J’avais pourtant abandonné cette voie « médicale », décidément trop risquée - et très impersonnelle, là où je cherchais aussi de la complicité. J’en revenais à cette idée de me confier à Mathias. Avec lui au moins on aurait rigolé. J’imaginais déjà sa réaction avec son franc-parler habituel :

– Non, mais t’es sérieux, là ? Tu es en train de me dire que tu peux faire mouiller une fille rien qu’en la regardant ?

– Oui et non, enfin si, mais c’est plus compliqué que ça…

– Arrête, tu te moques de moi, c’est pas croyable ton truc ! Genre, une fille passe devant toi dans la rue, tu la regardes et boom elle n’en peut plus et te sautes dessus ?

– Non, justement ça ne marche pas comme ça !

– Bon bah alors, ça marche comment ? Non, attends ! J’ai envie de savoir, je veux que tu me racontes tout, mais dis-toi que je sais que c’est une énorme connerie, hein ! Et puis si c’était vrai, entre nous, tu te serais tapé des dizaines de gonzesses et nous savons tous les deux que c’est pas le cas, n’est-ce pas ?

Avec cet argument, Mathias aurait touché un point sensible. Sauf que je n’étais pas comme lui. Et il le savait, d’ailleurs. Mon truc n’avait jamais été de me taper des « dizaines de gonzesses », comme il aurait dit. Je n’étais sorti qu’avec trois filles depuis mon adolescence et couché seulement avec la dernière - pour la première fois. Bien entendu j’avais aimé ça, la première fois et toutes les suivantes, mais ça n’avait pas fait de moi un Don Juan pour autant. À la vérité, j’étais plutôt timide avec les filles, avec une tendance à tomber amoureux assez rapidement.

– Écoute, si je te raconte ça c’est parce que c’est important pour moi, pas pour que tu te foutes de ma gueule.

– Non, mais je veux te croire ! C’est juste que... Putain, tu te rends compte de ce que tu dis ? T’imagines, si ça existait un truc pareil ?

– Justement, c’est ce que j’essaye de t’expliquer.

– Ouais, bah ça ferait de toi un putain de super héros, avec le meilleur putain de super pouvoir !

– Mathias !

– Oublie la force ou l’invincibilité, c’est nul, balancer des toiles d’araignée ou s’envoler, c’est bon pour les fiottes en collants moulants. Si je pouvais choisir un super pouvoir, moi c’est ça que je prendrais !

– Mathias, bordel !

– OK, OK, désolé. Mais il va falloir que tu m’expliques d’où ça sort ton truc, parce que c’est quand même un peu dur à avaler.

Qu’il s’agisse d’un super pouvoir ou non, j’avais le sentiment que Mathias aurait su bien plus en profiter que moi… En tout cas, imaginer cette discussion avec lui me forçait à mettre mes idées au clair et à reconsidérer tout un pan de ma jeunesse comme je ne l’avais jamais fait auparavant.

Par où commencer ?

(à suivre... prochain chapitre "Ludivine")