Chapitre 16 - Achalmy

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An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.

La neige avait disparu. Le brouillard, le froid aussi. Mais pas la douleur. Elle me réveilla au milieu de songes indistincts, s’agrippa à mes muscles, s’insinua dans mes os, fourmilla sous mes paupières.

Si ma gorge était en feu, mon corps était de glace. Je n’étais pas aussi gelé qu’auparavant, mais je n’avais pas chaud. Avec un râle, je bougeai mon corps. Mes côtes protestèrent aussitôt. Ma main droite glissa le long d’un tissu doux. Quant à la gauche… Un geignement de douleur me découragea d’explorer plus loin mes fonctions motrices.

Quand j’en eus le courage, j’ouvris les yeux. Je papillotai quelques secondes, le temps de me faire à la luminosité. Elle n’était pas excessive : une clarté blafarde et morne d’hiver. Plusieurs couches d’édredons me couvraient le corps. Je sentais contre ma peau la douceur d’un tissu occidental. Malgré la douleur, l’incompréhension et ma gorge meurtrie, je souris. Ces Occidentaux… m’allonger nu sous des peaux aurait été tout aussi efficace pour lutter contre le froid.

Des Occidentaux ?

Je tournai la tête de gauche à droite, autant pour tester mes cervicales que pour inspecter la pièce. C’était sûrement une chambre d’invité : il n’y avait qu’un lit et un âtre individuel au feu mourant. Le bois lourd et ciré plombait la pièce aux parois de roche. Je tendis l’oreille, en quête de rires, de hululements et de brises, mais ne trouvai que le grincement des poutres et ma respiration pénible.

Que fabriquais-je dans l’Ouest ?


J’attendis deux nouvelles minutes avant de tenter une sortie du lit. L’idée m’échappa bien vite lorsque je pris appui sur mes coudes. Une décharge de douleur me traversa le bras gauche du poignet à l’épaule. J’avisai avec une grimace consternée l’attelle de bandages et de branches qui maintenait mon coude. Sûrement des os cassés.

Je me laissai retomber contre les oreillers. Ils sentaient la lavande. Avec un soupir, je jetai un coup d’œil à la table de chevet en bois sombre. Rien à ma disposition en dehors d’un linge à la propreté douteuse. De ma main valide, je tâtonnai mon corps. On avait retiré mes vêtements et mes affaires. Plus de besace, plus de couteau, plus de sabres.

Malgré la pulsion d’énergie nerveuse qui me secoua à l’idée de m’être fait voler mes katanas, je ne pus quitter mon couchage. Je ne savais pas à quand remontait mon dernier repas, mais je manquais de forces. Et d’eau. D’une énorme gourde d’eau.

La salive faillit me monter à la bouche. Ma sensibilité d’Élémentaliste s’aiguisa, pointa tout autour de moi, chercha la moindre parcelle humide. Quand j’eus formé une petite bulle d’eau, je l’approchai de mes lèvres. Par les Dieux, mon corps se mettait déjà à trembler sous l’effort, je n’allais pas tenir longte…

La bulle d’eau éclata au niveau de mes lèvres, m’hydrata la langue autant que le cou. Excédé, je réitérai le geste, mais je tombai rapidement à court d’énergie. Je n’avais plus rien en moi. Plus la moindre goutte de pouvoir.

Frustré, je passai la langue sur mes lèvres gercées, frottai de ma main valide ma joue couverte de poils épars. J’étais faible, à la merci de mes hôtes. Des hôtes qui me voulaient vraisemblablement du bien – je serais déjà mort dans le cas contraire. N’empêchait que la situation me déplaisait terriblement. Je devais reprendre des forces et…

Oh, Mars.

Je trouvai l’énergie de rouler sur le flanc. Le mouvement coinça mon bras blessé, m’arracha un grognement et me fit changer de position à la hâte. Le bord du lit se présenta, rapidement suivi du parquet lorsque je tombai de côté. Le choc sourd vida l’air de mes poumons. Les dents serrées, je forçai sur mes genoux et mon bras valide pour me redresser. La sueur me coulait du front, malgré le froid de la pièce.

Une fois à genoux, haletant, perclus de douleur et de fatigue, j’avisai deux fourreaux calés contre la table de nuit. Allongé, je ne les avais pas vus.

— Par les Dieux, marmonnai-je d’une voix rocailleuse.

Tenir les manches de mes armes amena un peu de lumière sous mon crâne. Je me servis d’Eon, mon plus long sabre, pour me redresser. La pièce tangua quelques instants. Un claquement dans mon dos me fit tourner les talons. La porte venait de s’ouvrir sur une jeune femme vêtue de ces étonnantes – et parfaitement inefficaces – pièces de tissu occidental. Des carrés, ronds et losanges accrochés ensemble par des boucles en métal. Les couleurs ternes de sa tenue, beige et gris, m’apprirent qu’elle n’était pas Noble. Les Élémentalistes Occidentaux aimaient se pavaner avec des ensembles aux teintes criardes.

— Bonjour, lançai-je en forçant le moins possible sur ma gorge enflammée.

En couinant, elle laissa tomber le linge qu’elle portait à l’avant-bras et partit en courant. Je cillai, fis quelques pas à l’aide d’Eon et me penchai à l’angle de la porte.

— Bonjour ?

La domestique avait disparu. Ma voix était-elle si éraillée qu’une simple salutation avait suffi à la repousser ? En ramassant le linge, je me rappelai alors ma nudité. Bon, ça n’avait pas dû la rassurer non plus. Guère désireux de semer plus de discorde chez mes hôtes, je parcourus la chambre à la recherche de vêtements. Je n’avais rien d’autre à disposition que le linge serré dans ma main droite.

Comme mes jambes se mettaient à trembler, je rejoignis le lit et me laissai choir au bord après avoir noué le tissu grossier autour de mes hanches. Ça ferait bien l’affaire en attendant de véritables vêtements.


Mes hôtes se présentèrent quelques minutes plus tard. La domestique que j’avais surprise était de retour, accompagnée d’une femme plus âgée et plus austère. Si sa tenue était plus fournie que celle de sa compagne, les couleurs restaient les mêmes. Peut-être la supérieure du personnel ?

— Sire, lança-t-elle d’une voix rigide en faisant quelques pas dans la pièce. Je suis Jenna, la domestique en chef du Château. On m’a chargée de vous fournir tout ce dont vous auriez besoin.

Malgré son port de tête sévère, ses yeux gris étaient fougueux. Une Élémentaliste. Elle essayait sûrement de le cacher, mais son regard ne mentait pas.

— Tout ce dont j’ai besoin, c’est qu’on m’appelle pas « sire » et qu’on me donne des vêtements, Noble.

Elle tressaillit, plissa les paupières.

— Nous ne sommes pas les hôtes, sire. Comment dois-je vous appeler ?

— Achalmy, soupirai-je en me passant une main sur la nuque. Pourquoi êtes-vous domestique alors que vous avez des pouvoirs ?

La deuxième domestique jeta un coup d’œil étonné à sa supérieure, mais ne pipa mot. J’étais moi-même perplexe face à la situation : dans l’Ouest, être Élémentaliste accordait le statut de Noble. Vous permettait d’avoir un titre et des terres.

— Ma vie ne regarde que moi, Sire Achalmy.

Elle ne réagit pas au rictus acide que je lui adressai. Bon sang, ces Occidentaux et leurs manières… Avant que j’eusse le temps de protester, elle déposa une pile de vêtements sur le lit à côté de moi. Jenna n’avait pas l’air embarrassée par ma presque-nudité. Elle n’était peut-être pas Occidentale jusqu’au bout des ongles.

— Merci.

— Je vous en prie. Dame Trianna et Reine Alice seront ravies de vous recevoir à la Gran’Salle. (Alors que l’information me percutait, elle enchaîna avec une grimace affligée.) Une fois que vous aurez pris un bain, si cela vous sied.

Comme je restai muet de stupéfaction, elle se tourna vers sa seconde.

— Halise, fais porter des seaux d’eau chaude à la salle des bains des invités.

— Tout de suite !

Une fois que nous fûmes seuls, Jenna planta un regard implacable sur moi.

— Si j’ai choisi de devenir domestique et non pas Noble, c’est parce que je me sens plus utile à mes souverains ainsi. Je sais bien ce qu’un Nordiste comme vous doit s’imaginer sur quelqu’un comme moi. Eh bien, sachez que je préfère gérer l’intendance du château royal qu’un lopin de terre.

Je n’avais rien à répliquer à ceci. Comme je me contentais de lui sourire d’un air entendu, elle claqua la langue et fit demi-tour. Avant qu’elle ne disparût derrière la porte, je m’enquis :

— Je comprends rien à ce qui s’est passé, mais il y avait pas quelqu’un avec moi quand je suis… arrivé ?

Les iris déjà orageux de Jenna s’assombrirent. La boule de malaise qui s’était installée dans ma gorge depuis mon réveil s’alourdit. J’avais une légère envie de vomir.

— Dame Trianna et Reine Alice vous expliqueront tout.

— Reine Alice… répétai-je dans un souffle haché.

Jenna me considéra avec dépit avant de s’éclaircir la gorge.

— Halise viendra frapper à votre porte quand le bac d’eau sera prêt. Nous laisserons des pains de savon et des serviettes.

— Merci, murmurai-je d’une voix que j’entendis à peine.

Une fois le battant fermé, je me laissai tomber en arrière sur le lit. Comment étais-je arrivé ici ? Étais-je venu seul ? Si ce n’était pas le cas, où était Mars ?


Je devais remonter le couloir lambrissé pour accéder à la salle des bains. Après avoir enfilé des chausses pour éviter de faire tourner de l’œil quelque domestique, je suivis les indications que Halise m’avait données. La salle des bains était un peu plus petite que ma chambre et chauffée par un âtre. Comme promis, un large bac d’eau fumante m’y attendait. Je déposai ma pile de vêtements sur la table d’appoint qui supportait déjà une serviette rêche. Dieux merci, la tenue était constituée des vêtements que je portais… quelques heures plus tôt ? Je n’avais pas la moindre idée du temps qui s’était écoulé depuis que j’avais discuté avec Eon.

Je plongeai un doigt dans l’eau fumante avant d’y entrer pleinement. Je n’avais guère envie de m’ébouillanter. Comme la température était trop haute à mon goût, je la diminuai de quelques degrés d’une simple pensée. L’effort se fit aussitôt ressentir : mon genou trébucha et je faillis passer cul par-dessus tête dans le bac. Par Lefk, j’étais dans un état déplorable. J’avais pourtant bu jusqu’à plus soif lorsque Halise était revenue me voir, une carafe en main.

Je restai un moment sans bouger, une fois plongé dans mon bain. En l’espace de quelques semaines, j’avais bien maigri. Notre escapade au Mont Valkovjen m’avait coûté. Mes côtes à présent visibles – et sûrement fêlées – ne m’inquiétaient en réalité pas tant que ça. J’avais l’esprit tourné vers mon ami, vers Mars.

Une fois lavé, rasé et habillé, je quittai la pièce en grimaçant. Les douleurs dans mon bras gauche s’étaient à peine dissipées avec l’eau chaude. Et mon attelle mériterait bien d’être refaite. Devant ma chambre, j’eus la surprise de retrouver Halise. Elle m’adressa un petit sourire – elle avait l’air plus à l’aise à présent que j’étais vêtu.

— On m’a chargée de vous emmener jusqu’à la Gran’Salle.

Je me contentai de lui faire signer d’avancer. Je me sentais encore trop nauséeux et engourdi pour faire la conversation. Nos pas résonnèrent contre les murs éclairés à intervalles réguliers par des lampes à huile. Malgré quelques pots de fleurs çà et là, l’odeur d’humidité était difficile à chasser. Voilà pourquoi je préférais une tente à belle étoile : j’étais peut-être plus exposé aux intempéries, mais je pouvais sentir l’odeur de la nuit tombante, de la terre chauffée par le soleil ou des bois assoupis.

Les relents de poussière s’amenuisèrent quand nous approchâmes du cœur du château. Des échos de conversation rebondissaient autour de nous. Je captais quelques mots à la volée, mais jamais assez pour reconstituer les phrases. Les regards s’attardaient sur nous tandis que Halise me menait vers une antichambre efficacement aménagée.

— Je vous laisse ici. Le valet des doléances viendra vous chercher quand la reine sera prête à vous accueillir.

Elle n’attendit pas ma réponse pour s’en aller. Deux soldats, plantés à côté des portes, me toisaient avec raideur. Je finis par comprendre qu’ils se méfiaient des deux fourreaux que je portais. Pour l’instant, ils ne m’avaient pas fait de remarque. Peut-être Alice les avait-elle prévenus de mon attachement pour mes sabres.

J’étais à deux doigts de me laisser choir de lassitude sur un fauteuil quand les gonds grincèrent. Les soldats ne cillèrent pas tandis que les battants s’écartaient. Un jeune couple les franchit sans un regard en arrière et fila vers les couloirs sans même me saluer. Comme personne ne faisait signe de bouger, j’approchai d’un pas.

— Je peux entr…

— Achalmy ?

Une femme venait d’apparaître entre les battants. Alic… non. Plus âgée, plus impérieuse. Pourtant, elle ressemblait à mon amie, avec l’ovale de son visage réhaussé par des pommettes saillantes, des fines lèvres roses bien dessinées et de grands yeux. Mais les siens étaient gris et des fils d’argent parsemaient ses cheveux noirs.

— Dame Trianna, je suppose ? lançai-je en m’efforçant d’aplanir ma voix de politesse.

Je posai ma main valide sur le manche de Kan et baissai la nuque. La mère d’Alice plissa les yeux puis inclina le menton en retour. Apparemment, elle connaissait cette tradition nordiste.

— Entrez, je vous en prie. Ma fille vous attend.

Même si mes nausées s’étaient quelque peu calmées, quelque chose me brûla les entrailles. Je n’avais jamais échangé avec Alice dans un cadre aussi formel. Quant à l’absence de réponses sur Mars… ça n’augurait rien de bon. Pourquoi mon amie n’était-elle pas venue directement me voir dans ma chambre ?


La Gran’Salle était éclairée par plusieurs imposantes cheminées et une multitude de lampes à huile et bougies. La lumière y était tiède et accueillante. Les tapis et les tentures murales apaisaient la rigidité de la pierre. Je ne m’attardai pas plus longtemps sur la décoration : mon regard se riva bientôt à l’estrade qui surplombait les lieux. Deux trônes y étaient installés, parés de peaux de bêtes. Alice était assise sur le plus grand.

— Fermez les battants, ordonna la voix de Trianna Tharros dans mon dos.

Le valet des doléances s’exécuta. Les talons de l’ancienne reine claquèrent lorsqu’elle grimpa l’estrade pour rejoindre le deuxième trône, plus petit. Penchée en avant sur son siège, pâle malgré les lumières dorées, Alice me dévisageait. Elle avait les lèvres entrouvertes, comme si elle s’apprêtait à dire quelque chose, mais pas un bruit n’en sortait. La couronne semblait peser des tonnes sur son crâne.

Elle s’en débarrassa rapidement. Après avoir refermé la bouche et serré les mâchoires, Alice ôta le symbole royal avec une fermeté résignée. Quand elle se leva du trône, sa tenue me surprit pendant un instant. Elle affichait les couleurs de la royauté – turquoise et blanc – et son haut était typiquement occidental. Mais elle portait des chausses claires que n’importe quel Nordiste aurait pu posséder. Quant à ses cheveux sombres, ils étaient noués en tresses serrées sur son crâne, une coupe que j’avais davantage croisée dans mes contrées que dans les siennes.

Elle fit quelques pas vers les marches de l’estrade. Ses yeux indigo bouillonnaient, l’électricité statique hérissait les poils de ma nuque. La connaissant, je me serais attendu à ce qu’elle se précipitât vers moi. Mais la Alice d’avant s’était endormie, car elle se présenta à moi sous un jour bien différent. Ses pas se firent mesurés tandis qu’elle descendait à ma rencontre. Elle avait ôté sa couronne dans une intention bien définie, mais je sentis quand même le poids de la gouvernance quand elle s’arrêta en face de moi. Son visage s’était émacié, la faisant paraître plus adulte.

— Achalmy, énonça-t-elle d’une voix claire, ni calme ni douce.

Les brumes dans ses yeux se firent plus épaisses. Sa mâchoire se crispa, mais elle ne se détourna pas de mon inspection silencieuse. Elle avait quelque chose à me dire. Quelque chose qui ne me plairait pas. Elle prenait des pincettes. Faisait de la diplomatie. Peu importait le nom, je perdais déjà patience.

— Dis-moi, Alice.

Elle hocha la tête, pinça les lèvres puis inspira.

— C’est Eon qui t’a amené ici. Tu étais inconscient et… presque mort. Nos guérisseurs ont quand même pu stabiliser ton état et t’éviter l’hypothermie.

Même si je m’étais déjà douté de ceci, je hochai la tête. Comme Alice baissait les yeux vers un point à ma droite, je lui empoignai doucement le bras.

— Alice, où est Mars ?

— Al…

Sa voix s’était effritée. Je ne savais pas depuis combien de temps elle avait embrassé son rôle pour la couronne occidentale, mais je décelais l’ancienne Alice à présent. La vulnérabilité de son regard, l’incertitude de ses mots.

— Mars est arrivé avec toi, reprit-elle en serrant ses doigts autour des miens. J’ai essayé… quand j’ai compris qu’il ne respirait plus… j’avais vu une Noble guérisseuse faire ça… des pulsions électriques dans la poitrine. Malheureusement, je n’ai pas réussi à…

— Mars est mort.

Je le déclarai sans bouger d’un cil. Alice tressaillit, enfonça ses ongles dans ma paume puis acquiesça. Je la dévisageai quelques secondes avant de m’enquérir :

— Tes guérisseurs ont pas réussi à le sauver ? Pourquoi moi et pas lui ? J’ai un bras fracassé et sûrement des côtes fêlées. Mars avait rien de tout ça. Alors pourquoi ?

L’air se condensa autour de nous en réponse à ma colère hébétée. Alice se crispa sous ma poigne, mais elle ne se déroba pas. Elle soutint mon regard, mon incompréhension, jusqu’à grimacer quand le givre se mit à couvrir nos mains emmêlées de nervosité.

— Je suis navrée, Achalmy. Mes guérisseurs n’ont pas réussi à le sauver. Moi non plus.

Je compris à son menton froissé et à ses yeux brouillés qu’elle retenait ses larmes.

— Non, c’est…

Elle retint de justesse une exclamation de douleur quand j’arrachai ma main à la sienne, cassant la fine couche de glace qui s’y était installée. Malgré le tourbillon d’émotions qui gonflaient mon crâne, je savais que la responsabilité n’incombait pas à Alice.

— C’est pas ta faute, finis-je par bredouiller en sentant mes épaules tomber.

C’était la mienne, parce que je l’avais abandonné derrière moi. Obsédé par le besoin de retrouver Eon, j’en avais oublié mon ami. Il avait dû s’enfoncer trop loin, tomber de fatigue et s’évanouir de froid. Eon s’était montré clément en nous ramenant en sûreté, mais il était alors déjà trop tard pour mon ami.

Je ne parvenais plus à bouger. Je m’en voulais, mais, surtout, je souffrais. Et c’était une sensation que je détestais, car elle entravait mon âme et me brûlait le cœur.

À travers ma vue brouillée, je finis par remarquer qu’Alice m’observait d’un air soucieux. Je pris une courte inspiration avant de murmurer :

— Désolé, Alice, je dois… faut juste que je… Je reviendrai te voir, mais attends un peu…

— Al, me coupa-t-elle en posant la main sur mon bras. Tu n’as pas à porter ta douleur tout seul.

Elle avait les doigts couverts d’engelures. À travers ma gorge nouée, l’air produisait un sifflement. En l’espace de quelques mois, elle avait peut-être mûri, mais elle n’avait ni grandi ni grossi. Sa silhouette menue n’avait pas grand-chose d’intimidant. Elle supporta pourtant mon poids sans broncher quand je la laissai m’enlacer.

Tout semblait trop petit et infiniment grand autour de moi.

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