6.     L’annonce de Chloé

 

— Que ça te plaise ou non, c’est comme ça, papa !

— Mais, Chloé ! Pourquoi tu nous fais ça ?!

— Je vous fais quoi ? Je vous annonce juste que je ne veux plus cacher le fait que je suis homo papa ! Quoi ? Ça te fout la honte dans le village, c’est ça ?

Victor respira bruyamment puis tenta de répondre plus calmement à sa fille.

— Mais non, tu es ma princesse, ma seule fille. Je voulais pouvoir te conduire à l’Autel le jour de ton mariage…

— Ben, rien ne m’empêche de me marier… Avec une fille

Elle sourit en coin, s’amusant de l’air décomposé de son père qui lui répondit, assez vivement,

— Oui, c’est ça, toutes les deux en robe ! Ou alors y a une qui mettra un costume, c’est ça ?!

Elle leva les yeux au ciel puis lui dit,

— Quelle que soit la façon dont je me marierais, si ça m’arrive un jour, tu pourras m’accompagner pour choisir ma robe, papa !

Elle éclata de rire, son père fut contaminé par ce rire qu’il adorait chez sa fille, mais garda un œil triste, il avait rêvé d’autre chose pour sa fille, d’une vie bien tranquille, traditionnelle ; elle habiterait pas trop loin de ses vieux parents et leur ramènerait souvent les quelques petits enfants qu’elle leur aurait donnés. Il y avait plusieurs beaux partis dans la région.

Il fut un temps, il avait même repéré qu’elle sortait avec Gaétan, le fils d’un couple très bien vu dans la région, des amis, en plus. Il avait compris qu’ils n’étaient plus ensemble lorsqu’il fila faire des études de vétérinaire à Liège et elle, des études d’architecte à Bruxelles. Ils se voyaient toujours, mais il avait plus l’impression qu’ils se fréquentaient comme frère et sœur. Maintenant, il comprenait pourquoi.

Revenant au présent, il demanda à sa fille,

— Et ta mère, elle est au courant ?

— Oui, je le lui ai dit hier.

Surprit, mais aussi un rien déconfit, il lui demanda,

— Et ?

— Et, elle n’en a pas fait un fromage, elle m’a juste souhaité d’être heureuse, et m’a indiqué que c’est la seule chose qui lui importait.

Victor baissa la tête et acquiesça.

— Moi aussi, je ne veux que ton bonheur Chloé. Tu as toujours été ma princesse, notre petite dernière. J’ai du mal à te voir grandir et à te laisser partir.

Chloé lui fit de gros yeux et lui dit,

— Ah ben, ça ! Oui, elle a grandi la princesse ! Et elle vole de ses propres ailes, papounet !

Victor sourit. Après un soupir, il lui dit,

— D’accord, je vais te laisser à tes occupations. Tu dois étudier, non ?

— Oui, je dois… Mais je vais d’abord mettre les photos du Nouvel An en ligne ; c’était une super soirée !

— Elle se passait où cette fête, à Tournai, c’est ça ?

— Oui, une super petite ville !

— Bon, allez, je te laisse, sinon je vais continuer à te mettre en retard pour tes révisions… Pour tes études de stylisme !

Le ton de Victor se fit un peu moqueur, Chloé lui tira la langue, comme elle le faisait déjà petite, lorsqu’elle voulait montrer qu’elle ne changerait pas d’avis.

Il laissa sa fille dans sa chambre, Chloé se mit à trier les photos qu’elle comptait mettre en ligne. Après avoir demandé leur accord à toutes les personnes figurant sur lesdites photos, elle commença à les poster sur les réseaux sociaux.