Epilogue 1/2 : Le monde presque parfait du Breton

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Eliaz

— Mais non, tu ne peux pas écrire ça ! C’est n’importe quoi ! On dirait que tu veux juste faire des ventes, là. Tu appelles ça du journalisme ?

Je regarde Adèle, exaspéré, alors qu’elle arbore un grand sourire et continue à taper ce qu’elle a commencé, sans même prendre la peine de me répondre. Et même si elle est craquante dans sa petite robe printanière qu’elle met pour la première fois cette année après un hiver particulièrement frais, j’essaie de garder mon focus sur l’article qu’on doit rendre dans quelques jours. Il ne faut pas que je craque et que je la laisse remporter notre dispute avec un baiser ou pire, juste avec un sourire. Quitte à céder, il faut que j’arrive à négocier au moins une pipe, non ?

— Fais attention à ce que tu dis, Kerouaec. Je te suggère d’aller voir Véronique si tu doutes de mon professionnalisme, c’est elle qui m’a embauchée.

— Il va vraiment falloir que tu m’invites quand tu utilises ton corps de rêve pour la convaincre que tu sais écrire parce que, franchement, j’adorerais te voir lui faire oublier jusqu’à son prénom. Tu es sérieuse quand tu dis que ce style de questions réponses est une bonne façon de présenter les pilotes de Formule 1 du paddock les plus ingénieux dans leurs réglages techniques ? D’ailleurs, Alonso a répondu à ta demande d’interview ?

— Oui, et oui. Je crois que je lui ai tapé dans l'œil au grand prix de France, l’an dernier. Ça aide !

Heureusement qu’il n’est plus de première jeunesse parce que sinon, je crois que j’aurais vraiment du souci à me faire. Adèle fantasme sur lui depuis des années et s’il lui fait des propositions indécentes, je ne suis pas sûr qu’elle puisse y résister longtemps.

— Tu tapes dans l'œil de tous les mecs que tu croises, c’est pas possible d’avoir autant de succès, grommelé-je alors que Véronique passe la tête à la porte de l’aquarium.

— Vous n’en avez pas marre de vous chamailler ? Je vous vois depuis mon bureau, vous savez ? Et à part Adèle qui semble écrire un peu sur son ordinateur, ça n’a pas l’air d’avancer vite, votre article.

— Nous ne sommes jamais aussi efficaces que lorsqu’on se chamaille, Cheffe. Arrête de ronchonner, confronter les idées, c’est productif. Et excitant, aussi, n’est-ce pas, mon Lapin ?

— Tu sais bien que ce qui est excitant, ce n’est pas de te voir écrire tes bêtises, mais ton joli cul, répliqué-je alors que notre cheffe lève les yeux au ciel.

Je crois qu’elle a capté que nous étions en couple, mais elle n’a jamais fait aucune remarque. De toute façon, notre relation est difficile à classifier. Nous passons presque tout notre temps ensemble depuis que je lui ai avoué que je l’aimais et que nous avons fini la soirée chez elle, dans son lit. Nous sortons à deux, nous vivons chez l’un, chez l’autre, mais durant tous ces derniers mois, jamais elle n’a répondu à mon attente de l’entendre dire qu’elle et moi, c’est autre chose que du sexe et de l’amitié. Pourtant, je n’avais pas coché la case “Friends with benefits” sur le site de rencontre.

— Fais gaffe, le Breton, si tu aimes tant mon cul, possible que ce soit tout ce que tu voies pendant un bon bout de temps si tu continues à dire que j’écris des bêtises. Et je précise : voir, seulement voir.

— Le spectacle en vaut tellement la peine que je vais peut-être encore en rajouter pour que cela arrive au plus vite ! Et Véronique, au lieu de te moquer de nous, dis-lui, toi, que son approche du sujet ne vaut pas un clou. Journalistiquement parlant, c’est nul, non ? Même si ça fait vendre, ce n’est pas tout ce qui compte, quand même !

— Tu feras moins le malin quand tu devras te contenter de ta main droite, marmonne Adèle.

— Mon petit Eliaz, Adèle est un génie et quand elle écrit avec toi, c’est encore mieux. Elle met la touche de folie et toi, le sérieux et la rigueur. A deux, vous formez une équipe de choc. Et en plus, c’est vrai qu’elle a un beau cul, pouffe-t-elle en refermant la porte.

— Je te jure que je n’ai jamais couché avec elle, glousse ma collègue. Promis, ça va être top, arrête de ronchonner et fais moi confiance. Je n’irais pas jusqu’à dire que je suis un génie… mais j’ai déjà fait, c’est sympa.

— Tu crois que je peux négocier un bisou pour arrêter de ronchonner ? tenté-je en posant ma main sur sa cuisse.

Clairement, elle est trop forte pour moi, je n’arriverai jamais à aller jusqu’à la pipe que j’espère elle me donnera quand même vu qu’elle adore ça.

— On est au boulot, un peu de tenue, Beau Gosse, sourit-elle sans me repousser.

— Madame joue à la jolie fille sage et raisonnée ? C’est nouveau, ça ? En fait, tu as peur de t’afficher avec moi, la provoqué-je en souriant. Je suis sûr que tu n’oseras jamais m’embrasser là, devant tout le monde. Mais si tu le fais, OK pour ton approche.

— Tu te rends compte que tu me fais du chantage ? Ça se paiera, ça, tu en as conscience ?

— Tant que je peux payer en nature comme d’habitude, ça me va. Je t’aime tellement que je suis prêt à te payer jusqu’à la fin de ma vie, moi !

— Pourquoi j’ai l’impression de me faire avoir et que tu aimes un peu trop payer ? rit-elle avant de se pencher pour poser ses lèvres sur les miennes.

Comme à chaque fois, ce simple contact, qui est beaucoup plus éphémère que nos baisers passionnés habituels, me met en joie. Et c’est évident qu’elle risque de me demander plein de choses ce soir, mais j’aime tellement lui faire plaisir que ça ne sera vraiment pas une torture.

— On finit ça avec tes questions et on va au restau, après ? J’ai envie de nourriture libanaise ce soir, ça te dit ?

Oui, nous sommes un vrai petit couple qui sort et qui profite de la vie. La seule chose qui me manque, c’est que je me dis que du jour au lendemain, tout peut s’arrêter. Elle a tellement peur de l’engagement que j’ai l’impression d’avoir un CDD à terme imprécis. Chaque jour peut être le dernier et ça rend chaque instant plus intense. Mais parfois, qu’est-ce que j’aimerais qu’il se transforme en CDI !

— Va pour du libanais, ça me va. On n’y va pas trop tard, par contre parce que tu as un paiement à honorer. Chez toi ou chez moi ?

Oui, ça, c’est un autre souci de notre relation un peu bancale. Nous n’avons pas de chez nous et on alterne, au gré des envies, des présences de nos colocs respectifs. Pas forcément la vie que j’imaginais, mais pour elle, je m’adapte à tout.

— Chez moi, Rémi est en ville et donc, ma sœur… Enfin, tu vois le tableau, hein ? Elle adore ton ami basketteur !

— Hum… j’espère qu’il la traite bien. Je crois qu’il me reste des vêtements chez toi, ça m’évitera de repasser par la coloc demain matin.

— Tu as tout ce qu’il te faut, sauf un pyjama. Je crois que tu seras obligée de dormir toute nue. Encore une fois, rigolé-je alors qu’elle me donne une petite tape gentille sur le bras et se remet au travail.

Nous parvenons à bien avancer dans l’article, de la manière la plus simple qui soit, malgré quelques chamailleries que j’avoue finalement apprécier, et nous sortons ensemble de LifeX, ravis que le printemps soit là. A peine nous sommes-nous éloignés de la rédaction qu’elle me saute dessus et me surprend en me roulant une pelle comme elle seule sait en donner. Elle y met tout son être et je suis incapable de résister à une telle fougue. Lorsqu’enfin nous parvenons à nous détacher, le sourire qu’elle me lance fait fondre encore plus mon cœur.

— Arrête, je suis déjà tellement accro que tu risques de me rendre vraiment fou quand tu me souris comme ça.

— Il faut croire que j’aime te rendre fou. Tu as de la chance que je ne sois pas rancunière, vu que je fais apparemment un boulot qui ne te plaît pas.

— Tu sais bien qu’au final, j’adore toujours ce que tu écris. C’est juste que… tu ne respectes aucune règle ! Tu arrives toujours à me surprendre ! C’est rageant parfois, parce que moi, je dois bosser deux heures là où toi, tu passes dix minutes. Tu es un génie, Véronique a raison.

— Je déteste faire comme les autres, que veux-tu. Et j’avoue que j’adore quand ça t’énerve, minaude-t-elle en agrippant ma chemise pour m’embrasser à nouveau.

Nous parvenons enfin au restaurant libanais et nous suivons le serveur qui nous installe à une petite table, au fond de l’établissement. Je n’ai d’yeux que pour Adèle qui s’assied en face de moi quand une voix que nous connaissons nous interrompt.

— Mais c’est pas possible, ça ! Vous me suivez ou quoi ? Pas moyen de se débarrasser de vous !

Nous tournons tous les deux la tête dans une parfaite harmonie et j’hallucine quand je vois que c’est James qui est là.

— Non, mais tu fais quoi, là ? C’est toi qui est en train de nous surveiller ! Tu savais avant nous qu’on allait venir manger ici ou quoi ?

— Bien sûr que non, comme si j’allais choisir le même restau que vous pour mon rencard ! Enfin… deuxième rencard. Il marche du tonnerre, votre site de rencontre. Je vous propose pas un double date, par contre, il est bi, y a trop de chance pour qu’il parte avec l’un de vous deux.

— Oh tais-toi ! le disputé-je. Après, Adèle va me tanner pour qu’on fasse un plan à quatre. Je ne partage pas un bijou comme elle, moi !

— Mais… je ne partage pas non plus ! me réprimande-elle. Qu’est-ce que tu racontes ?

Oh que j’aime entendre ça ! Sa jalousie, mal placée parce que je ne vois qu’elle, me fait plaisir car ça montre que je ne suis pas qu’un plan cul.

— Si tu veux, on reste là le temps que tout soit sûr pour toi. Tu te souviens quand tu as fait ça pour Adèle alors qu’elle allait me rencontrer ? Et promis, je ne ferai rien pour le draguer !

— Eh bien, vous me porterez peut-être chance, vu que ça roule, vous deux. Mais bon, deuxième rencard, je pense que je vais le suivre s’il m’invite à poursuivre la soirée.

— Bonne chance, alors.

Je reporte mon entière attention sur la beauté un peu folle qui me fait face et qui me dévore des yeux.

— C’est ton coloc qui t’excite ainsi ? lui demandé-je alors qu’elle pose une de ses mains sur la mienne.

— Pas vraiment, non. Tu sais qu’ils font à emporter, ici ? J’ai bien envie de sauter la soirée restau… pour te sauter dessus. Désolée, tu sais que le romantisme et moi, ça fait deux !

— C’est parti, ma Chérie ! Désolé, James, on te quitte ! lancé-je en me levant. Nous, on passe directement à la case plaisir ! Bonne chance avec ton date !

J’adore ce grain de folie qu’Adèle possède naturellement. C’est clair qu’elle n’est pas romantique pour deux sous, mais avec elle, on ne s’ennuie jamais. Et franchement, je ne lui demanderais de changer pour rien au monde.

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