Début de la deuxième partie. Chapitre premier
Gwendoline se donnait encore en spectacle et Godric soupira en assistant à la scène une énième fois, partagé entre l’envie de rire, ce qu’il ne pouvait pas se permettre au vu des circonstances, et la lassitude face au comportement de son ancienne élève.
— Elle en fait des tonnes, observa Arthur qui, lui, n’avait pas terminé sa formation et suivait Godric comme son ombre.
Le maître posa les yeux sur son élève et contempla un moment ce jeune homme qu’il éduquait depuis près de dix ans. Le petit blondinet frêle et instable recueilli dans les taudis de Londres portait à présent un regard mature sur le monde, en adéquation avec ce qu’il était devenu : un jeune sorcier talentueux. Godric, pour comparer, reporta son attention sur sa première apprentie. Gwendoline, sa chevelure rousse en bataille, se dandinait de façon outrancière en hurlant des propos incohérents et des imprécations farfelues aux moldus qui l’entouraient et la livrait aux flammes.
— Ne devrions-nous pas faire quelque chose, maître ?
— Que veux-tu faire ? soupira Godric. C’est déjà la sixième fois qu’elle s’arrange pour finir au bûcher. Je veux bien admettre que le sortilèges de gèle-flamme procure des sensations inimitables, mais tout de même.
Ils continuèrent donc d’assister à la scène, patiemment. Les moldus, ravis de voir cette sorcière souffrir les affres de l’enfer, se congratulaient les-uns les autres, criaient leur bonheur, exprimaient leur satisfaction. Les flammes se firent soudain plus vives, le feu redoubla de violence.
— Le grand final, enfin ! s’exclama Godric qui s’impatientait.
Il y eut un grand boum ! Puis plus rien. Les flammes furent réduites à quelques flammèches et la sorcière n’était plus là. Convaincus d’avoir anéanti l’être démoniaque, la foule fêta bruyamment l’événement et se dispersa après quelques minutes. Godric tenta de repérer Gwendoline qui devait avoir encore eu recours à un stratagème plus ou moins inventif pour se soustraire aux regards.
— Vous cherchez quelqu’un ? demanda une vieille femme dans leur dos, faisant sursauter les deux hommes.
Godric considéra le personnage pendant une seconde avant de comprendre.
— Tu étais obligée ?
— Pendant qu’ils s’occupent de moi, ils ne brûlent pas d’enfants innocents, rétorqua la vieille femme. Rowena à emmené le gamin.
— Qui est au courant ?
— Seulement sa mère. Même son père voulait le livrer à la populace. Tu parles d’un noble ! Un type incapable de protéger son enfant. Je lui ferai bouffer son manoir à ce vieux Wood…
— Gwen ! Ton langage, s’il te plaît.
Les traits de la vieille, sous les traits de laquelle se dissimulait encore Gwendoline, s’étirèrent en une grimace comique. Bien que désormais indépendante, elle respectait beaucoup son mentor et accepta la remontrance sans piper mot. Arthur, de son côté, gardait difficilement son sérieux devant la frustration évidente de son aînée. Elle lui était devenue avec les années plus proche et plus précieuse que sa propre famille malgré leur caractères diamétralement opposés.
Godric leva les yeux pour observer le ciel. Cette soirée s’annonçait exceptionnellement belle.
— Nous devrions partir, recommanda Arthur, coupant court aux rêveries de son professeur.
— Tu as raison, oui. Tu as ton balais, Gwen ?
— Hum, non… Lui n’a pas survécu au bûcher.
— Tu monteras avec Arthur dans ce cas. Nous devons être au manoir demain : Helga organise une réunion.
Prenant la tête de la petite troupe, Godric s’éloigna de la place du village où fumaient encore les restes du bûcher. Ils empruntèrent une rue qui menaçait de disparaître sous les touffes d’herbes folles. L’hiver aurait tôt fait, par le gel et la pluie, de les faire disparaître au profit d’une sente boueuse. Mais pour le moment, il faisait chaud et beau. Après seulement quelques minutes, ils gravirent une colline, en bordure du village, au sommet de laquelle trônait un majestueux chêne. Godric et Arthur y avaient dissimulé leurs balais, dans un buisson tout près de l’arbre. Une fois au somme, Gwendoline abandonna son déguisement et reparut enfin sous ses traits habituels : ceux d’une jolie jeune femme à la chevelure flamboyante. Elle enfila une cape de voyage pour se protéger du froid. Malgré la touffeur d’ici-bas, la froidure de l’air les rattraperait bientôt pendant leur vol. Le temps qu’elle s’apprête, Godric filait déjà vers l’ouest de toute la vitesse de son balai et Arthur attendait patiemment. Il la regardait avec un sourire étrange.
— Qu’est-ce que tu as à me regarder comme ça ? lui demanda-t-elle, faisant preuve d’aussi peu de tact que d’habitude.
— Je me rappelais toutes les fois où tu as causé des problèmes à notre maître, répliqua-t-il, goguenard.
— Tout le monde ne peut pas être un petit élève modèle comme vous, mon cher, répliqua-t-elle, boudeuse.
— Dépêche-toi donc de monter sur ce balai !
Gwendoline s'exécute de bonne grâce. Arthur enfourcha le balai et le fit flotter tout prêt du sol pour que son amie puisse s’y installer facilement. Elle prit position en amazone, ajustant sa robe et sa cape.
— Madame est installée ? Pouvons-nous y aller ?
Gwendoline lui lança un regard noir, mais sous ses sourcils froncés, ses yeux pétillaient. Elle planta un gros baiser sur la joue d’Arthur.
— On peut y aller, p’tit frère.
D’un fort coup de pied, Arthur les propulsa dans les airs et ils filèrent à la suite de Godric, déjà réduit à un petit point, loin devant eux, dans le ciel rougeoyant.
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