Chapitre 1.4 : La chasse est ouverte 2/2
Un nouveau scanneur inspecta de sa lumière blafarde l’homme qui se tenait devant la porte avant de s’ouvrir. Novak entra alors, inspectant méticuleusement chaque recoin de la pièce en y entrant. Il comprit rapidement qu’il était dans une salle d’attente. Au centre de la pièce se tenait un technoslave, devant une large console de commande se déployant en cercle autour de lui. L’hydride sans-âme, totalement pris au piège de son cercle par de nombreux câblage qui le reliait à lui, releva son crâne décharné aux orbites vides vers Novak.
L’humain grimaça face à cette chose. Là d’où il venait, aucune de ces créatures ne venaient perturber sa vision. Les technoslaves ne se comptaient que par poignée au-delà des grands centres urbains, et c’était probablement mieux ainsi, pensa-t-il. Un bras décharné se leva finalement avec mollesse pour lui pointer du doigt la porte qui s’ouvrit sur la droite. Le lieutenant en pris la direction aussitôt. Il la passa, débouchant ainsi sur la fin de son long périple.
Le grand bureau dans lequel il se trouvait à présent était particulièrement luxueux. Le plafond se parait de riches moulures de plâtre et d’un massif lustre de cristal. Les murs abritaient nombres de lourdes et luxueuses tentures pourpres ou bien vertes, aux motifs d’acanthes, et des pilastres au style antiquisant. On y trouvait également peintures de toutes époques, sculptures, plantes exotiques et vitrines emplies de curiosités archéologiques ou extrasolaire. Le sol n’était pas en reste, car dallé de plaques de marbre sombre et luisant couvert de veinures blanches, agrémenté de tapis épais aux couleurs chaudes. Une grande baie vitrée donnait pour sa part sur un balcon dominant tout le quartier. Face à Novak, un holodesk en bois massif impressionnant par sa taille et son faste accueillait derrière lui, sur un fauteuil des plus royaux, un homme qui le fixait d’un regard insistant ; les mains jointes devant la bouche, et contre lesquelles venait se caler sa tête.
Sa tenue, quant à elle, trahissait de façon évidente sa fonction. Une robe de combat carmin finement travaillée, de grandes épaulières arrondies. Ainsi qu’une très haute collerette protégeant le cou pour remonter jusqu’au sommet du crâne en couvrant toute la nuque et l’arrière de la tête. Aucun doute, cet homme était un inquisiteur. Et à l’évidence de très haut rang vu le bureau qu’il occupait. Un homme inquiétant, dans sa fin de trentaine, aux fins cheveux châtains gominés et plaqués sur le côté – à moins que sa chevelure ne fût simplement grasse ? – dont les cernes violacés venaient accentuer un regard sombre et perçant. L’inquiétude ne venait pas tant de son physique fluet que de l’expression joviale qu’affichaient ses traits venant se mêler à une aura de prédateur contenue par la bienséance.
Debout à ses côtés, un géant enfermé dans une impressionnante armure inspirée des chevaliers de l’antique Europe et des hoplites de la plus antique encore cité de Sparte se tenait là, sans un mot. Une montagne couleur d’or et d’argent, aux muscles évidemment surdéveloppés sous cet apparat. Ses traits carrés digne d’Hercule se fondaient sous un crâne aux cheveux blonds comme les blés coupés courts, et sertis de perles d’acier trahissant un mental tout aussi rigide. Son gorgerin proéminent plaqué d’or, pour sa part, cachait au lieutenant une bouche qu’il devina n’être que rarement déformée par l’esquisse d’un sourire. Cette splendeur guerrière ne pouvait être qu’un Martien, l’un de ces soldats surhumains conçu dans les laboratoires de la planète rouge, éduqué depuis sa sortie des cuves à l’art de la guerre. Novak conclu également que ce dernier, au luxe de son armure arborant nombres de décorations militaires et une cape d’apparat rouge et magnifique, devait être un très haut gradé dans la hiérarchie des armées impériales.
Enfin, dans l’un des deux confortables fauteuils faisant face au bureau, se retourna un homme en combinaison noire des forces spéciales urbaines. Novak l’identifia comme un agent des services secrets, une simple tête de cette hydre qu’était l’Inquisition.
– Lieutenant Novak, entama le maître inquisiteur tout en invitant ce dernier à s’assoir sur le fauteuil encore disponible.
Il s’avança, puis s’installa au fond du grand fauteuil tout en faisant preuve de trop de politesse pour paraître détendu. Tous les regards étaient braqués sur lui, et l’inquisiteur continua.
– Avez-vous fait bon voyage, Lieutenant ?
– Oui, merci votre Excellence, répondit-il avec un certain stress. Je suppose que c’est vous que je dois remercier pour la permission exceptionnelle qui m’a été accordée.
– En effet. J’ai pensé qu’un peu de temps pour vous vous serait des plus bénéfiques avant cette petite entrevue.
Le lieutenant Novak hésita, mais posa finalement la question qui lui brûlait les lèvres depuis qu’on lui avait remis sa convocation au Palais.
– Pardonnez-moi, Excellence, mais…
– Mais que faite vous ici ? C’est une question qui doit vous trotter dans la tête depuis que notre coursier vous a remis la lettre de convocation !
– C’est exact, Excellence.
– Voyez-vous, les méthodes archaïques ont parfois du bon. Les lettres ne peuvent souffrir du piratage de quelques curieux. Et c’est bien pour cela que nous vous avons contacté par ce moyen. Nous ne tenions pas à garder d’éventuelles traces de votre venue sur le Réseau et ce que nous allons vous raconter tient du secret d’État de niveau un. Vous devez par conséquent vous engager à ne jamais divulguer à une personne non autorisée ce qui se dira dans ce bureau.
Novak eu un regard aussi discret que possible pour l’agent des services secrets à sa droite. Il comprit rapidement qu’en cas de fuite, il disparaitrait rapidement de la surface de cette terre, lui et toutes les personnes à qui il aurait potentiellement pu en parler.
– Je comprends.
– Bien. Commençons par les bonnes manières mais soyons bref. Je me présente, Naka Friedrich, Maître Inquisiteur. Et je vous présente le Général Tarkon. Quant à notre dernier ami, vous n’avez pas besoin de connaître son identité.
D’ailleurs, Novak ne verrait pas son visage non plus, ce dernier étant dissimulé sous un masque de combat. Le Maître Inquisiteur Naka continua alors.
– Je ne passerai pas par quatre pistes : l’Empire est en danger. Et nous avons besoin de vous pour écarter la menace.
– De moi ? sembla s’amuser Novak.
– Oui. De vous, répondit Naka le plus sérieusement du monde.
Le lieutenant observa alors le Martien et l’homme en combinaison noire. Il réalisa bien vite que cela n’avait rien d’une blague. Sa mine redevint grave, son attention toute dévouée au discours de l’inquisiteur.
– Nous pensons avoir retrouvé la trace d’une arme égarée dans cette période chaotique qui a précédé la Croisade Artificielle. Une arme terrible, détenue par un criminel qui pourrait en faire mauvais usage.
– Très bien. Mais… Votre Excellence, je ne suis que lieutenant des escadrons de chasseurs.
– Précisément, attesta Naka en esquissant un sourire carnassier. Il se pourrait que ce criminel se cache dans votre secteur, au milieu des barbares qui se terrent dans les montagnes. Nous avons donc cherché un homme de terrain digne de confiance et ayant les compétences pour guider le général Tarkon et ses hommes jusqu’à l’objectif.
Naka alluma l’écran de son holodesk et feuilleta rapidement le dossier militaire de Novak.
– Des états de services impeccables. De véritables louanges de vos supérieurs depuis vos débuts. Et un nombre d’éliminations impressionnant. Vous vous y connaissez en matière de dératisation ! s’amusa Maître Naka.
– Je fais simplement mon travail.
– Et modeste en plus de ça, le parfait soldat ! Vous êtes un chasseur né, mon cher Elias. Et c’est bien pour cela que nous vous avons choisi. Cette fois-ci, vous allez traquer du très gros gibier.
Le maître inquisiteur fit s’évanouir l’écran holographique d’un geste de la main. Puis tenta un sourire amical qui sonna faux.
– Faite simplement votre travail une fois de plus, et vous en serez grandement remercié. Nous devrions pouvoir vous trouver une place dans un endroit plus agréable que l’avant-poste de Vaduz. Peut-être une brillante entrée dans les services secrets ? Bien entendu il faudrait repartir de zéro. Mais vos conditions de vie s’amélioreraient nettement, à vous et à votre famille.
Même sans cet argument, Novak aurait accompli sa mission avec soin, comme à son habitude. Mais les enjeux et la récompense lui feraient traquer sa proie jusqu’au bout du monde s’il le fallait.
– Je ferai selon vos ordres, Excellence. Donnez-moi le nom de la cible, et je la retrouverai pour vous.
– Parfait ! C’est un dangereux terroriste du nom de Woden, un génie du mal qui a mis sa science au service de notre perte à tous ! déclama-t-il de façon théâtrale. Mais nous croyons savoir qu’il se dissimule sous l’identité d’un petit médecin qui vient en aide aux barbares qui ne connaissent pas sa vraie identité. Il se ferait appeler Harbard.
Annotations
Versions