De celles

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J'ai écrit ce texte il y a quelques années. Il a inspiré Patrice Meunier, poète de Granville, dont je vous invite à découvrir la plume (en italique).


Je suis celle que l'on prend au sérieux
Même quand son cerveau fait des nœuds.
Je suis celle débitant des conneries à la minute.
Détonnant en ne craignant pas de parler turlutes.
Je suis celle à qui l'on peut causer sans tabous.
Qu'il ne faut cependant pas pousser à bout.
Je suis celle qui hait en tout point l'obscénité,
La retournant contre ceux dont c'est la spécialité.
Je suis celle qui n'a pas la langue dans sa poche
Mais qui sait la remballer quand ça devient auch.
Je suis celle qui fait de sa fragilité une amorce,
Qui en connaît donc d'autant plus sa force.

Je suis de ces hommes bien trop respectueux
pour vous déshabiller et passer après ma queue.
Je suis de ces rois majestueux forgés dans du tantale
mais qui acceptent humblement le sort de Tantale.
Je suis de ces arbres conquérants pointant vers le ciel
toute leur vie durant, leur cime vierge de tout fiel.
Je suis de ces océans, salés de mes propres larmes
versées pour vous et qui rouillent mes armes.
Je suis de ces murs vétustes qu'habille le lierre,
mais liés de vos ciments et qui deviennent centenaires.

Je suis de celles que l'on a déjà vu se relever
Et aussi qui de soutien n'ont jamais été privées.
Je suis de celles qui assument leur côté masculin,
Tout en n'oubliant pas d'adopter la grâce du félin.
Je suis de celles qui se veulent femmes-enfants
Pour conserver un peu de l'insouciance d'antan.
Je suis de celles dont les charmes sont admirés,
Qui n'aime pas dans ces bagatelles se mirer.
Je suis de celles qui s'habillent de tendresse.
Sachant être mordantes lorsque tenues en laisse.
Je suis de celles prônant l'égalité des sexes
Car les femmes sont tout aussi complexes.

Je suis le pavé de la rue battu par vos bottines pointues,
mais je voudrais être tapis pour caresser vos pieds nus.
Je suis la pluie, je suis l'orage qui gronde dans vos corsages
lorsque vous pleurez aux viols qui forcent vos corps sages.
Je suis le livre confident,
aux pages écrites de vos déboires,
lorsque vous me confiez prudemment
les plus noires de vos histoires.
Je suis de ces caresses,
au parfum huilé sur vos corps appliquées,
je suis de cette infinie tendresse
par mes mots exposée dans vos cœurs commotionnés.


Je suis celle se vivant, se voyant bien ordinaire,
À qui l'on dit évidemment tout le contraire.
Je suis celle qui n'a pas la tête sur les épaules...
Qui a dû la donner à Pierre, Jacques ou Paul.
Je suis celle à qui l'on offre de belles romances,
Seulement le papier cadeau est enlevé à l'avance.
Je suis aussi celle qui aime et donc ne compte pas.
Forcément, l'Amour plus un Moi : ça fait trois.
Je suis celle qui a un cerveau à la place du cœur,
Qui réfléchit avec raison à la notion de bonheur.
Je suis celle qui apprend à demeurer entière.
Tantôt douce fleur ou tumultueuse rivière.

Mais je ne suis cela que parce que vous êtes femme,
je ne suis homme que béni au bathysphère de votre âme,
je ne suis roi qu'au royaume où règnent les dames,
je ne suis arbre que dans une forêt d'essences féminines,
je ne suis océan qu'au bain de vos sueurs marines,
je ne suis mur que sur vos fondations qui m'enracinent,
traversant les pavés, déchirant les tapis,
et tagué ... de vos sourires ravis.


Vos orages ne m'effraient point !
car si je vous viole, c'est de ma plume !
pour forcer le destin,
pour une nouvelle chandelle qu'on allume
afin d'ajouter du rêve que j’imagine
aux pages blanches délavées d'amertume,
de vos carnets intimes,
cadenassés et voilés d'une indicible brume.

J'aurais aimé être votre prince au sang d'encre
et au sceptre porte-plume,
mais je ne suis qu'un serviteur des mots,
qui de son art présume.

Je suis de celles à qui l'on ne sait donner d'âge
Car marquées par le temps et ses engrenages.
Qui par l'auto-dérision s'illustrent,
Se camouflent derrière une apparence rustre.
Je suis de celles que parfois l'on ne remarque pas
Mais qui s'obstinent à briller pour ceux qui la voit.
Je suis de celles qui n'ont de cesse d'étonner,
Soucieuses de n'être jamais vraiment cernées.
Je n'attends pas que tout le monde m'aime
Car je suis juste de celles fidèles à elles-mêmes.

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