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Il était dans son atelier et travaillait sur son principal prototype d’automate. La structure interne se trouvait presque achevée, aussi orientait-il ses recherches davantage sur l’apparence de l’androïde. À présent qu’il avait acquis suffisamment de compétences dans la fabrication des diverses machines, il commençait à s’intéresser à leur apparence. Il aimait tester et assortir les couleurs et les matériaux revêtant ses créations autant qu’il prenait plaisir à agencer les pièces d’horlogerie afin d’arriver à un résultat le plus parfait possible.
Quelqu’un toqua à la porte. Pensant que c’était sa sœur, il répondit simplement :
« Entre. »
Mais quand la porte s’ouvrit et qu’il se retourna, il se retrouva face à l’Empereur. Quelque peu déconcerté par cette visite inattendue, il salua son hôte.
« Bonjour, Roman, que me vaut l’honneur de votre présence ici ?
- Bonjour, Akihito. sourit le souverain. Les formules protocolaires me suivent décidément jusqu’ici. J’ai réussi à m’échapper momentanément du carcan impérial et j’ai pensé que je pouvais passer prendre de tes nouvelles, puisqu’il y a longtemps que nous ne nous sommes croisés. Me pardonnes-tu de m’être invité de la sorte ?
- Bien évidemment. Voulez-vous prendre place ? »
Le jeune homme regarda autour de lui. Son atelier était encombré d’un bazar indescriptible, composé d’objets hétéroclites allant du tournevis au bras mécanique en passant par les étoffes précieuses. Il ne prenait conscience qu’à cet instant du désordre régnant dans son atelier. Dissimulant sa gêne, il retira l’équivalent d’une bibliothèque de plans d’une banquette et alla les laisser sur le bureau tandis que l’Empereur s’asseyait. Il retourna ensuite auprès de l’automate qu’il était en train de modifier.
« Toujours à perfectionner ce modèle ? questionna Roman.
- Oui, il faut que je m’applique car en tant qu’infirmier il devra soigner et peut-être même sauver des gens.
- Tu le fais pour Sei, n’est-ce pas ?
- En premier lieu, oui. Et s’il fait ses preuves, on pourra s’en servir dans toute l’Armée et le mettre à la disposition des civils également.
- C’est un beau projet, et je dois dire que je préfère cela à des automates-guerriers. Bien que nous en ayons malheureusement aussi besoin… »
Un bref silence fit suite. Pour éviter que les soucis ne reviennent troubler son visiteur, le jeune homme reprit :
« Je voudrais vous demander un conseil. Parmi mes principaux objectifs, je cherche à rendre mon automate le plus rassurant possible. Sachant que sa première mission sera de soigner des blessés de guerre, il doit ressembler le plus possible à un humain. Sur les conseils de Sakura, je lui ai modelé un visage ovale et lui ai conféré une expression douce. Cependant j’hésite encore sur un point : dois-je en faire une infirmière ?
- C’est une question assez intéressante en effet. Il est vrai que la majorité du personnel médical de l’Armée est composé de soigneuses. Cependant, j’ai bien peur de ne pas savoir comment te conseiller ; tu pourrais demander directement à Sei.
- En fait, je ne m’étais jamais posé ce genre de questions avant car je fabrique mes androïdes à partir d’un modèle de base ne conservant que la silhouette générale d’un être humain. Mais cette fois-ci, sans que je sache pourquoi ça m’est venu à l’esprit, et j’y réfléchis depuis sans parvenir à me décider.
- Si tu en as le courage, plaisanta Roman, fais deux modèles et compare.
- Je pourrais essayer. » s’amusa le mécanicien.
À ce moment on toqua à la porte.
« Entrez ! » dit le jeune homme.
Un automate arriva dans la pièce. D’apparence humaine lui-aussi, il mesurait un mètre soixante-cinq et portait des vêtements pareils à ceux des citadins ordinaires. Il s’inclina devant l’Empereur, puis s’adressa à son créateur :
« Un messager demande à parler à votre hôte. Il dit venir de la part du Ministre des Affaires Étrangères.
- Je pense qu’il est temps pour moi de rentrer au palais. » observa le souverain.
Il se leva.
« Je vais vous raccompagner jusqu’à la porte. » proposa Akihito.
Tous deux descendirent, précédés de l’automate. Ils rejoignirent l’homme qui attendait dans l’entrée et celui-ci prit la parole :
« Votre Majesté, le Ministre des Affaires Étrangères vous fait savoir que de nouvelles informations sont parvenues au palais.
- La dernière fois qu’il m’avait fait chercher, c’était pour m’annoncer que les relations diplomatiques cessaient avec le royaume… murmura l’Empereur comme pour lui-même. Rejoignons mon escorte dehors et partons. » ajouta-t-il plus haut.
Il prit congé du jeune homme puis quitta la maison.
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