Chapitre 6.3 : La Guerre des Races
La déflagration fut d’une brutalité inouïe. Le jeune homme cru un instant que son tympan s’était déchiré. Un acouphène vrombissait au plus profond de son oreille alors qu’il s’entêtait à maintenir sa position. Il s’agrippait fermement à sa mitrailleuse, le doigt sur la gâchette. Prêt à déchiqueter d’une volée de balle tout ce qui oserai franchir l’épais rideau brumeux qui parsemait la lande désolée.
Année 2073, au cœur du conflit sino-russe. Il existait une infinité de simulation de guerre à travers l’Alterworld, mais il avait toujours affectionné cette période charnière. Elle allait en effet marquer la fin du troisième conflit mondial entre humains, aussi appelé la « Guerre des Races » et le début d’une altercation d’un genre nouveau : l’Homme contre sa création.
Il était à son sens captivant de rejouer aujourd’hui des scènes de ces temps en ayant connaissance des évènements des siècles à venir. Des humains, les uns contre les autres, menant leurs guerres jusqu’à l’éradication de populations de continents entiers. Une absurdité tragi-comique face aux décennies qui suivraient. Son esprit s’égara dans ses pensées quant à cette période étrange de l’histoire humaine. Mais son époque était-elle foncièrement différente ? Cette question lui traversa la tête en même temps qu’une balle, passant d’une tempe à l’autre comme dans une grosse motte de beurre.
– Ah ! Dans ta gueule, Lars ! s’écria d’un air hilare le jeune homme en uniforme de l’armée chinoise qui venait d’apparaître d’un recoin de la tranchée.
Le jeune joueur ayant choisi d’incarner l’ennemi chinois pour cette partie continua sa progression meurtrière. Il élimina avec nonchalance trois autres de ses amis se battant sous les bannières de la Fédération de Russie avant de voir enfin la victoire lui tendre les bras. Il n’avait cependant pas beaucoup de mérite, tant il passait de temps à s’entraîner sur ce genre de simulation.
Ayant remporté la partie, il se déconnecta du serveur. Il sorti doucement de sa rêverie numérique pour émerger à nouveau dans la lugubre réalité de sa petite chambre vétuste et sans fenêtre dans le A11. Le corps engourdi après avoir passé des heures figé dans son sofa, tandis que son esprit vagabondait dans d’autres mondes, le jeune homme enleva son casque. Il se leva et s’étira tel un grand chat flemmard en baillant bruyamment.
– C’est pas grave de perdre ! T’es nul aux jeux mais bon, t’as d’autres qualités, s’exclama-t-il d’un ton narquois vers son ami toujours immobile.
Il s’avança jusqu’à son distributeur de boisson gazeuse, s’en servi un gobelet qu’il avala d’une traite, avant de se tourner à nouveau vers son compère irrémédiablement figé. Le casque de ce dernier ne clignotait plus, signe qu’il devait être déconnecté du Réseau, et par conséquent de l’Alterworld. Mais le jeune homme restait avachi sur son vieux pouf tâché, dans la même position placide.
– Lars ?
Lars était mort. Le cerveau grillé par un projectile de métal bouillant qui ne l’avait pourtant jamais effleuré, du moins pas dans cette réalité-ci. « Les Temps Obscurs étaient-ils foncièrement plus absurdes que ce que nous vivons aujourd’hui ? » s’était-il demandé avant de se faire abattre par son ami durant un joyeux moment de carnage. Cette conclusion-ci aurait sans doute apporté une réponse convaincante à ses questionnements.
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