Intermède sous Tiersen

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  J'écris beaucoup. Je cherche à déterminer pourquoi. J'écoute actuellement Yann Tiersen et j'étire le temps en m'interrogeant ainsi : c'est un intermède entre mes écrits d'aujourd'hui et ceux de demain. Je crois que je joue. Je m'invente un pays dans lequel les idées jonglent sans raison véritable, avec des faces hilares comme des smileys copains. C'est d'une inutilité valorisante : je me gargarise dans ma liberté d'être invisible et de me pavaner sur cette terre d'invisibilité. Je tiens un sniper entre mes index et j'assassine tous les verbes non consommés. Ainsi j'existe de nouveau, je renoue les lambeaux de mon propre bruit pour que celui-ci me hurle mes serments essentiels : ce n'est qu'un jeu, ce ne doit être qu'un jeu, un jeu bruyant. Les grands enfants ne se taisent plus : ils se crient à eux-mêmes de se taire avec le génie de l'invitation à la parole. Tout parle puisque tout s'est tu ; l'essentiel est là, qui rit dans mes syllabes.

  Le temps me demande encore de l'étirer. Il l'exige comme un clavier en éveil. Ecrire encore quelque chose, ne pas se taire sous prétexte que la parole s'est éteinte. Ceci est un corps silencieux posé dans un entre-deux-jours, comme un pijama barriolé. Ceci dit tout de moi en cet instant. Ma peau me tatoue la peau, c'est un verbe porté sur la portée des secondes que j'étire, que j'étire, que je tiens, comme un choeur féminin sur les notes de Tiersen. Il en faut peu pour que le silence porte en son ventre la poésie d'une parole ; il n'en faut pas plus pour qu'une parole love son corps dans la poésie d'un silence. Je ne dis rien. Je dis tout. Je me tais avec moi-même. La dichotomie a la perfection d'une invisibilité brodée en intermède. Et c'est déjà une phrase, comme offerte au hasard, une phrase à la fonction bancale qui dit "je t'aime" à la vie, parce qu'elle s'y tient debout avec toute la grâce d'y tomber : parce que, de n'être qu'une phrase, elle a déjà tout dit d'elle-même, "je t'aime" est une chute, la plus sincère d'entre les chutes. J'étire le temps pour en allonger l'imprenable centre, je crée des ovales pour l'exposer. Mon coeur est un ballon de rugby brillant sous Tiersen.

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