Ballet aérien

2 minutes de lecture

Jeudi 05 décembre 2019

Aujourd'hui, une énième grève des transports dont la cause, au fil de ses innombrables consœurs, a fini par m'échapper, me contraint à rester chez moi. Une chance, sans doute, puisque j'ai reçu un message, hier, m'indiquant qu'un colis requérant ma signature devait arriver ce jour. Bien évidemment, le transporteur n'a pas cru bon de me préciser l'heure de la livraison – pas même une estimation. Je me lève donc aux aurores, j'avale un café bien chaud, puis je me poste à la fenêtre pour être certaine de ne pas louper l'arrivée du facteur. Ces derniers temps, il m'est arrivé plusieurs fois de recevoir un avis de passage sans que personne n'ait sonné.

Fatalement, le destin s'acharne et, alors que la matinée est déjà bien avancée, je reçois un e-mail m'informant que mon colis, faute de moyen de locomotion, ne me parviendra pas aujourd'hui.

Quitte à être debout, je me décide à plancher sur le dossier que je dois rendre dans deux semaines et dont je n'ai encore pas écrit la moindre ligne. Allez savoir pourquoi, alors même que le sujet que j'ai choisi était une évidence pour moi, je peine à trouver la motivation nécessaire. Trop personnel, sans doute. Cela me rend frileuse. D'un autre côté, j'ai bien envie de consacrer ce temps libre à quelques uns des textes que j'ai laissés en suspens. Me voilà alors tiraillée entre mes responsabilités d'étudiante et ma créativité dévorante. J'ai souvent cru pouvoir réconcilier les deux, mais le système ne m'a que rarement laissé l'occasion d'aller au bout de mes idées.

Tandis que la culpabilité me ronge – parce qu'en définitif, incapable de m'atteler à mon devoir et me retenant de céder à mes pulsions d'auteur, je ne produis rien du tout – , je tourne la tête vers la fenêtre pour me soustraire un instant à la pesanteur de mon futile dilemme. Je vois alors un grand héron prendre son envol, depuis la rivière, et battre des ailes pour fendre les cieux. Au même instant, sous la queue panachée de l'animal, se répand une fine traînée blanchâtre, comme la trace d'un avion. À ceci près que la ligne claire que laisse l'oiseau dans son sillage ondule, charriée par les courants aériens. Le filet blanc, gracieusement, vole au vent et je l'observe, fascinée. Alors, seulement, la vulgarité du réel me rattrape : cet élégant ruban qui ondoie dans le ciel blême, c'est de la fiente.

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