Chapitre septième
Le nouveau venu disait s'appeler Halvard, mais il n'avait pas une tête d'homme du nord. Il était grand, sec, le teint basané. Godric n'aurait pas été étonné de savoir qu'il avait du sang maure dans les veines, même si celui-ci s'en défendait. Sa mère venait d'Espagne, disait-il et quant à son père, bien qu'il ne l'ai pas connu, il lui attribuait une ascendance prestigieuse et ancienne. Pour le moment, ils devaient se concentrer sur leur travail.
Étendu sur son lit, Godric songeait à ce qui les attendait le lendemain dans ces tunnels. Rowena, Halvard et lui-même devraient se montrer prudents, d'autant qu'Halvard, malgré un talent magique indubitable, ne possédait pas de baguette. Mais après tout, ce pourrait être un avantage : il semblait en effet avoir été formé à des formes de magies qui se perdaient en Angleterre, des formes de magie que les gobelins utilisaient dans leurs dédales pour causer la perte d'éventuels intrus. Il s'occuperait des goules et autres créatures avec Rowena, Halvard pourrait se consacrer à détecter les enchantements. Oui, cela serait suffisant.
Il partageait désormais sa chambre avec cet étranger, tandis que son amie et son élève en partageaient une autre, à côté. Il aurait préféré garder Gwendoline auprès de lui : Rowena allait lui enseigner des âneries ! Mais après-tout, peut-être s'était elle assagie depuis leur adolescence. Godric se souvenait encore de la colère noire de son père, qui lui avait enseigné la magie, lorsque celle-ci avait franchit un interdit sans lui en parler. Enfants, ils se voyaient régulièrement et chaque rencontre donnait lieu à des échanges sinon studieux, au moins très productifs sur le plan des apprentissages magiques. Rowena adorait étudier, apprendre et si certains sortilèges la rebutaient, elle excellait dans presque tous les domaines, surtout théoriques. Incollable en astronomie, connaissant par cœur des dizaines de recettes de potions, son père tirait une grande fierté de sa fille chérie. Mais ce jour où elle avait essayé, avec succès, une métamorphose dangereuse, il l'avait agonie de reproches et sévèrement punie. Ce n'est que plusieurs années plus tard qu'il avait avoué sa fierté de l'événement, mais qu'il avait eut très peur. Se changer soi-même en animal peut avoir des conséquences très graves. Certains sorciers avaient définitivement disparut suite à leur inexpérience. Mais Rowena avait réussi et elle faisait partie à présent du peu de sorciers à pouvoir s'appeler animagus. Et puis, se changer en corbeau pouvait se révéler très pratique, pour voyager en premier lieu.
Godric se demandait bien en quoi il se changerait s'il devenait Animagus. La transformation était propre à chaque sorcier et il n'avait jamais ressenti le besoin d'obtenir cette compétence. Un jour peut-être, mais pas aujourd'hui, ni demain. Maintenant qu'il enseignait lui aussi, il se demandait s'il devrait aborder ce pouvoir avec Gwendoline ou pas. Elle n'était pas prête. Trop jeune, inexpérimentée et tête en l'air, elle aurait pu se transformer en chaton et finir ses jours sous cette forme en chassant les papillons. Sur cette pensée qui le fit sourire, Godric s'endormit.
Ce fut Halvard qui le réveilla aux aurores. Il faisait sa toilette sans trop de discrétion et le bruit des éclaboussures eut raison du sommeil léger du jeune sorcier. Il observa le corps nu d'Halvard : il était maigre comme un clou.
— Au moins toi, les goules risquent pas de te bouffer : y'a rien à manger.
— Par contre tu devrais te méfier, toi, répliqua t-il. Tu dois sembler appétissant pour ces créatures.
Godric resta interdit, puis rit de bon cœur. Halvard pouvait faire preuve d'humour, un humour particulier, mais ce n'était pas pour déplaire à un anglais.
Les deux hommes, sensiblement du même âge, avaient eut des parcours radicalement différents. De ce qu'avait compris Godric, Halvard s'était forgé lui-même son nom, élevé par sa mère, puis esclave orphelin, la vie ne lui avait pas fait de cadeau. Né dans une riche famille de sorciers, Godric n'avait jamais manqué de rien. Pourtant ils pouvaient se retrouver sur certains points et ils commençaient à le comprendre. Peut-être pourraient-ils un jour devenir amis ?
Pour le moment, ils se contentèrent de se préparer avant de descendre prendre leur petit-déjeuner. Lorsque Rowena les eut rejoins, ils confièrent la garde de Gwendoline à Edvin une fois de plus et se dirigèrent vers leur destination : un petit cimetière situé aux abords de la ville. D'après Gortak, ils y trouveraient un mausolée surmonté d'une statue censée représenter un gobelin. Dans les faits, après avoir gravit la colline où trônait le cimetière, ils découvrirent bien un mausolée, mais la statue ressemblait plus à un gnome de jardin qu'a un gobelin. Mais pas d'erreur possible : c'était le seul mausolée du cimetière.
— Je n'aime pas l'odeur qui règne ici, grogna Halvard. J'ai l'impression d'être dans une cave à draugr.
— Qu'est-ce que c'est ? Demanda Rowena, curieuse d'apprendre de nouvelles choses.
— Une tombe. On y enterre souvent des dignitaires, des chefs. Et on fait garder la tombe par des draugr, des cadavres ensorcelés.
— Répugnant, commenta Godric. Mais efficace, sans doute. Entrons, nous n'avons pas la journée.
Ils entrèrent et découvrirent un escalier qui menait à peine plus bas dans une petite crypte. Un tombeau se trouvait au centre et plusieurs niches accueillaient des ossements dans les murs. Les inscriptions latines sur le tombeau donnaient l'identité du mort et les raisons de son décès.
— La peste de 815. Cette tombe est ancienne, commenta Rowena. Beaucoup de gens morts, peu de gens pour les pleurer. Un endroit idéal pour cacher un antre gobelin.
— Oui, mais où se trouve l'entrée ? Se demanda Godric à haute voix.
Halvard travaillait déjà. Il semblait filer l'air de ses doigts. Il alla vers le mur du fond, le renifla. Puis il se retourna et désigna la tombe, au milieu.
— Là-dedans, ou dessous.
D'un geste de sa baguette, Rowenna fit pivoter le couvercle de la tombe. À l'intérieur se trouvait un cadavre, ou plutôt un squelette tout ce qu'il y a de plus ordinaire.
— Pardon.
Elle remit le couvercle en place. Godric et elle se mirent d'accord d'un seul regard et accordèrent leurs efforts pour faire pivoter la tombe entière. Il y avait bien un trou, en dessous.
— Qu'est-ce que les gobelins voulaient faire exactement en construisant leur tunnel là-dessous ? Pesta Rowena.
— Ce doit être une sortie de secours, ou quelque chose comme ça. D'après Gortak, toutes les autres issues ont été scellées.
— Pour empêcher le sanguinaire de sortir, j'imagine ?
— Ce serait Brogorg lui-même qui se serait enfermé, dans sa folie. Mais bon, les histoires de gobelins...
Godric descendit le premier, après qu'Halvard ait assuré ne pas sentir de magie ici.
— Lumos !
Il se retrouva dans un couloir avec pour seule source de lumière sa baguette brandie au dessus de lui. Les murs étaient maçonnés et solidement étayés. Du bon travail. Rowena descendit après lui, suivit finalement d'Halvard. Ils suivirent le couloir durant de longues minutes.
— On dirait qu'on redescend vers la ville, fit observer Rowena.
Ils parvinrent devant une porte solidement barricadée. Dans leur fuite, des gobelins avaient pris le temps de fixer plusieurs poutre en travers du chemin, interdisant toute ouverture depuis l'intérieur. Mais le temps avait fait son œuvre, l'humidité également et le bois pourris béait sur un espace qui permettait aisément à un homme de passer avec quelques contorsions.
— Il y a eut de la magie ici, mais elle est faible, à présent. Par contre, je sens autre chose.
— Tu n'es pas le seul, Halvard. Je le sens aussi. C'est l'odeur du sang.
De fait, Godric pointa sa baguette vers les poutres qui barraient le chemin et la porte à moitié défoncée. De larges tâches brunes maculaient le sol et le bois. Une traînée plus fraîche bien visible passait par le trou.
— Reculez.
Halvard et Rowena s'éxécutèrent. Godric brandit sa baguette.
— Expulso !
Les poutres craquèrent, mais ne bougèrent pas. En revanche, la porte fut arrachée de ses gonds et disparut dans les ténèbres au delà. Le tout dans un fracas épouvantable qui fut complété par le bruit des débris d'acier et de bois qui s'écrasaient au loin.
— Toujours aussi subtil, soupira Rowena.
Un cri lugubre accueillit sa remarque.
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