Chapitre 8.3 : La boîte à mouh !
Une balle, un mort. La sentinelle s’écrasa dans la neige en contrebas et personne n’en fut alerté. Une autre balle silencieuse, la même chorégraphie d’un corps sans vie. Le drone assassin se mouvait comme un spectre dans le blizzard et revint jusqu’à son pilote sans un bruit. L’escouade arriva facilement jusqu’à l’entrée de l’antique parking, les sauvages n’étaient pas connus pour être difficile à dératiser. Des bâtards en haillons. Que pouvaient-ils face à la colère de l’Empire ?
C’était sa quinzième mission en extérieur et enfin Valèrion allait avoir cette promotion dont il rêvait tant. Réussir cette traque serait sa porte d’entrée vers Éminence et ses Hauteurs où la bouffe, le meilleur vin du Maghreb et les putes de luxe danseraient bientôt pour lui ! Il en salivait déjà, comme tous ces compagnons d’arme. Punir de mort ces dégénérés était une juste sanction et les récompenses n’étaient qu’une motivation secondaire, évidemment. Mais tout le monde n’en reviendrait pas vivant. La prime à elle seule trahissait la dangerosité des cibles et l’urgence de les abattre, en théorie.
Pas de gardes au premier niveau, les cons ! Valèrion ferma la marche suivant les ordres du Major. Une bonne place pour éviter les pièges artisanaux. Son escouade s’enfonça rapidement par l’escalier, la deuxième prit la rampe des véhicules pour couper toute retraite à la vermine. Deuxième niveau ; R.A.S. Troisième niveau ; R.A.S. Il faudrait encore s’enfoncer là-dessous.
Des coups de feu, la deuxième escouade était au contact ! Lui et son groupe pressèrent le pas, déboulèrent les marches quatre à quatre. Les sauvages étaient là, bien retranchés derrière une barricade de saloperies. Valèrion et son groupe avança prudemment, ils se positionnèrent derrière la carcasse d’un gros véhicule. Chargement du p’tit Thor, le soldat qui le portait se leva, ses coéquipiers le cramponnèrent fermement. Le lanceur crachat sa munition comme un gros coup de marteau sourd, le projectile parti en cloche et alla se planter derrière les défenses de l’ennemi. Éclair souterrain, détonation assourdissante, la roquette neutralisante avait fait son petit effet.
Les barbares n’étaient pas si balèzes, pensa Valérion en détendant ses muscles de limier. La deuxième escouade avança avec prudence, ils lui emboitèrent le pas. Quelques vieillards, des estropiés, une résistance ridicule, insultante ! L’un des pouilleux tenait contre lui un objet, caché sous un linge aussi cradingue que sous gros blouson rapiécé. Le sergent de la première escouade s’approcha et plaça sa botte sur lui pour le stopper dans ses gesticulations. Le bout de son fusil sur le misérable, il lui arracha son butin.
Une petite boîte cylindrique, verte et recouverte de motif floraux jaune et blanc. Au centre de l’étrange artefact, la tête d’une petite vache tirant la langue dans un sourire amicale.
– C’est une boîte à mouh ! s’écria l’un des soldats. Faut la retourner.
Sceptique, le sergent s’exécuta. « Meuouuuuuuh ! ».
Voilà tout ; personne ne trouva à redire. Une autre relique stupide et inutile du monde d’avant. Un léger crépitement s’échappait de la boîte à mouh. Système d’explosif basique mais roublard, le retournement du dispositif servit à mélanger les deux réactifs. L’explosion balaya la zone, changea le sergent en confettis visqueux. Valèrion resta au sol quelques secondes, ses oreilles allaient exploser. Il se releva couvert de confettis, comme tous ses camarades. Certains étaient mort, d’autre sérieusement retournés.
Pas le temps d’analyser la situation, le major gueula ses ordres. Il fallait organiser la défense avec ceux qui en étaient encore capable. Les sauvages approchaient déjà des deux côtés. Retranché derrière la barricade avec ce qui restait de son escouade, Valèrion analysa la rampe par laquelle descendait un large véhicule blindé monté sur six roues. Modèle arpenteur classe C, pas le plus récent dans son genre, mais largement assez bourrin pour faire le boulot. La tourelle automatique sur son toit cracha ses énormes munitions comme une flot d’insultes rauques. L’une vint arracher le buste d’un soldat, les autres défoncèrent leur abri de fortune avec brutalité. Ils furent forcés de se replier.
Se replier, mais où ? Une autre salve décima son escouade à découvert, la deuxième n’était pas en meilleur état. Valèrion sentit un aiguillon lui crever le bide. Munition à projection magnétique, pour sûr. Il s’effondra dans la poussière, restant là à regarder le major se faire éclater la clavicule à la hache. Barbares, il en avait les manières mais leur équipement ne l’était en rien. Vaduz détruite, la caserne de Nouvelle-Vienne pillée, et maintenant ça ?
Un débile s’avança parmi les troupes, ceint d’une couronne grotesque. Leur chef ? Visiblement il se laissait accompagner d’une garde du corps. Un gros bras, blond comme les blés et armé d’un énorme fusil, lui-même accompagné d’une rouquine nonchalante.
– Là, remarqua le grand blond.
Le bouffon couronné s’avança vers Valèrion en affichant un large sourire laissant apparaître ses dents chromées. Rien dans cet éclat ne rassura le blessé, au contraire. Valèrion tenta de s’emparer de son arme de poing sans succès, la douleur était trop forte. Elle irradiait dans tout son côté droit et laissait son bras engourdis. Le gros balèze tourna la tête.
– T’as rien à faire là.
Un nouveau protagoniste fit son entrée sur la scène de son agonie. Un type visiblement diminué, pas assuré de ses pas, le crâne rasé et l’arrière de celui-ci pansé. Le corps faiblard, l’esprit mortel comme une lame entre les côtes. Ça se lisait dans ses yeux sombres. Valèrion s’agita, essaya d’attraper son arme de la main gauche, nouvel échec. Le convalescent portait un long et lourd manteau imperméable ne se terminant qu’à ses chevilles, enfermées dans des bottes de combat réglementaires. Et ce buste noir, tout cet équipement… L’inconnu était vêtu comme lui-même !
Les deux se dévisagèrent. Les yeux écarquillés de Valèrion ne rencontraient que deux icebergs. Le traitre fourra la main sous le manteau du bouffon dans un geste brouillon, sans même demander la permission.
– Eh là, on est pas encore assez intime !
Il braqua le gunner qu’il trouva là-dessous sur Valèrion sans une émotion et appuya sur la gâchette. L’écho mourut lentement, contrairement au chasseur impérial. Le couronné fit la moue.
– Ça pouvait pas attendre ?
– Non.
Novak replaça l’arme sans un gramme de délicatesse avant de s’éclipser. Les cadavres de ses anciens frères d’arme pouvaient bien nourrir les rats, ce n’était plus son affaire.
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