Prologue !
Lili !
Allongée sur le lit, les mains et les pieds attachés en croix, un bandeau sur les yeux, il ne me reste plus que les sensations. Je connais par cœur sa façon de fonctionner, sa volonté de me soumettre et sa soif de me contrôler.
Cet homme est entré dans ma vie au moment où j’en avais le plus besoin, il m’a appris à canaliser ma colère d’une autre manière. Il m’a ouvert les portes de son monde et je lui ai donné une maîtrise absolue sur mon existence.
Les doigts qui frôlent mon corps me ramènent à la réalité, celle où je deviens l’objet de ses fantasmes, de ses désirs, de ses envies. Ma peau s’échauffe et vibre de concert. L’attente, l’excitation, le frisson de l’inconnu, l’impatience de la délivrance. Entre ses mains, je suis un instrument de plaisir.
« L’obéissance vaut une récompense et la désobéissance une punition »
Cette phrase tourne sans interruption dans mon esprit lorsque j’ai conscience que je ne vais pas apprécier la suite. Cette relation est toxique, je le sais et je suis impuissante pour m’en défaire. Je lui appartiens au même titre qu’un chien à son maître.
Des mains, je peux les sentir parcourir toutes les portions de mon corps, jusqu’aux tréfonds de ma chair. Elles s’immiscent, écartent, explorent et s’introduisent sur chaque partie de mon anatomie. Tout va si vite que je suis incapable d’en connaître le nombre. De toute façon, peu importe la quantité, tout ce que je garde à l’esprit, c’est que tous ces hommes ne représentent rien pour moi, la seule personne qui compte, à mes yeux, c’est lui.
Mon garde-fou.
Aucun plaisir, aucune douleur. Au fil des années, j’ai appris à dissocier mon corps de mon esprit. L’unique chose qui m’importe, c’est son bonheur, moi, je ne suis rien, je ne vaux rien, lui seul compte. Le rendre heureux est ma priorité, il est ma rédemption tout autant que ma prison.
Les liens se détachent, mon corps est basculé dans tous les sens, si bien que je suis incapable de déterminer dans quelle position je me trouve. Mes orifices sont assaillis, ma peau glisse et ma bouche se remplit. Telle une poupée de chiffon, je me laisse porter par les évènements, sans y prendre part. J’accepte de céder mon corps tout entier à cette débauche de luxure, mais jamais je n’y abandonnerai mon âme. C’est la dernière chose qu’il me reste pour ne pas sombrer dans la folie.
Réprimer les haut-le-cœur qui m’envahissent est, je crois, le plus difficile. Car, dans ces moments-là, je dois me concentrer de toutes mes forces pour ne pas vomir. Et, qui dit concentration, dit devoir admettre ce qui est en train de se produire autour de moi et, ça, je ne peux pas. Mon esprit s’évade et vogue jusqu’à l’après. Lorsque tous ces hommes auront quitté la pièce et que je serai seule avec lui. Parce qu’il est là.
Il est toujours là !
Son regard me couve, tel un bouclier. Il est conscient que je déteste ces séances de prêt, tout comme j’ai conscience qu’il en a besoin pour son équilibre.
Je m’interdis de penser à lui, parce que la frontière entre l’amour que je lui porte et la haine que je lui voue est mince. Si fine qu’elle pourrait me refaire basculer dans cette violence qui, autrefois, était mon quotidien, ma bouée de sauvetage, mon moyen de survie.
Une nouvelle fois, je quitte cet endroit que j’ai en horreur, ce club qui me donne envie de vomir et je me concentre sur tout ce que j’ai de merveilleux dans la vie. Tiago, mon petit frère, avec son sourire réconfortant et enjôleur. Mon père, le roc avec lequel j’ai fini par me réconcilier. Val, ma meilleure amie, toujours là quand j’en ai besoin et... il me semble qu’une autre personne fait partie de ce tableau. Je peine à me souvenir de son nom. Par contre, je me remémore très bien sa gentillesse, du confort de ses étreintes, de la douceur de ses gestes et d’un amour inconditionnel malgré ce que je suis.
Une vague de chaleur m’envahit, un bras m’enserre le ventre, je me sens prisonnière, mais je n’ai pas peur. Au contraire, ce geste paraît m’apaiser et faire ralentir les battements anarchiques de mon cœur.
J’émerge avec difficulté de mon sommeil agité et il me faut plusieurs minutes pour me souvenir où je suis et quels sont les bras qui me retiennent. Les yeux maintenant grands ouverts, je me souviens de tout, de lui, de nous.
Tout me revient en mémoire, l’angoisse s’échappe et emporte avec elle les dernières traces de mon cauchemar, l’un de ceux que je fais régulièrement, qui m’empêchent d’oublier et qui me rappellent, qu’à tout jamais, je serai liée à lui d’une manière ou d’une autre.
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