Là où le silence existe encore

2 minutes de lecture

L’air est plus frais ici. Plus pur, peut-être. Il s’engouffre dans mes poumons comme une bouffée d’espace, nettoie un peu le chaos intérieur. J’ai marché longtemps sans penser à rien, juste pour sentir le poids du sol sous mes pas et écouter le bruit du vent dans les arbres.

Aucune voix, aucun écran, aucun agenda. Juste le chant hésitant d’un oiseau perché sur une branche et le craquement discret d’une feuille sous ma chaussure.

Je ne sais pas exactement pourquoi j’ai pris la route. Un trop-plein, sans doute. Trop de bruit, trop de contraintes, trop d’attentes qui pèsent sur mes épaules. Parfois, la vie s’accumule en désordre, comme une pièce qu’on n’a jamais le temps de ranger. On repousse, on évite, on se dit que ce n’est pas si grave. Jusqu’au jour où on suffoque.

Alors on s’en va.

Quelques heures, quelques jours. Le temps que ça prendra.

Au début, mes pas étaient nerveux, pressés, comme s’ils cherchaient à fuir quelque chose. Mais au fil des kilomètres, ils ont ralenti. J’ai levé les yeux. J’ai pris le temps de voir, de sentir, de goûter au silence.

Ce silence… Il n’est pas vide. Il est habité par mille bruissements, mille souffles. Celui des feuilles qui chuchotent entre elles, des racines qui poussent sous terre, de l’eau qui court quelque part, invisible mais présente. Il est vivant.

Et moi, dans tout ça ?

Je ne sais pas encore. Je suis ici, c’est tout.

Je laisse derrière moi l’agitation des jours qui s’enchaînent, les obligations qui me rappellent à l’ordre, les injonctions à être productive, performante, accomplie. Ici, personne ne me demande rien. La forêt se moque de mon utilité. Le ciel n’attend pas que je réponde à mes mails.

Je respire, simplement.

Je me surprends à sourire en sentant l’odeur de la mousse humide. Une odeur d’enfance, de cabanes mal construites et d’aventures improvisées. À l’époque, je ne me posais pas tant de questions. Marcher dans la nature n’était pas une fuite, juste une évidence.

Peut-être devrais-je réapprendre cela : être là sans chercher de raison.

Je longe un ruisseau dont l’eau clapote doucement contre les pierres. Je m’accroupis, trempe mes doigts dans l’eau glacée. Ce simple contact me ramène à moi-même, à la sensation brute d’exister.

J’aimerais rester ici plus longtemps. Loin de tout.

Mais peut-on vraiment s’échapper du monde ?

Je sais que, tôt ou tard, je devrai reprendre la route dans l’autre sens. Retrouver le bruit, les obligations, les murs. Mais quelque chose aura changé.

Ce silence que j’ai trouvé ici, je veux l’emporter avec moi.

Et peut-être qu’en le gardant au creux de moi, le retour sera moins lourd.

Annotations

Vous aimez lire Beebloom ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0