Les yeux ouverts dans le noir (Intermède sous Tiersen 4)
Je n'ai pas besoin de toujours étirer le temps, de mener cette lutte bavarde et alliénante. Il s'agit souvent de le laisser passer. S'allonger et ne rien faire, être bien ; les yeux ouverts saisissent tant de mondes au sein du noir idéal, la peau trouve tant de vérités à absorber... Se couler en son corps au hasard de ses pensées, se tenir dans son trouble, perdre et gagner ses repères dans l'horizon impénétrable de la vue, chercher à tenir un fantasme mais le lâcher sans crainte, sentir les excitations variables de ses pieds nus, suivre la mélodie, se caresser soi-même, jouer des rythmes décroissants avec ses doigts, sublimer ses sens par l'infiniment lent, saisir d'instinct le mystère immanent de ce que l'on fut : je vibre dans l'opacité des nuits comme une confluence de tous mes éveils.
La musique au charme lointain emprunte les allées Folks des récits adoucis. Allongé sur le lit défait de mes intermèdes, je dénoue mes mots, tisse un drap de présence.
Si ces derniers jours étaient des écrivains, cette nuit les a consumés. Ma plume se dissout dans ma peau comme une ode à l'obscurité totale ; le noir est mon jardin suprême.
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