réflexion avant de demander un peu perdu.

— Le quoi ?

— Tu sais, on en avait parlé… Rémy souffla de désespoir avant de dire, très bien, je te l’envoie par mail.

— On est vraiment obligé de passer par ce machin. Ces trucs ne m’aiment pas, tu le sais.

— De quoi ? La technologie ?

Rémy soupira une nouvelle fois. Qui à notre époque pouvait bien rejeter la technologie à ce point à moins d’être une mamie ou un créatura protraditionaliste.

— Faith faudra que tu t’y mettes un jour. Je ne t’ai pas filé mon ancien ordi pour qu’il prenne la poussière. Tu t’en sers au moins ?

— Un peu.

— On n’en reparlera plus tard. D’accord, on se donne rendez-vous dans un café, mais plus tard. Attends je regarde où vous êtes.

Passant du coq-à-l’âne, la hacker fit danser ses doigts sur son clavier puis regardant son écran d’ordinateur où s’affichaient les images de la caméra en face des deux collègues, se mit à taper une ligne de code lui permettant d’en prendre le contrôle.

— En fait, salut Eho ! Ça va ma belle ? Faites coucou à la caméra.

En coin d’un immeuble, la petite caméra tourna de gauche à droite successivement comme si elle disait non. Les deux femmes se tournèrent jusqu’à voir l’engin. Exaspéré par ce petit jeu de fierté, Faith gronda.

— Rémyyyy !

— Oui, pardon. Faut que tu ailles quelque part avant. Je t’envoie l’adresse par SMS. Tu sais comment ça fonctionne un SMS ?

— Oui quand même.

À moitié convaincue par son amie désespérante, elle continua ses instructions.

— Bon va voir là bas, il y a une caméra qui a filmé le suicide d’hier. T’en profiteras pour faire un tour sur les lieux du « grand saut », la police a enfin déserté l’endroit ce matin.

— Très bien, on s’en occupe.

Après avoir raccroché, les deux amies retournèrent sur les lieux du crime. Le bâtiment d’où avait sauté le gamin était un bureau. Le patron un peu paranoïaque avait fait installer une dizaine de caméras dans le bâtiment dont une sur le toit pour surveiller ses employés. Le gardien avait sûrement bien été forcé de montrer les images à la police, maintenant il fallait le convaincre de faire la même chose pour nous. Pourquoi vérifier soi-même alors qu’il lui suffisait de lire le rapport de la police ? Tout simplement, car Faith n’avait aucune confiance dans les instruments d’analyse de la police surtout quand celle-ci avait des préjugés. Il était si simple de bâcler toute cette histoire, et cela, Faith ne voulait surtout pas que ça arrive.

Entrant à peine dans le bâtiment, elle fut arrêtée par le gardien qui lui interdit le passage. En approfondissant un peu, elle découvrir qu’on lui avait donné une vague description d’une détective à ne pas laisser passer. Faith se retint de grogner il était évident pour elle que la cause était cet imbécile de Wright. En plus de ne pas l’aimer, et c’était réciproque, cet arrogant inspecteur prenait un malin plaisir à lui mettre des bâtons dans les roues qu’elle se faisait un honneur de lui rendre la pareille. Décidant de jouer un peu la comédie elle se fit passer par d’habiles manières pour des employés de l’assurance du défunt. Le garde fut un peu septique, mais une fausse carte et des justifications sur leurs tenues peu orthodoxes suffit à celui-ci. Après tout, il semblait peu à l’aise dans les échanges de paroles. Perdu dans le flot de paroles et l’assurance de cette dernière il lâcha l’affaire, et les dirigea vers une petite pièce éclairée d’une misérable ampoule à cristaux et deux écrans d’ordinateur.

Sur la mauvaise image aux couleurs bleues on y vit le garçon arriver, passer le garde-fou et se jeter. Que ça… Si vite. Rien d’autre. Cela s’était passé si vite.

La thèse du meurtre devenait bien moins concrète dans son esprit. Les pensées fusaient sans qu’elles prennent sens.

Pas de deuxième personne. Rien juste un suicide. Et en parlant de suicide, celui-ci s’était passé extrêmement vite. Pas d’hésitation. Il avait sauté. Notre corps ne fera rien qui pourrait entraver sa survie. Dans un suicide, celui-ci en général agit pour nous empêcher : un réflexe pour nous y empêcher. Tellement autodestructeur. Cela n’avait pas de sens. Alors quoi? Ça s’arrêtait là. Pas d’enquête pour un suicide.

La vidéo confirmait une chose, personne l’avait poussé.

C’était la fin. Impossible.

Serrant du poing de frustration, elle n’abandonna pas son instinct qui lui criait que quelque chose n’allait pas et elle se rendit sur les lieux.

Mais sur place, ce ne fut pas mieux. Le toit était des plus normal, rien pour cacher à l’œil de la caméra un point mort permettant de cacher un magicien. La magie avait bien des distances d’action et de contrôle différents selon la magie utilisée et la puissance du magicien. La plupart du temps, cela se faisait à courte distance, mais là pas de coin pour ensorceler discrètement. Donc, soit le magicien devait être très puissant pour un tel sort de contrôle, qui de plus était un sort très difficile et complètement interdit, soit c’était autre chose. Espérant que sa première théorie soit juste, elle sortit de sa poche une petite boule de métal incrustée de cristaux d’umérium. Une « scanphère » était à la pointe de la « techma » c’est-à-dire technomagie, pourtant les cristaux devenant luminescent au contact des restes de l’aura de la magie restèrent d’un blanc triste. Faith désespérait, une par une chacune de ses pistes disparaissait au vu des preuves et malgré son sentiment que quelque chose n’était pas normal.

Mais à quoi bon ce n’est qu’un pressentiment.

Elle rangea dans sa poche la petite sphère métallique lévitant au creux de sa main.

Pas de magie, donc ce gamin n’avait pas été ensorcelé. Super nouvelle, rumina-t-elle.

Si on continuait ainsi, l’affaire serait classée comme ça.

Elle se demanda pourquoi cela pouvait la gêner autant. Pourquoi cherchait-elle absolument à trouver quelque chose de caché derrière cette histoire. Se moquant d’elle même, elle entreprit la théorie qu’elle éprouvait un soudain élan d'optimisme envers les races qui peuplent ce monde. Était-elle assez naïve pour croire qu’on ne voudra pas assumer sa propre vie et se tuer. Le suicide existe se rationalisa-t-elle.

Comme s’il n’y avait pas assez eu de mort à la guerre, et maintenant ça y est 70 ans après, on oublie. On gâche son existence de chanceux qui ont pu survivre. Quel gaspillage ! Avec la mort, ça cause toujours des problèmes : que ce soit à cause de la guerre, d’un meurtre, d’un suicide… Les familles finissent éplorées, se brisant ou encore s’engueulant pour un héritage.

Debout, sur le toit à trente étages au-dessus des rues, elle regardait la trace laissée par le cadavre en bas qui ne semblait pas avoir réussi a être enlever malgré les efforts des services de nettoyage public.

Dans un dernier élan de rationalisation, elle supposa :

Peut-être est-ce juste que je m’ennuie et que c’est moi qui recherche de la complication où il n’y en a pas.

Eho et elle s’en allèrent, il n’y avait pu rien à faire.

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