11. Contrecoup

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Vendredi 30 novembreASHLEY

Merde, ce matin le réveil est plus que difficile. Allongé sous ma couette, je ne parviens pas à me lever, mes pensées tourmentées par les événements de la veille. Pauvre idiot ! Cette fille, elle va me mener à ma perte, pourtant je n’ai pas pu m’empêcher de me lever et de lui courir après. Sauf que… c’était déjà trop tard. Cassie avait été rejointe par son amie et même si j’avais voulu la rattraper, les larmes sur ses joues m’ont cloué au sol.

Pourquoi ? Pourquoi la simple vision de ces sillons humides sur son visage d’habitude si lumineux est semblable à un coup de poignard en plein cœur ? Même encore maintenant alors que je suis chez moi, et que la nuit est passée, je suis hanté par son océan qui déborde. Par ces gouttes d’eau salée qui roulent sur ses pommettes. Mon esprit me hurlait de pousser la porte entre nous, mais mon corps lui m’a obligé à rester sur place. Telle une statue de cire, incapable de faire le moindre geste.

Puis, elle est partie, non sans avoir essuyé les larmes de son visage. D’ailleurs, j’ai cru le temps d’un instant qu’elle m’avait vu, mais non. Elle a tourné les talons et s’est enfuie. Comme moi, il y a de ça, onze ans. Non, Ash, ce n’est pas comparable. Je le sais, mais alors pourquoi au moment où son amie est rentrée dans le bar et s’est arrêtée en me voyant, je n’ai pas agi ? J’aurais pu ! Bordel ! J’aurais dû ! Rattraper Stella aurait été mieux que de passer pour le parfait connard que son frère croit que je suis…

Mais non.

— Tu n’as rien fait. Rien de plus que la dernière fois.

Merde… voilà que je me parle à moi-même. En y repensant, cette fille qui les accompagnait au lieu de me contourner sans rien dire, elle s’est plantée droit devant moi. Ses talons hauts claquant sur le sol pour montrer son assurance, une main sur sa hanche et un doigt pointé contre mon torse. Le temps d’un instant, elle a haussé les sourcils, souri avant d’afficher un air de conquérante. Puis, elle a annoncé la couleur avec de simples mots :

« Tu ne me connais pas, mais moi, je sais qui tu es : Crève-cœur. Crois-moi, si tu lui brises le cœur, je te pourchasserai, t’assommerai avant de t’étriper. Et si ça ne suffit pas, je ferai appel à ces deux-là, là-bas pour m’aider. Parce que si tu n’es pas au courant, l’un d’eux est déjà bien remonté contre toi ce soir, et le second, même si c’est un gaffeur, n’est pas en reste. Est-ce que tu comprends ce que je dis mon petit Poulet ? Bien. Au passage, enchantée, je suis Léa. Retiens mon prénom, on risque de se revoir. »

Une folle !

Et si maintenant j’arrive à en rire, je dois dire que le souvenir du regard menaçant de Cole ne m’a pas rassuré du tout. Heureusement, j’ai été sauvé par Éric qui pour une fois était le bienvenu dans une conversation. Mon sauveur ! Un héros, ce pote, quand il le veut bien et qu’il ne se retourne pas contre moi. Je ricane tout seul, une main tirant sur mes cheveux. Faut vraiment que j’arrête avec cette habitude, je vais en perdre quelques mèches à force. Et je ne suis pas certain que Stella aime les chauves. Merde, qu’est-ce que je dis encore ?

N’importe quoi ! Mais alors… pourquoi cette idée lâche un poids au fond de mon estomac ? Est-ce que j’ai peur de ne pas lui plaire ? Je pourrais ne pas être à la hauteur ? Clairement ! Je ne l’ai pas été la première fois, en quoi aujourd’hui serait différent ? Le calendrier, Ash, ton foutu défi annuel qui se résume à une seule femme cette année… Cassie, Stella, mon étoile. C’est mon objectif.

Et si cette coutume se résume par du sexe et rien d’autre, avec elle, c’est autre chose. Plus fort ? Intense ? Non. C’est évident, comme cette fois-là… quand elle a posé ses fesses en haut des marches du sous-sol et affirmée qu’elle serait ma lumière. Mais ce que je n’avais pas pris en compte à ce moment-là, c’est le seul facteur qui m’a toujours tiré vers l’enfer : ma mère. Une vipère qui d’un claquement peut faire s’effondrer le château de cartes. Un château à l’édifice déjà bancal.

Stella était mon pilier et quand j’ai renoncé à elle, mon monde s’est à nouveau assombri. Son départ, non, MA fuite n’était alors que l’arrivée de toute cette tempête. Oh papa… j’aimerais tellement que tu sois ici, malgré tes défauts, tu aurais su quoi me conseiller. À travers ton air bourru, j’ai toujours su y lire ton amour, même s’il était infime, il me suffisait… Mais tu nous as quittés d’un coup d’un seul sans que personne n’y puisse rien.

— Arrête de t’enfoncer dans tes ténèbres, Ash ! Sors de ton lit et bouge-toi le cul ! me rabroué-je.

Un soupir, une légère claque sur les joues et je repousse la couette loin de mon corps. Le froid m’agresse la peau, mes poils se hérissent le long de mon corps. Un frisson remonte dans mon dos et termine de me réveiller. Nu comme un ver, je pose les pieds sur le sol, m’étire vers le haut, me gratte l’arrière du crâne, frotte mes yeux une dernière fois et pousse sur mes jambes pour me lever.

Je ne prends pas la peine de refaire mon lit, et avance vers le dressing qui se dresse à quelques pas devant moi. Je l’ouvre, analyse mes tenues et m’arrête sur un costume taillé sur mesure, un costume dans lequel il est rare de me voir. La raison ? Il s’accompagne d’une cravate d’un bleu translucide, presque gris qui me rappelle Cassie. Un sourire s’élargit sur mes lèvres quand la silhouette fine de la belle s’affiche sous mes rétines.

Une envie, une pulsion m’envahit alors, mais je n’ai plus le temps pour ça. En retard, je me dois d’enfiler des vêtements si je veux arriver avant dix heures à mon propre bureau. Je crains ! Directeur et même pas foutu d’être à l’heure. Un mauvais exemple, et pourtant, je me délecte d’avance de la réaction de Cassie, oubliant sans mal qu’elle a dû être forcé de décaler mes rendez-vous.

Un gloussement s’évade d’entre mes lèvres pile au moment où mon portable sonne. Merde ! Elle n’aurait quand même pas averti la cavalerie de mon absence injustifiée ? Si ? Non… Ce n’est pas elle, ni même Vince ou Éric. C’est juste la seule personne à qui le proverbe, « moins je te vois mieux je me porte », colle à merveille. Mon sourire parti aux oubliettes, je décroche en actionnant le haut-parleur, histoire d’enfiler une tenue plus décente.

— Mère, grommelé-je les dents serrées.

— Ashley ! Enfin ! J’ai essayé de t’avoir à ton bureau, mais ton incompétente de secrétaire n’a pas voulu transférer mon appel ! Encore une ingénue qui ignore qui je suis ! Heureusement que la réunion à laquelle tu assistes soi-disant ne t’empêche pas de me répondre.

Sa voix criarde m’horripile pourtant je félicite Cassie pour son ingéniosité. Cette fille m’épatera toujours par sa créativité. Mais moi, comme un imbécile, j’ai décroché laissant cette vipère interférer dans mon quotidien… Elle n’en a pas assez de ses visites en début de mois, pour percevoir la pension que mon père a exigé que je lui reverse chaque mois, dans son testament ? Il faut en plus qu’elle me harcèle pour savoir si je vais assister à ses galas de bienséances ! D’ailleurs, lequel est-il aujourd’hui ?

— Avec Marie-Pierre, nous avons convenu d’une entrevue pour que vous vous rencontriez sa plus jeune fille et toi. C’est une bonne famille, et Catherine a une éducation des plus stricte, je suis sûre qu’elle va te plaire.

Même pas en rêve ! Je lui ai déjà dit mille fois que ses coincées du cul de bourgeoises pouvaient rester chez elles. Il faut absolument que je coupe court à cette conversation sinon je ne vais pas avoir d’autre choix que d’accepter, et supporter leurs manières, c’est inenvisageable ! Non, merci ! J’ai déjà donné, et ça pendant des années. Alors si Jack m’a aidé à sortir des griffes de cette vipère, du moins autant qu’il a pu ce n’est pas pour y replonger.

Non ! J’ai mieux à faire !

— Mère, je dois vous laisser. Le graphiste semble avoir un souci avec le dossier. Je vous rappellerais.

— Tu le dis, mais ne le fais jamais ! s’insurge-t-elle alors que d’une pression sur mon écran je mets fin à cette conversation inutile.

Décidément… cette journée n’est pas pour moi. Le pantalon à moitié monté, je grogne et m’acharne sur ma chemise. Mes mains sont occupées et mes jambes enfermées dans le tissu. Je me contorsionne pour tenter de m’habiller en quatrième vitesse, mais la scène se transforme en échec quand mon corps bascule en avant et que mon nez vient percuter le sol. Merde ! Il ne manquait plus que ça !

Me relevant tant bien que mal, je finis de m’habiller et fonce vers la sortie, attrapant au passage un beignet laissé par Éric sur la table du salon. Il est un peu sec, mais ça fera l’affaire. Un manteau, un bonnet, une écharpe et je peux filer. Trois étages me séparent de la rue, trois étages pour me préparer à affronter le vent frais et surtout à faire face aux décorations, aux sourires joyeux et aux musiques ahurissantes de Noël ! Foutues fêtes qui se rapprochent à grands pas

Et dire qu’avant, j’adorais Noël… et mon anniversaire. À présent, j’en ai horreur, trop hanté par des souvenirs douloureux pour vouloir y faire face. Le seul point positif à cette période ? En fait, je ne suis pas certain d’en trouver un seul ! Ou… peut-être. Non. Rien. Enfin, je me dis que cette année pourrait me réserver des surprises, après tout, elle a balancé une étoile filante à pleine vitesse sur moi.

Une étoile qui me perturbe, m’obsède et m’envoûte.

*

CASSIE

Cinq appels !

Il a fallu que cette vipère insiste cinq fois pour que je lui conseille d’appeler son fils sur sa ligne personnelle. Et encore, les mots sont sortis sous un calme dont je ne me serais jamais cru capable. Cette femme est vicieuse, pernicieuse et surtout elle a torturé Ash de la pire des manières. Utilisant son identité pour le détruire à petit feu, instiller en lui l’idée qu’il n’aurait pas dû naître en tant qu’homme.

L’évocation de cette idée amorce un frisson désagréable de ma nuque au bas de mon dos. J’ai du mal à me dire qu’en revenant dans le quotidien d’Ashley, j’ai de fortes chances de croiser à nouveau, Jeanne De Cœur. Drôle de nom pour une femme qui en est dépourvu. D’ailleurs, je me demande comment Richard Terence, lui qui était si doux avec son fils, a pu aimer cette vipère. Mais je n’aurais jamais de réponse. Tout comme Ash qui ne parvient apparemment pas à sortir des griffes acérées de sa mère.

Je grogne sous le tintement du téléphone, il n’arrête pas de sonner depuis que je suis arrivée et l’absence d’Ash n’arrange pas la situation. Surtout quand ça fait plus de deux heures que j’essaie de réorganiser tout le planning pour nous éviter le moindre retard. Appelant même le graphiste pour régler moi-même les derniers détails du dossier Fabre qui se conclut ce soir. Je décroche en soufflant et levant les yeux au ciel.

— Toujours pas, non. Je peux peut-être aider ? demandé-je au graphiste qui semble à bout de nerfs.

— Oui. Non. Écoutez, vous êtes bien mignonne, mais la personne que le directeur cherche est impossible à trouver et le musée n’arrête pas de me harceler pour cette histoire d’œuvre à deux nuances. Je ne sais plus où fouiller ni qui appeler. Et vous ne comprenez surement pas de quoi je parle puisque vous êtes ici depuis lundi seulement.

— En effet. Mais si vous m’expliquez, je pourrais dans la mesure du possible, vous aider. Qui cherche-t-il et pourquoi ?

— Si vous voulez. Mais je ne vois pas comment vous pourriez être utile. Cet artiste est un vrai fantôme. Bon. Par où commencer ? Je ne sais pas d’où lui vient cette obsession, mais notre cher directeur est passionné par ces peintures qui surgissent de nulle part, ici et là, sur les murs de la ville. Vous avez dû les voir ? Ce sont des dessins aux traits fins colorés, vifs qui la nuit venue se transforment en un mélange de tracés luminescents…

Je ne l’écoute plus. Ces dessins, je les connais. Mes doigts en tremblent, mon souffle se coupe et j’essaie tant bien que mal de reprendre possession de mes moyens. Impossible ! Et pourtant… Quand le monologue du graphiste se termine, je ne peux que me rendre à l’évidence. Ash me cherche, il me cherchait, j’ai toujours été dans sa vie sans même qu’il n’en soit conscient.

Et je ne peux pas m’empêcher de prendre la parole juste pour m’assurer que le graphiste parle bien des œuvres auxquelles, je pense. Des tracés à la peinture en bombes, des reliefs étudiés pour rendre la nuit plus lumineuse, des contours qui font des ombres un autre monde, un univers où une étincelle devient merveille. Mince… s’il découvre qui est derrière tout ça, alors il saura que ces peintures, elles sont… Oublie, Cass !

— Celles avec une signature accompagnée d’une étoile ? interrogé-je le graphiste encore à l’autre bout du fil.

— Oui ! C’est ça ! Vous connaissez ?

— Non. Désolée.

Je mens. C’est la seule solution. Ash ne doit pas savoir. Déçu, le graphiste me demande une dernière faveur, celle d’informer Ashley qu’il arrête les recherches. Celles-ci se trouvant toujours face à un mur. Un mur de briques qu’il n’arrive pas à percer quoiqu’il fasse et surtout quoiqu’il propose. Selon lui, l’artiste ne veut pas être connu et le seul élément qu’il a su trouver, c’est que c’est lui qui prend contact avec ses clients et non le contraire.

Et sur ce point, il a raison.

Merde ! Je suis foutue ! Totalement…

D’ailleurs, j’ai à peine posé le combiné que celui-ci hurle de plus belle. Je ne vais pas y arriver ce matin, pas si Ash s’obstine à être aux abonnés absents ! Il est où ? Un nœud se forme dans ma gorge quand je l’imagine enroulé dans les draps d’une femme avec qui il aurait passé la nuit après la soirée d’hier. Soirée que j’ai fui sans un regard en arrière, pourtant, j’aurais juré apercevoir sa silhouette en embrassant les deux joues de Léa avant de la quitter.

Tu rêves ma pauvre !

— Bureau de M. Terence que puis-je pour vous ?

— Encore vous ? Passez-moi mon fils ! Ce petit ingrat vient de me raccrocher au nez et ignore mes appels, je dois lui parler. Notre conversation n’était pas terminée.

Encore elle ? Sérieux ? Elle ne comprend pas le message ? Son fils vient de lui raccrocher au nez, et le premier réflexe qu’elle a, c’est d’insister… Cette femme m’étonnera toujours par sa persistance et son acharnement. De mauvaises habitudes que je serais ravie de lui faire perdre. Au lieu de ça, je soupire et m’apprête à lui répondre quand apparaît devant moi, Éric tout sourire.

Je fronce les sourcils ne comprenant pas ce qu’il veut. Mais lui s’amuse de ma réaction, me fait un clin d’œil avant de m’arracher le téléphone des mains et de le coller à son oreille. Surprise, j’observe son manège, tout en restant perplexe quant à la suite des événements et ce ne sont pas les portes de l’ascenseur qui s’ouvrent sur un Crève-cœur en costume saillant qui me feront dire le contraire.

— Jeanne ! Quelle joie de vous entendre ! Votre fils ? Non, je ne l’ai pas vu. Dites-moi, le salon de thé avec ma mère, ce dimanche vous conviendrez ? Non ! Oh… Vous m’en voyez vexé. Elle sera très triste d’apprendre que la Duchesse ne daigne s’intéresser à son nouveau jouet. Ah bon ? Très bien, faites donc. Au plaisir, très chère ! conclut notre gaffeur préféré avant de se tourner vers celui qui nous rejoint enfin. Ta mère est d’un agréable, c’est… rafraîchissant comme toujours.

— Sale vipère, craché-je entre mes dents.

— Bien envoyé, petite sirène ! hurle Éric en me tapant l’épaule.

Et merde… J’aurais mieux fait de me taire ! Tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de parler, Cassie, c’est la base ! Mais non, il faut toujours que mes mots dépassent les barrières de mon esprit. D’ailleurs alors que je m’attends à subir les foudres d’Ashley, je suis surprise par le son rauque et chaud de son rire. Il se moque de moi ? Vraiment !

Un gloussement, un reniflement, il essuie de sa main le coin de son œil tant il est hilare. Je n’y crois pas ! Il arrive en retard et en plus, il se permet de rire sans honte. Il est conscient que j’ai dû prendre sur moi pour ne pas envoyer sa mère balader ? Bien sûr que oui ! Sinon pourquoi il se calmerait en posant sur moi un regard compatissant, presque désolé ? Merde ! Ses yeux, je m’y perdrais pendant des heures s’il me l’accordait.

Cassie ! Pense à Noël, seulement Noël

Pas à ses lèvres charnues qui s’étirent, pas à son odeur musquée ni à ses cheveux dans lesquels il passe la main. Non ! Surtout pas ! Mais c’est trop tard, mon esprit s’embarque dans des pensées sensuelles, bien trop charnelles alors que la situation actuelle ne s’y prête pas. Bordel, il me rend dingue ! Mais je me dois de résister, pour mon cœur encore en miettes, pour… Moi ? Mais comment expliquer que j’ai à la fois envie de succomber à mes désirs et les fuir comme s’ils allaient me brûler les ailes ?

— Stella ?

— Crève-cœur, grogné-je alors qu’il s’entête à m’appeler par mon surnom.

— C’est le signal pour moi de me barrer !

Éric ! Je l’avais oublié. Pourtant c’est lui qui vient de me sauver la mise avec cette vieille vipère. J’ai juste le temps de lui dire, merci, que déjà Ashley l’attrape par le bras pour le tirer à sa suite dans son bureau. OK. Et moi ? Comme une idiote, je suis pantoise quant à la scène à laquelle j’assiste impuissante, ne trouvant pas le courage d’énoncer le moindre mot.

Alors que le son d’un message me surprend, Ash se retourne vers moi et annonce d’une voix solennelle :

— Tu me feras un point de la situation à midi. Si ma mère tente à nouveau d’appeler, transfère-la-moi. Je ne veux pas qu’elle débarque ici sans prévenir. C’est compris ?

— Ou… oui ! Compris, articulé-je hésitante.

D’un signe de tête, il acquiesce, se retourne et s’enferme avec Éric. Décidément cette situation est déconcertante. Son regard est passé de coléreux à inquiet avant que je n’y décèle de la détermination. Ses mots ont été clairs, précis, sans appel. Tremblante, j’attrape mon portable et envoie un message au groupe. J’ai besoin de savoir qu’ils sont là, que malgré notre altercation de la veille, mon frère me soutient toujours.

Mais il ne répond pas. Seul, Eliott prend la peine de le faire. Lui et son éternelle bonne humeur. Il me rassure, m’assure que la vipère ne peut plus rien contre moi. Pourtant, il ne peut pas en être certain. Elle a déjà réussi à me faire rayer de la liste de toutes les écoles d’arts du Pays… Alors pourquoi ne pourrait-elle pas me jeter hors de cette entreprise qui appartenait avant à son mari ? Merde ! Dans quoi je me suis fourrée, cette fois ? Une impasse. Et alors que mes épaules s’affaissent sous cette évidence, un message d’Eliott me ramène vers ma première mission, celle qui rythme mes journées depuis mardi.

***

Les trois mousquetaires

[Eliott : Tu pourrais lui offrir un Calendrier de l’avent.]

[Cassie : Quoi ? Mais ça sort d’où cette idée ?]

[Eliott : Éric. Hier soir. Après ton départ.

Il nous a dit que Crève-cœur raffole des calendriers de l’avent. Si j’ai bien compris, c’est le seul rituel de Noël qu’il s’accorde.]

[Cassie : Pourquoi ?]

[Eliott : Je l’ignore. Mais avoue, c’est l’occasion pour toi d’avoir un pied de plus vers Noël. Et puis, des chocolats derrière des cases de papiers ne peuvent pas faire de mal.]

[Cassie : Un calendrier, tu dis ?]

[Cole : Je te l’apporte à midi. Mais Cass, n’en fais pas trop.]

[Eliott : Le retour du grand frère. T’en fais pas, mec ! Elle a des alliés là-bas.]

[Cole : Si tu le dis. Bon. À midi, le calendrier. N’oublie pas.]

[Cassie : Tu es sûr ?]

[Cole : Non. Mais tu es trop têtue, alors je préfère être de ton côté. À toute, sœurette.]

***

L’intervention de Cole m’étonne et me rassure en même temps. Après tout, la devise des trois mousquetaires, c’est : tous pour un et un pour tous. Alors au final, je le savais, il ne me laissera jamais tomber. Même quand je m’enfonce dans une histoire de sauvetage de Noël impossible et que celui à qui je veux redonner le plaisir des fêtes est l’homme qui a brisé mon cœur. Il l’avait conquis ce cœur avant de la piétiner, Cassie, tu le sais. Mais ça ne m’empêche pas de sourire bêtement en m’imaginant la tête de Crève-cœur quand je vais lui apporter ce Calendrier de l’avent !

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