2. Entre amis

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Lundi 26 novembreASHLEY

Comme je le craignais, l’après-midi fut des plus ennuyeux. À un détail près, j’ai eu tout le plaisir du monde à observer ma belle assistante prendre place à son bureau. Office qui se trouve être installé juste en face de ma porte, dans un angle qui me permet d’avoir une vue directe sur elle, et les personnes qui s’y présentent. De quoi ravir mes mirettes, lorsqu’elle se tourne pour attraper un dossier dans les placards disposés, derrière elle.

Tant l’ennui a été présent et profitant de quelques minutes de répit, je me suis permis de la faire venir dans mon bureau sous prétexte d’avoir besoin d’un dossier. J’ai ainsi pu l’observer de plus près et en apprécier davantage ses traits. Son visage hésitant, et ses sourcils froncés alors qu’elle se perdait dans ses pensées, un instant. Ses joues se teintant d’un beau vermeil la seconde d’après, quand elle a repris conscience. Elle m’a rappelé cette fille d’un temps ancien, et une pique de douleur a fini par frapper mon cœur.

Mauvais souvenir.

Effacé aussi vite qu’il est apparu, remplacé par la vision satisfaisante des courbes de la demoiselle quand elle a quitté la pièce à toute vitesse. J’en salive encore tant c’était bandant. D’accord, je l’avoue. C’est totalement ingrat de profiter de ma position pour pouvoir fantasmer. Mais, il faut bien se le dire, qui pourrait se retenir d’admirer un corps sensuel comme le sien ? Des fesses rebondies et mises en valeur par ce pantalon noir push-up, accompagnées d’une généreuse poitrine et cette silhouette… j’en perds mes mots.

— Concentre-toi, merde !

Je râle. Porte mon attention sur les derniers mails à envoyer, mais je suis détournée de mon écran quand je perçois au loin le tintement distinct de l’ascenseur. Mes yeux se braquent tout de suite sur ceux de Cassie, tels deux aimants. Mon regard quant à lui se perd dans cet océan clair. Ma noyade dans ses iris translucides est alors comme un soulagement qui déride mes traits. Et au moment où les portes se referment sur elle, je ne peux que constater la surprise dans sa posture.

Son corps s’est arrêté. Le bras tendu vers la manche qu’elle tentait d’enfiler en pénétrant dans la cabine, ses cheveux bloqués sur son épaule gauche et sa lèvre inférieure mordue tant elle était plongée dans l’exécution de ses gestes. Et enfin, cet air presque enfantin qui a su sans que je ne sache vraiment comment m’arracher un sourire sincère. Le premier depuis bien trop longtemps maintenant. Une longue expiration et c’est la douche froide.

Merde… Cette fille, elle me déroute.

Je me racle la gorge essayant par tous les moyens de reprendre contenance. L’heure. Il est quelle heure ? Si Cassie est partie, c’est qu’il est temps pour moi de faire de même. Mes deux fidèles complices m’attendent surement déjà dans notre repère fétiche. Un dernier mail et je peux quitter les lieux. Cependant, mes pas sont ralentis alors que je perçois un léger parfum floral, doux et sucré, j’y reconnais bien là l’odeur des fleurs de cerisiers.

— Cette étoile… elle ne me quittera donc jamais.

Non. Elle est même encrée en moi.

La sonnerie de mon portable me surprend, et me ramène par la même occasion à l’instant présent. Ascenseur, parking, voiture et c’est parti pour notre petite réunion de début de semaine ! D’ailleurs, un coup d’œil sur mon smartphone m’indique par le biais d’un message de Vince que lui et Éric sont sur place. Il ne manque plus que moi, pour cette soirée qui conclura à la perfection cette journée. Elle fera fuir, j’en suis sûr, l’ennui pour laisser place à la planification.

À mon entrée dans le bar, je salue Joe, le barman et d’un signe de tête, il m’indique que mes amis sont installés à notre table habituelle. Cet endroit, notre repère comme on aime l’appeler est à la fois rustique et moderne. Une combinaison entre le savoir-faire du bois et la mise en scène de la légende du Loch Ness d’où tire son nom le lieu. Pour cela, Joe qui en est aussi le patron n’a pas lésiné sur les moyens.

Une fresque immense recouvre le mur reliant le bar à la boîte de nuit du sous-sol. Une image qui nous plonge d’un monde à l’autre, du jour à la nuit, et surtout une illustration qui nous fait traverser les profondeurs pour découvrir toute la magie de cet espace. Bien entendu, le plus impressionnant dans cette représentation, c’est l’application qu’il y a eu dans le dessin du monstre légendaire, ce dragon d’eau et de ses détails. Ses écailles, variant d’un bleu électrique à un vert pomme éclatant. Je rêverais de travailler avec l’artiste à l’origine de cette œuvre.

Mais son identité reste un mystère pour moi.

Pourtant, cette étoile surmontée d’un « Stella » tout en volupté me semble familière. Et outre cette signature particulière, ses œuvres apparaissent de plus en plus en ville, elles sont remarquables entre toutes. Presque magiques. Cachant un double sens, nous révélant leur première face, le jour pour mieux nous impressionner la nuit venue. De couleurs nuancées, de camaïeux en dégradés, nous passons à des univers phosphorescents sous la forme de lignes fines. Un parfait équilibre entre douceur et force. Les deux faces d’une même pièce.

Admirant une dernière fois les tracés du lézard géant, je m’imagine conclure un contrat avec son auteur. Mais revenons-en à nos moutons ! Je ne suis pas ici pour le boulot, pas ce soir. Et d’ailleurs, Joe m’adresse un large sourire avant de me tendre mon verre de whisky habituel lorsque j’approche de son comptoir. C’est un serveur en or, et puis je suis un TRÈS bon client. Ma boisson en main, je prends la direction de notre table.

Placée dans un coin stratégique de la salle, assez près du buffet pour être servi dès que nos verres sont vides. Le tout avec une vue imprenable sur l’entrée. Le spot idéal ! On ne sait jamais qui peut s’y présenter, alors on se doit de se tenir préparer à toute éventualité. Qui sait ? Peut-être qu’une nouvelle case de mon calendrier pourrait y faire son apparition. Ce ne serait qu’un défi de plus dans ce jeu de séduction que j’adore.

— Enfin te voilà ! m’interpelle Éric quand je pose mon cul sur le siège qui m’est réservé.

— Désolé, j’ai eu un léger contretemps. Et surtout, une arrivée des plus alléchantes au bureau.

— Ta nouvelle assistante a fait son entrée ? J’espère l’avoir bien choisie, énonce Vince en tapant mon épaule de sa main, avec un sourire suspect.

— Elle. Est. Parfaite. Je dois remercier mon directeur des ressources humaines pour cette trouvaille, dis-je en levant mon verre vers mon ami. Et elle arrive pile au bon moment, il ne me manque plus qu’à ouvrir la porte de sa case pour la savourer.

Mes deux amis de toujours m’observent avant d’éclater de rire. Ils ont compris mon sous-entendu. Pas besoin de leur faire un dessin. En même temps, je suis loin de la délicatesse. Je l’ai perdu sur le parcours de la vie, elle a disparu quand j’ai échoué à l’une de ses épreuves. Vince en est le premier témoin. Il est aussi celui qui me connaît le mieux, moi et mes sales manières avec les femmes. Et puis…

C’est lui qui a recruté ce petit bout de femme qu’est Cassie. D’ailleurs, je me demande encore comment il arrive à supporter tous mes vices et mes travers. En commençant par mon jeu des vingt-quatre jours. Lui qui est tout le contraire de moi, du genre posé et gentleman. Ce qu’il aime le plus ? Prendre du temps avec la femme qu’il séduit, apprendre à la découvrir à chaque étape. Là où moi, je préfère profiter de l’instant, sentir la peau tendre et chaude d’une femme contre mon corps, me délecter de son épiderme avant de partir à la conquête d’une nouvelle femme, une fois mon but atteint. Du sexe sans lendemain. Un mode de vie que j’ai adopté, il y a quelques années. Depuis…

Merde !

Éric, lui ? Il est comme moi, en moins éduqué. Brut de décoffrage. Nous deux, on s’est rencontré durant ma licence de commerce. C’est un fan des nombres, et le meilleur comptable qu’on puisse rêver d’avoir. Enfin… Si on oublie ses moments frivoles dans le local de la photocopieuse. Quelle idée d’embaucher un chaud lapin comme lui ? La meilleure que j’ai eue ! Nos comptes sont au top ! Et notre trio infernal ? Plus inséparable que jamais. Même si Vince perd parfois son temps en tentant de nous faire la morale.

Acte vain. Malheureusement.

Mais il parvient encore à nous supporter, alors je lui tire mon chapeau.

Un soupir m’échappe quand je remarque Anna, une fille aussi superficielle que vulgaire, avec qui j’ai couché, il y a de ça quelques mois. Une folie ! Une erreur même ! Cette fille est un hybride entre furie et sangsue. Sa seule qualité, elle fait des merveilles avec sa bouche. Jouant de sa langue comme une déesse. Et il serait difficile de lui retirer cet atout.

— Arrête de la fixer ! Elle va venir nous voir, me chuchote Éric en me donnant un coup de coude.

— Il ne manquerait plus que ça ! Et à ce propos, j’ai un calendrier à programmer et une petite brunette dont je ferais bien mon quatre-heure. Ou du moins, mon premier décembre. Il ne me manque plus qu’un bon plan pour la faire craquer. Le pire, c’est que le premier tombe un dimanche cette année…

— Ce n’est pas un problème pour toi, si ? Sauf, si tu t’es ramolli du slip ! rit Vince en me donnant un coup dans l’épaule.

Ces deux-là se sont donné le mot ce soir. Entre les coups de coude et les tapes sur l’épaule, je suis servi. Les meilleurs amis du monde ! Mais faut que je me l’avoue, je les adore. Je ne sais même pas ce que je deviendrais sans eux. En tout cas, mon quotidien serait bien triste, à en mourir. En revanche, ça, je ne le leur avouerais jamais ! Sinon, ils en seraient trop fiers.

Nous trinquons pour la troisième fois, lorsque mon regard est happé vers de longues jambes fines qui passent la porte du bar. Me redressant sur mon fauteuil, j’attire l’attention de mes deux amis qui tournent leur tête vers l’objet de mes contemplations. Le premier ouvre la bouche, subjugué alors que Vince, lui, hausse les épaules avant de lâcher un petit : « pas mal, la petite nouvelle ». Intervention qui lance une réaction en chaîne.

— C’est elle, ton assistante ? hurle Éric avec sa discrétion légendaire.

Je n’ai d’ailleurs pas le temps de lui répondre qu’une vague de cheveux bruns virevolte pour laisser apparaître le visage rayonnant de Cassie. MERDE ! Ce regard… Elle me sourit avec un hochement de tête avant de partir un peu plus loin dans le bar. Ses courbes, c’est un enfer ! Nous l’observons rejoindre un petit groupe, composé de trois jeunes femmes et de deux mecs, entre lesquels elle s’assoit ce qui n’annonce rien de bon à mon affaire.

— Elle est canon, la petite ! s’extasie Éric en me donnant une fois de plus un coup de coude.

Super ! Je vais avoir une jolie marque verdâtre au niveau des côtes si ça continue. Mais mon ami s’en moque, il préfère continuer l’analyse de celle qui sera ma future proie. Et comme à son habitude, lui et la discrétion ça fait deux. La preuve, il hurle à nouveau attirant l’attention des amis de Cassie qui l’incitent à fixer son regard sur nous. Je suis ravi ! Enfin…

Levant la main pour frapper le haut du crâne de ce gaffeur invétéré, je suis happé par le sourire qui illumine le visage de mon chocolat en devenir. Et au moment où je sens mon visage lui répondre sans que j’en aie le contrôle, de manière presque naturelle, nos regards sont séparés par le serveur qui se pointe à sa table. MERDE ! Il ne pouvait pas choisir un autre instant ? Non, il faut bien sûr qu’il me barre la vue !

Génial ! Ma main encore en l’air une seconde avant, tombe avec fracas sur le plateau de la table. Qu’est-ce que c’est que cette sensation ? Ce pincement au centre de ma poitrine, cette étincelle qui s’allume, ce nœud qui se loge au creux de mon ventre, je croyais ne plus jamais les éprouver. Pourtant, je les ai sentis. Un instant. Une minute. Le temps d’un regard, d’un sourire, mais heureusement, cela n’a pas duré. Un sentiment éphémère que je m’efforce d’oublier, d’étouffer de peur d’exploser.

Putain…

Reprends-toi ! Mes doigts tirent sur mes cheveux, sale manie, puis ils foncent se placer autour de mon verre. Une gorgée, il me faut boire une longue gorgée de ma boisson pour enfin reprendre mes esprits. Ça fait mal, merde… Éric qui perçoit mon malaise me taquine quelque peu. D’ailleurs, je profite de sa bonne humeur pour me remettre les idées en place. Eh ! Ma mission de la soirée ? J’ai bien failli l’oublier, la faire passer à la trappe ! Hop, mon portable est aussitôt de retour dans ma paume.

Je parcours l’écran à la vitesse de l’éclair, et ouvre ma complice du mois à venir. Une petite application qui fait des merveilles, ou plutôt qui permet de s’organiser le meilleur calendrier de l’avent qui soit. Vince m’examine en silence tandis qu’Éric se penche sur mon épaule avec un clin d’œil en comprenant ce que je trafique. Je compte sur vous les gars. Ils sont parfaits pour cette première étape : planifier mon calendrier de l’avent !

*

CASSIE

C’est une blague ! Cette journée est sous le signe de l’enfer ? Une malédiction me poursuit ? Non, je dois juste être maudite. Oui, ce doit être ça. Sinon, comment je pourrais expliquer qu’en un jour seulement, je me retrouve à bosser avec monsieur CONNARD et que le soir venu, nous nous croisons dans le même bar ? Mon cœur en a raté un battement alors qu’Eliott et Cole me poussaient à entrer dans le Loch Ness.

Bien sûr mon regard a de suite, percuté celui du beau blond qu’est Ash. Sans rire, il fallait qu’il soit là ! Et moi, comme une idiote, mes lèvres se sont étirées pour lui sourire. Radieuse, mais les sourcils froncés. D’ailleurs, Cole a remarqué ma grimace et d’une tape sur l’épaule d’Eliott, ils se recentrent tous deux autour de mon corps. Génial ! Il ne manquait plus que ça.

Deux gardes du corps !

Mon frère et notre meilleur ami. Un beau duo que je supporte tous les jours depuis… Depuis toujours en fait. Ils se sont connus au berceau, m’ajoutant deux ans plus tard à l’addition. Les trois mousquetaires comme aiment à nous appeler nos parents. Inséparables. « Tous pour un et un pour tous » est notre devise. Un clin d’œil évident à ce fameux surnom que nous trainons partout avec nous. Mais qu’importe ! Ce soir, on est là pour fêter mon nouvel emploi, alors la présence d’Ash ne gâchera pas ma bonne humeur.

— Qu’est-ce qu’il se passe, sœurette ? m’interroge Cole au moment où je soupire.

— Lui.

Je crache ma réponse face au serveur, ce qui ne manque pas de faire rire toute notre table. Merde ! Il se pointe au meilleur instant, me laissant tout le loisir de reprendre ma respiration. Ash et ses yeux me fusillaient sur place, m’empêchant presque de m’échapper. Il aura ma peau ! C’est sûr. Surtout quand je sais que le sourire que j’affiche lui est destiné. Il ne veut pas me quitter, celui-là ! Au contraire, à lui viennent s’ajouter des joues enflammées. Le combo ultime.

— Tu nous la joues, Miss Tomate, ce soir ?

Eliott. Il ne peut pas se taire. Pas quand mon visage prend une teinte carmin et me donne chaud à en avoir honte. Je râle, ronchonne, tends le bras vers ma boisson et reporte mon attention sur les filles qui nous accompagnent. Mes amies d’enfance : Léa, l’intellectuelle ; Audrey, la scientifique et Sandy, notre littéraire en cheffe. Une bande d’individus tout ce qu’il y a de plus simple, mais un beau groupe de farceurs. Je n’ai pas le temps de les analyser plus longtemps que déjà, les émeraudes de l’autre côté de la pièce m’attirent à nouveau.

Et merde

Cette soirée promet d’être longue. J’avale une gorgée de ma boisson, un mélange que j’adore, une vodka Sunrise. Une sorte de pied de nez à l’hiver de ma part. Et oui ! C’est comme un soleil brûlant et chaud au cœur du froid de décembre. Même si décembre ne démarre que dans quelques jours. Cole, lui, déteste ce cocktail et il m’assassine de ses yeux avec son air de dégoût que j’affectionne.

— Tu en veux ? le nargué-je en sirotant ma boisson à la paille. T’inquiètes, elle est en métal.

— Je sais, me répond Audrey sur un ton jovial.

— Non, beurk ! Quelle horreur ! hurle quant à lui, Cole.

Je vous en prie attirez encore l’attention sur nous ! Et bien entendu, c’est ce qu’ils font. Ils ouvrent la bouche et le seul son qui en sort est un rire en chœur. De quoi braquer les projecteurs sur nous. Même ceux des trois compères à l’autre bout de la pièce. Un gyrophare, ça aurait été pareil. Résultat, j’observe sans m’en priver, l’homme en costume que j’aurais souhaité éviter ce soir.

Élégant, sûr de lui.

Mais avec une ombre dans son regard. Des ténèbres que j’ai vues naître. Il a perdu cette lueur que j’aimais tant. Et les tâches dorées qui prolifèrent dans ses émeraudes ne sont que ternes. Merde, Cassie, concentre-toi ! Qu’a raconté Cole ? Noël ? Chez les parents ? Comme toujours, c’est une habitude. Notre appartement sera calme, nous quitterons la ville et rentrerons auprès d’eux pour pouvoir fêter le réveillon en famille. Sous les éclairages multicolores des guirlandes enroulées autour de notre sapin.

— Cass ? Tu nous écoutes ?

— Oui ! Quoi ? Le cadeau pour les parents ? Un voyage dans les îles.

Perdue, mes yeux s’écarquillent comme des billes quand leurs rires éclatent. J’ai recommencé. Me suis déconnectée de la réalité et ravive les moqueries de mes amis. Léa est la seule qui pose sa main sur mon bras, passant devant le buste d’Eliott, comme pour me rassurer. Aurait-elle vu ? Je l’examine, elle penche la tête avec un regard rassurant. Oui, elle sait. Elle l’a surement reconnu. Il n’a pas tant changé que ça. Il a juste pris quelques centimètres et en masse.

Oui. Juste plus de muscles…

Ses bras me semblent plus ferment et sa chemise est tendue sur ses pectoraux qui me paraissent durs, même vu, d’ici. Sa cravate bleue électrique a disparu, et un bouton ouvert me laisse apercevoir sa peau dorée. Un frisson grimpe le long de mon dos. Mais je suis rattrapée, happée trop vite vers la commissure de ses lèvres charnues. Mordant instinctivement les miennes. Un réflexe ? Peut-être.

— Tu mates qui de cette façon ? Tu nous sors l’artillerie lourde, Cassis ?

Eliott, encore. Il a la fâcheuse manie de me sortir de mes rêveries.

— Ne m’appelle pas comme ça !

— Comment ? Cassis ? Pourtant, c’est bon le cassis.

Il me taquine, c’est son jeu préféré. Surtout quand il sait que je ne riposterai pas. Non pas parce que je n’en suis pas capable, mais parce que nous avons des témoins. Et je n’ai pas envie de me donner en spectacle, surtout pas devant ASH. Encore ! J’arrête, il le faut. Je vais boire, vite ma paille ! Et bien sûr, comme ils ne sont rien l’un sans l’autre ou juste pour me charrier un peu plus, Cole m’arrache mon verre des doigts pour goûter de ma boisson.

— Rends-moi ça ! crié-je en agrippant le bras de mon frère.

Lui, je n’ai aucune honte à l’attaquer ! Non, mais ! En plus, il déteste la vodka, alors pourquoi il me vole mon précieux breuvage ? Je secoue son bras en même temps qu’il tente d’avaler une gorgée, et la minute qui suit, nous le voyons tousser comme s’il allait mourir. Bien fait ! Un, deux, trois. Non, c’est bon. Il ne meurt pas. Sauvée ! Les conversations reprennent, je participe de bon cœur, demandant à Sandy et Audrey où en sont leurs projets. Et me réjouissant pour Léa qui a trouvé la maison dont elle rêvait depuis si longtemps.

Seule ombre au tableau : mon regard qui ne cesse de croiser le sien.

— Cass, pourquoi il nous fixe LUI, là-bas ? Il veut notre photo ? demande Cole les mâchoires serrées.

— Il est plutôt agréable à regarder, ajoute Audrey.

— Agréable ? J’en ferais bien mon repas ! rit Sandy.

— Ce type que Cassis détaille depuis qu’on est entrés ?

Merde ! C’est la goutte d’eau, signée Eliott. Il a un don pour ça ! Je m’affaisse dans mon fauteuil dans l’espoir de passer inaperçue. Mais c’est peine perdue. Dix paires d’yeux sont déjà sur moi, m’examinant de la racine des cheveux au menton. Ils s’arrêtent d’ailleurs tous sur mes pommettes, ces traitresses ! Il n’y a que Léa pour m’offrir un air entendu et compatissant. Une alliée sur cinq, c’est mieux que rien.

— C’est mon chef.

— Et ? tente Cole pour me tirer les vers du nez.

— C’est… bon OK. C’est Ash.

— LE Ash ? hurle en cacophonie mes amis.

Pas besoin d’une affirmation, un hochement de tête suffit. Tous se retournent et se contorsionnent pour observer le sujet de notre discussion. La discrétion et eux, ça fait deux. Vraiment. D’ailleurs, je n’ai pas le temps de dire un mot que Sandy pointe mon cauchemar de son doigt. Je m’attends au pire. Avec elle, il n’y a aucun filtre, alors autant me préparer tout de suite.

— Tu ne veux pas aller lui demander pourquoi avec ses collègues, ils n’arrêtent pas de jeter des regards vers nous ? Sérieux, ils en deviennent flippants !

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