La Coterie
François se vautra dans un fauteuil de vieux cuir râpé, installé à côté d'une pile de revues Europe Moto Magazine non distribuée. Il jeta la dernière parution.
— J'en ai vraiment marre. Je ne veux plus y adhérer, même si j'ai mis pas mal de billes là-dedans depuis dix ans.
— Tu crois que Gueux d'Route sera mieux ? lui demanda Momo, un jeune qui logeait à la Coterie. François "l'embauchait" comme homme à tout faire dans les domaines de sa mère. La mécanique c'était son truc, l'élevage pas du tout. Il pouvait customiser une moissonneuse batteuse en véritable objet d'art.
— Pour les "roule toujours", oui ! Pour les autres on s'en fout. Nous devons cultiver nos atouts : faire de la route, porter le casque bol et le barbour, rouler en anglaises. Ce sont nos signes de reconnaissance. Affichons-les. Ne craignons pas la dictature de la majorité bien pensante. Le monde de la moto ne doit pas plier sous le joug des constructeurs japonais.
— François, vous parlez comme un livre.
— Normal, j'écris mon article à haute voix.
L' accoutrement vestimentaire de François détonnait avec le langage utilisé parmi ses "potes" les jeunes motards. À croire qu'il n'avait jamais voulu quitter l'adolescence bien que l'âge qu'il affichait malgré lui, accusât l'empreinte du temps.
La Coterie avait été transformée en imprimerie confidentielle pour l'impression des journeaux spécialisés tels que Europe Moto Magazine, et bientôt, les Gueux d'Route qui devait sortir sous peu. La Coterie était également un centre d'accueil pour les motards passionnés qui jouaient dans les prés avec leurs machines tout-terrain. Le bruit des mécaniques avait fait fuir les brebis qui s'étaient réfugiées tout au fond du domaine.
Le voisinage plutôt curieux surveillait le changement de cette ferme autrefois occupée par un bon éleveur de la famille des Giraud, le cousin de l'ouvrier qui venait de quitter l'Abbaye. La Coterie était l'objet de toutes sortes de bavardages qui alimentaient les salles de café du bourg d'Usson-du-Poitou.
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