Premier contact.
Ce fut un choc pour l'humanité. Enfin, elle savait ! La question la plus existentielle venait de trouver une réponse : les humains n'étaient pas seuls dans l'univers ni même dans la galaxie. À quelques encablures de pluton, un vaisseau extraterrestre était en stand-by. Malheureusement, impossible pour la technologie humaine de l'atteindre, seule l'observation s'imposait.
On devait la découverte à un télescope amateur. Les grandes agences d'astrophysique, occupées à scruter le fin fond de la galaxie, n'avaient jamais pensé à regarder aussi près. De là, les photos firent le tour du monde. Dans un premier temps, les conspirationnistes fomentèrent des idées plus farfelues les unes que les autres. Puis les journalistes s'en mêlèrent, interrogeant n'importe quel idiot ayant un avis. Et comme d'hab, les réseaux sociaux furent pris d'une panique irrationnelle, qui amena les représentants du monde à diffuser un communiqué.
De Trump à Poutine, de la Chine à l'Europe, tous s'étaient réunis au bâtiment des Nations Unies. D'une même voix, dans l'une des émissions les plus suivies de l'histoire de l'humanité, ils prononcèrent un discours solennel qui appelait au calme, disant que cela ne servait à rien de prendre peur.
Pour montrer leur commune et sereine assurance, un accord fut même signé, stipulant qui irait rencontrer en premier ces êtres venus d'ailleurs, si jamais ils venaient à atterrir. Le chef du gouvernement en poste du pays hôte serait le premier représentant – qu'importe qu'il soit chinois, américain, africain ou autre.
Le vaisseau se mit en mouvement. Il était inéluctable que la terre était l'objectif. Malheureusement, ses manœuvres imprévisibles empêchaient de savoir où et quand il se poserait. Alors des groupes se formèrent, des chaines humaines représentant un large « ICI » ; les entreprises même peignirent sur leur toit des cibles rondes et rouges. Les gens ne savaient plus quoi inventer. Les géoglyphes de Nazca avaient été recouverts de lampes. Tous les soirs, ces lignes que certains considéraient comme une piste d'atterrissage, brillaient de mille feux en espérant attirer l'attention de ces nouveaux visiteurs. Les pyramides d'Égypte étaient aspergées d'essence le matin pour brûler la nuit. Bref, les pseudosciences s'en donnaient à cœur joie, tandis que les complotistes scandaient qu'ils avaient toujours eu raison.
La nouvelle tomba. Le vaisseau était assez près et sa vitesse bien constante pour savoir quand et où il toucherait le sol : au Texas, Au Etats-Unis. Évidemment, cela ne fit pas plaisir à tout le monde, encore moins après la remarque du président Trump déclarant sur Twitter : « L'Amérique est la meilleure civilisation terrienne. Ce n'est pas nous qui le disons, ce sont les autres ».
Mais que pouvaient y faire les autres ? Mis à part minimiser ce manque de chance.
Dans les médias, Trump se targua de rappeler qu'il marquerait l'Histoire avec un grand H. Et quand on lui fit remarquer qu'il y avait un risque d'empoisonnement bactériologique, il répondit : « Il est impossible qu'une intelligence comme la mienne ne comprenne pas la leur, je vais même vous dire plus. Je pense que je suis le seul humain qui puisse prétendre égaler cette intelligence extraterrestre. C'est pour cela qu'ils ont attendu que je sois président et c'est pour cela qu'ils atterrissent aux États-Unis d'Amérique. »
Depuis l'apparition du vaisseau, quelques jours s'étaient écoulés. Dans le Texas, c'était l'effervescence. Bien qu'ils aient eu peu de temps pour se préparer, les Texans avaient mis les petits plats dans les grands pour accueillir les nouveaux venus : des fêtes, des masques, de la musique.
La zone d'atterrissage était maintenant certaine. L'armée maintenait un périmètre de sécurité élevé autour du fameux point X. Le vaisseau descendait dans un contrôle absolu, comme si la gravité et les vents n'avaient aucune influence. Le monde entier avaient les yeux rivés sur leur télévision. C'était un jour historique. Au contact du sol, une porte s'ouvrit et un tentaculidé en descendit. Le premier contact, la vision d'un monde futur, d'un monde meilleur. Cette entité, cette « chose » attendait devant la porte de son appareil. En y regardant de plus près, on pouvait discerner plusieurs de ses semblables, restés à l'intérieur. Une jeep arriva et Trump, arborant une cravate rouge, en descendit. D'un pas lent et hésitant, il parcourut les quelques derniers mètres à pied. Avait-il vraiment dit que ce serait lui le premier ? Il hésita un peu et s'arrêta à un mètre de la créature. Trump sentit cette sensation de peur monter en lui. Il pensa alors à tous les gens qui le regardaient sur leur écran, à l'Histoire qu'il était en train d'écrire. Les gens se souviendraient de lui, non seulement comme président des USA, mais aussi comme l'homme qui a permis le premier contact.
Il inspira profondément et commença à prononcer les mots que ses conseillers lui avaient fait répéter de longues heures.
« Moi, Donald Trump, Président des États-Unis d'Amérique, je suis ravi de vous... »
Des bruits bizarres venant du gros sauropode gluant l'empêchèrent de continuer. Comme s'il essayait de discuter. Trump, surpris, reprit son texte. C'est alors qu'un des tentacules s'approcha de son visage. Il envisagea de reculer mais en fin de compte, il se laissa toucher, pensant que c'était l'équivalent de leur serrage de main.
À ce contact, Trump eut mal. Très mal. Comme si on lui extirpait son cerveau. Il tenait à peine debout. Quand la douleur fut au plus intense, il mit un genou au sol.
Derrière, dans la Jeep qui l'avait amené, deux militaires cachés sortirent armés, mais Trump fit un geste de la main et leur ordonna d'attendre.
Trump se releva. Il regarda les extraterrestres et écouta ce qu'ils avaient à dire.
« Vous me comprenez ? dit le sauropode.
– Oui, répondit Trump.
– Désolé pour la douleur, mais vous êtes une race tellement sous-évoluée... Ce fut dur d'extraire un langage commun. »
Trump leva une main au ciel en signe de victoire. Tout autour du monde, c'était l'euphorie devant ces images. Ils parlaient notre langue, ils pouvaient extraire une langue grâce à un simple contact et l'utiliser immédiatement. De plus, cette expérience montrait que ces êtres n'étaient clairement pas belliqueux. Le sauropode à tentacules poursuivit :
« Vous êtes du coin ?
- Du coin, euh... oui enfin, c'est mon pays. C'est-à-dire ?
- Ah bien, vous allez pouvoir nous aider. »
Un gaz sortit de sa tentacule. Ce gaz prit l'apparence d'une carte de la galaxie. Le sauropode continua.
« On est un peu perdus. Pouvez-vous nous dire où nous sommes ? Nos dernières données de localisation nous situaient dans cette zone. »
Le gaz s'agrandit sur le bras local de notre galaxie. Trump regarda, circonspect.
« Euh... ben, vous êtes sur Terre.
- La Terre ? Nom de code, vous avez ?
- Non.
- Parce que dans notre base de données, nous ne trouvons rien. On cherche le festival ⊊∇⊔⊢⋹⨀. Malheureusement, dans ce système solaire, nous avons des difficultés pour communiquer avec le réseau galactique.
- Réseau galactique ?
- Oui, vous savez, G.A.L.A.X.O.N. Network. Et vous, vous y arrivez ? »
Mais Trump n'eut pas le temps de répondre. Un autre sauropode à tentacules descendit du vaisseau. Les deux eurent un contact et Trump put remarquer qu'un flux était passé de l'un à l'autre. Comme si ils échangèrent des informations. Le sauropode remonta dans son vaisseau tandis que l'autre regardait Trump bizarrement.
« On vient de reprendre contact avec le réseau. Il semblerait que ce système est un zoo biologique...
- Un zoo biologique ?
- Oui, comment dire... une zone de la galaxie coupée du monde civilisé pour qu'une espèce sous-évoluée puisse vivre paisiblement. Une sorte de réserve pour animaux. Vous êtes chercheur ? Vous venez les étudier ?
- Non, J'habite ici. Enfin, je veux dire... je...
- Vous faites partie de la Confédération galactique ?
- La Conf... quoi ? »
Le sauropode comprit la situation.
« OK. On va faire comme si on n'était pas passés, d'accord ? Faites comme si nous n'étions pas venus. C'est une erreur d'adresse. Au revoir. »
La porte du vaisseau se referma rapidement et le vaisseau décolla. Après deux minutes, celui-ci ne fut plus visible. Au milieu du désert, Trump, seul, se sentait petit et idiot. Il avait pensé que ce serait un empreur venu l'accueillir en roi, mais ce n'était qu'une famille de touristes demandant son chemin.
Bref, comme à son habitude, Trump passait pour un con.
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