Quatre-vingt-dix printemps, quatre-vingt-dix étés, quatre-vingt-dix automnes et quatre-vingt-dix hivers… C’est ce qu’on peut appeler une longue vie bien remplie… Mémé Raymonde est morte et moi, seul et unique héritier, vais enfin connaître le secret qu’elle gardait farouchement à double tour dans sa cave. Un lourd verrou en condamnait l’accès et la clé ne quittait jamais la poche de son tablier à carreaux. Plusieurs fois par jour, elle tapotait sa blouse afin d’en vérifier la présence. D’un tempérament acariâtre, elle brandissait sa canne dès que je m’approchais de la porte.
Grippe-sous dans l’âme, elle ne dépensait jamais la moindre piécette inutile. J’étais sûr d’y trouver ses économies entassées au fil du temps dans une grande boîte en carton.
Dans ma main, la grosse clé rustique en fer. J’introduis son panneton dans la serrure. Deux quarts de tour et le pêne se meut. Je retiens ma respiration et descends lentement l’escalier de bois. Sinistres, les marches craquent sous mes pas. Arrivé en bas, il fait aussi noir que dans le fond d’un chaudron. Je tâtonne le mur à la recherche de l’interrupteur. Enfin, je le sens sous mes doigts, j’actionne le bouton poussoir. Aussitôt je pose ma main au dessus de mes yeux, une clarté brillante m’aveugle.
Et là, je suis sidéré… ma bouche forme un « O » silencieux. La cave de mémé Raymonde est un véritable repaire High-tech. Le mur du fond est tapissé de graphiques, de photos, de post-it. Sur un bureau à la courbe futuriste, un Mac et des dossiers estampillés d’un logo rouge « TOP SECRET ».
Soudain, des pas dans l’escalier… je relève la tête, mon cœur tambourine dans ma poitrine.
L’homme en costume cravate et brushing impeccable s’arrête à deux mètres de moi.
— My name is Bond… James Bond !