2- Plus d'excuse 2

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— Tu te moque de moi ? ça fait plus de cinq ans que tu tournes autour de moi et que je te quémande la même chose. J’irrigue ma plume à la sueur de mon front.

Je me demande si un jour j’arrêterais de me fritter avec mes gardiens d’âme. Enfin, c’n’est pas comme s’ils faisaient bien leur boulot. Soi-disant, j’aurais une vie extraordinaire et tatin, tata. Rien de très palpitant à donner à manger à quelqu’un qui te reconnais une fois sur quatre. Puis je ne sais pas. L’ambiance est différente que je le pensais. J’aurais cru tisser des liens, bavarder un peu. Mais, je viens, salue, prépare le repas, puis le sert. Trois broutilles échangées et puis je pars… pas toujours à l’heure, d’ailleurs.

Presque fini mon premier mois et je n’arrive pas à sympathiser. Il n’y a que le chat qui me donne un peu d’attention et s’est toujours pour que je lui apporte du thon.

Je le regarde de haut. Il ne réplique pas.

— Ah ! Tu n’dis plus rien, pas vrai. T’as bien raison. Ferme donc ta bouche, le silence me donne bien plus.

Je cherche à me détourner de lui, mais j’ai oublié qu’il possédé une force d’attraction assez élevé. Je ne parvins pas à le quitter des yeux.

—Un truc d’intelligent à dire ou on se dévore du regard toute la soirée. J’ai des choses à faire.

— Comme quoi ? Te décourager, alors qu’on sait tous les deux que t’as du potentiel à revendre. Il est où le Léandre du mois de février avec plein d’idées à concrétiser.

— Dans sa coquille. Il a peur. Il se dit que rêver ça va un peu, mais finalement, est-ce qu’on peut vivre de ses récits quand on n’est personne ?

— Arrête de te rabaisser et tente l’expérience pour une fois. Tu as un rendez-vous avec pôle emploi, réexplique-leur que tu as envie de te lancer. Ne sait-on jamais, ils auront peut-être un truc pour toi.

Il tire une chaise créée de toute pièce derrière lui, s’assoit comme si on allait parler toute la soirée. En fait, ça ne me dérangerait pas. Pourtant, je n’essaierais pas. Lui et moi, c’est un peu comme le feu et la glace. On finit toujours par s’engueuler. Enfin, je finis par lui jeter tous plein de noms d’oiseaux pour la simple raison qu’il ne m’exauce pas comme je le voudrais. Pour moi, s’il est l’ange de la fertilité, il devrait parvenir à me donner les mots juste et faire que mes bébés de papier voient un jour la lumière de mon monde.

— Ouai, comme tu dis. On verra bien.

Je me replonge sur l’écran tout en épiant Haraël sur le côté en train d’entortiller ses longues boucles à ses doigts. De tous les êtres que j’ai créé à partir de mon imagination, c’est celui qui reste le plus souvent avec moi. Il se tait, observe, parfois il vaque à des occupations de scribe, d’autre fois, il s’anime à broder des images entre elles. Du moment qu’il reste silencieux, je n’en fais pas tout un fromage. Après tout, ça me fait de la compagnie.

D’ailleurs en en parlant, j’entends la sonnerie de Messenger. C’est Eronne. Il me propose une sortie pour la semaine prochaine. J’avoue que ça me fait un peu bizarre de le revoir en dehors du stage. Ma foi, je ne dis pas non. J’ai besoin de cette connexion avec le commun des mortels. J’espère qu’une amitié découlera de notre correspondance. Il dévie sur son envie d’ouvrir une maison d’édition, je l’encourage alors que je ne suis pas encore fichu de savoir si je peux accéder à mon rêve de roman.

Ronnie

Je me suis renseigné auprès de mon amie. Elle veut bien me donner tous les conseils possibles à la réalisation de ce projet qui n’est encore qu’une idée. J’n’te cacherai qu’en ce moment, j’ai besoin de changement. J’ai commencé à travailler dans une parfumerie, mais je remarque bien que ce n’est plus pour moi. Je n’y arrive pas. Et je ne suis pas chiant niveau boulot. L’ambiance est super agréable. Je ne sais pas comment l’expliquer, c’est le fait de me connecter plus à mes désirs. Je veux autre chose.

Léandre

Et c’est tout à ton honneur. Moi, je piétine, j’ai peur, alors je reste dans ce que je connais. Pourtant, je t’avoue qu’il y a quelque chose en moi qui change. Je n’sais pas encore quoi, ou ne pourrais pas le déterminer dans son exactitude, mais je vais peut-être arrêter de me chercher des excuses et je vais recommencer à marcher. Après tout, on ne change pas du jour au lendemain. Il me faut une tonne de documentation pour être certain que le chemin où je marche est le bon.

Ronnie

Je suis un peu comme toi, cependant et pour une fois, je vais me donner une chance de faire différemment. En ce qui concerne ta petite nouvelle, courte et concis, elle est sympa. J’ai l’impression que tu as plus de facilité à écrire des textes simples, sans fioriture. Tu répètes moins des choses que le lecteur a déjà intégré.

Léandre

C’est vrai. On me l’a déjà fait savoir. Mais que veux-tu ? Rares sont les maisons d’éditions à vouloir des textes de moins de 30 000 mots. J’essaie d’améliorer ce côté redondant. Sans pour autant faire trop court.

Ronnie

T’as pas dit que tu avais dans l’idée de t’autoéditer ? Pourquoi tu n’tentes pas ? Franchement, c’n’est pas moche ce que tu écrits. Et je suis convaincu qu’il y aura un publique. Je n’te dis pas que ça va fonctionner dès le début, mais d’année en année, tu pourrais avoir une petite communauté. Si tu attends derrière les ME, tu auras fait des cheveux gris.

Léandre

J’y pense beaucoup ces temps-ci.

Haraël expire un rire, ça façon de me dire : « Pourquoi, quand c’est lui qui te le dit, ça passe crème, et qu’avec moi c’est du remballage direct ? ». Bon, évidement, il le tournerait autrement, mais j’entends sa pensée.

Je lui lance une œillade. Une moue bougonne se forme sur mon visage. Comme un gamin, je tire la langue à un être invisible, il sourit de plus belle, illuminant la pièce puis replonge sur son ouvrage. Le fil rouge suit l’aiguille ornant l’image d’un vieux couple de broderies fines et soignées.

Léandre

Franchement ? Je vais le faire. T’as raison, si continue à attendre qu’on me serve ce que je désir, je serai déjà super ridé et probablement encore chez mes parents. J’ai plus envie de ça.

Ronnie

Alors fait ce qu’il y a faire. J’ai bien compris que tu suffoquais dans ta vie. Quand on parle comme ça, sans se voir, tu sembles plus libre de raconter l’histoire de ton cœur et j’adore ce côté de toi. Ne ris pas, mais c’est grâce à toi que j’ai envie de me laisser une chance. Il y a un truc qui brille si fort, ton âme. J’ai envie de te suivre. Alors vas-y ! Tu sais que tu peux le faire !

Léandre

C’est vrai. Je vais le faire. Je sais que je vais chouiner, que je vais galérer, mais putain, j’ai trop envie de sortir mon roman, créer ma propre couverture, avoir cette semi-fierté de me dire : « c’est moi qui aie fait ça ! ». Vas-y, prend les paris. Où j’en serai dans un an ?

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