Aujourd'hui, je ne vais pas réussir mon défi. Le texte que je m'apprête à écrire ne rentrera pas dans la catégorie des nouvelles, encore moins dans celle des plus petites d'entre elles. Néanmoins, j'aimerais vous narrer une histoire que cette statue m'évoque.
Il y a quelques années, j'ai effectué deux échanges scolaires au Japon. Lors du premier d'entre eux, nous en avons profité pour nous rendre à Hiroshima lors d'un week-end avec une amie qui étudiait le japonais dans la même université française que moi. Le mémorial de la Paix était empreint d'un tas d'émotions. L'électricité était palpable dans l'air. D'ordinaire très bavardes, nous sommes restées silencieuses devant la statue de Sadako. Nous échangions nos larmes et non nos mots.
Il se trouve que, comme Martin Luther King, Sadako aussi fit un rêve. Dans le sien, elle était devenue une adulte en bonne santé, soulevant un trophée à la suite d'une course à pied qui l'avait menée droit au succès. Mais elle se réveilla dans sa chambre d'hôpital. En tous cas, c'est ainsi que je l'imagine.
Sadako est née en 1943. Quand elle n'avait que deux ans, elle habitait à Hiroshima. Elle ne se trouvait qu'à deux kilomètres des bombardements dont nous avons tous déjà entendu parler. Neuf ans plus tard, après avoir remporté un relais avec son équipe, elle se sentit faible. Le couperet froid et violent du diagnostic finit par tomber lourdement sur sa petite tête d'écolière : une leucémie lui grignotait le système sanguin. Sa meilleure amie lui apporta un orizuru, un origami en forme de grue, lors de l'une de ses visites. Selon la légende, en confectionner mille aurait pu amener les dieux à guérir Sadako. Pleine d'espoir, et avec l'aide de sa famille, la fillette s'attela à la chose. Petit à petit, un autre rêve se forma dans son esprit. On aurait pu croire que celui-ci allait être parsemé de haine et de ressentiment, mais ce n'était pas le cas car elle ne souhaitait pas se venger. Elle voulait simplement guérir, courir, et aussi apporter de la paix et non de la haine dans ce monde. Malheureusement, elle décèda un an plus tard après avoir effectué plus de la moitié des pliages.
Comme elle et les siens n'avaient pas atteint leur objectif final, ses camarades de classe reprirent le flambeau afin de récolter assez d'argent pour ériger une statue à l'effigie de leur amie. Celle-ci se trouve actuellement au parc mémorial de la Paix de Hiroshima. Sous le dit monument, nous pouvons lire : « Ceci est notre cri. Ceci est notre prière. Pour construire la paix dans le monde. »
Si je me rappelle bien l'écriteau que j'ai lu lorsque j'ai visité ce lieu à la fois lourd et léger, comme hors du temps, ces enfants, dont Sadako, ne souhaitaient pas détruire les Etats-Unis. Ils rêvaient d'harmonie. Comme c'est curieux...Au Japon, le terme Heiwa signifie les deux à la fois : l'harmonie et la paix, telles deux amies avançant main dans la main, lentement mais sûrement, habitées d'une confiance absolue, presque aveugle, l'une en l'autre.
Moins d'une décennie s'était écoulée lorsque, justement aux Etats-Unis, Martin Luther King prononça son discours emblématique en 1963. Il ne vivait pas au Japon et il luttait activement contre le racisme. Pourtant, malgré leurs évidentes différences, Sadako et Martin se ressemblent. Sadako ne deviendra jamais une grande coureuse. Son premier rêve fut étouffé dans l'œuf. Mais je pense, peut-être naïvement, que la paix est un rêve qui peut se réaliser post-mortem. La paix n'est pas qu'un résultat parfait, elle peut aussi prendre la forme de graines que l'on sème autour de nous.
Aujourd'hui, j'ai raté mon défi sur bien des points. Je vérifie toujours plusieurs fois le nombre des caractères, espaces compris. Mais, pour une fois, je ne vise pas la perfection. De toute façon, je ne l'atteins jamais. Quoi qu'il en soit, même si j'ai échoué, j'ai peut-être réussi à vous transmettre un petit bout de l'histoire de ces gens qui font tout pour que nous vivions dans le meilleur monde possible.