Le passé resurgit
Eddy empoigna Maggy et l’emmena derrière les arbres, mais à son retour, effectivement, deux hommes se tenaient là, devant le feu. Deux grands baraqués, bruns, aux visages haineux. Ils détenaient chacun un fusil. Deux couteaux de chasse pendaient sur leurs cuisses et un pistolet à la ceinture.
— Suis-nous, Eddy, et nous ne te feront aucun mal.
Eddy sentit la colère monter. Il émanait de ces deux hommes la même odeur que celle de celui qu’il avait tué les jours précédents. Il savait que s’il les suivait, ce n’était pas pour une partie de cartes. Ces hommes transpiraient la mort. L’un d’eux empoigna Maria, la belle mule, par la crinière et posa son arme sur sa tête. La bête brayait, hurlant et se débattant, voulant impérativement se rendre aux pieds de son maître. Eddy sentit la haine l’envahir, mais il ne pouvait pas jouer avec la vie de sa compagne. Il se mit à genoux, levant les mains, courbant la tête, implorant la pitié, pour sa mule.
— Non ! Je vous en supplie, ne lui faites pas de mal.
— Met ça ! Ordonna le deuxième en lançant de grosses menottes reliées avec d’autres par des chaînes. D’abord les pieds, puis les mains derrière ton dos. Si tu essayes de faire le malin, il tue ta mule.
— Je ferais ce que vous voudrez, ne lui faites pas de mal.
Les deux hommes ricanaient sous les hurlements de la bête qui se débattait. Maggy observait la scène avec dégoût. Elle ne pouvait rien faire, ils étaient bien trop armés. Elle reconnu ces flèches anesthésiantes et savait, parfaitement, qu’une seule pouvait les plonger dans un profond sommeil en quelques minutes.
Eddy posa la première des menottes sur ses chevilles, puis tira sur les chaînes pour les mettre sur ses poignets. Une fois les entraves posées, il se redressa et fit face à ses deux bourreaux. Le premier homme relâcha la bête qui s’empressa de venir aux pieds de son maître. Les deux hommes s’approchèrent de lui, le pointant de leurs armes. Eddy ordonna à Maria de rentrer à la maison, mais celle-ci ne bougeait pas, voulant protéger son maître, faisant barrage de tout son corps. Le premier homme lui donna un coup de pied afin de la faire partir, mais elle ne bougeait toujours pas. Eddy lui criait à nouveau de partir, mais elle refusait de quitter son maître. L’agresseur posa son arme sur la tête, regarda Eddy avec un sourire narquois et tira.
Le sang jaillit sur le visage d’Eddy. Maria s’effondra à ses pieds. Maggy plaqua ses mains sur la bouche, l’horreur venait de s’abattre dans ce petit coin de paradis.
Tremblant, Eddy regarda sa pauvre compagne, gisant au sol où la terre prenait une couleur rouge. Il recula, tétanisé par le geste odieux de ces deux monstres.
Eddy sentit tout son corps se contracter, il serra les dents, ses sourcils se froncèrent et son visage n’exprima plus que de la haine. Un des hommes poussa la pauvre bête et fit signe au prisonnier d’avancer. Eddy se recroquevilla, grognant puis d’un geste brusque et rapide, il brisa ses chaînes. Ses pupilles prirent une couleur or. Il haletait, poussant de profonds gémissements. Il saisit le bras du premier et lui envoya un violent coup de poing qui lui brisa la mâchoire, puis se retourna et agrippa l’arme du second. Un coup de feu retenti.
Replié sur lui-même, la main posée sur le côté de son ventre, considérant l’homme, apeuré, qui reculait devant lui. Eddy essuya le sang sur son visage, puis se redressa. Il le voulait mort. Un puissant coup de pied le propulsa à cinq mètres, puis Eddy s’approcha de lui, plaqua ses deux mains sur sa gorge et serra de toutes ses forces. La nuque se brisa et les doigts s’enfoncèrent dans la chair jusqu’à séparer la tête du corps.
Eddy se redressa et vint au chevet de Maria. Il s’agenouilla, prit sa tête entre ses mains et lâcha de profonds sanglots sur l’épaisse fourrure. Maria n’était plus là, elle avait voulu le protéger. Eddy plongea ses doigts dans la crinière, accablé par tant de haine. Il étreignit son amie contre lui et lui parla tout bas, en la caressant.
Maggy s’approcha, lentement, horrifiée par ce qu’il venait de se passer. Eddy trembla affreusement puis poussa un cri de douleur qui résonna dans tout le vallon, déchirant le silence de la nuit. Au loin, des oiseaux s’envolèrent dans un fracas assourdissant. La douleur était intense, Eddy s’effondra sur elle, la secouant, priant qu’elle revienne, mais il n’y avait plus rien à faire.
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