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La nuit était bien avancée, et le feu brillait. Sa lumière projetait des ombres sur les murs de pierre de la maison en ruines. Par le toit partiellement effondré scintillaient quelques étoiles qu’aucune lune ne venait éclipser.
« Dame de cœur ! annonça Sergey. Je remporte encore ce tour ! »
Les autres lui donnèrent leurs cartes et il les ajouta à sa main.
« Tu gagnes souvent, remarqua Pavel avec un sourire, c’est suspect...
- Sous-entendrais-tu que je triche ?
- Loin de moi cette idée, mais j’envie ta chance.
- Nous ferions mieux de passer au tour suivant, fit observer Nikita, ou cette partie ne va jamais se finir. Et n’allez pas me dire après que vous êtes fatigués. »
Les autres acquiescèrent, amusés, et consultèrent à nouveau leur jeu. Chacun sélectionna quatre cartes et les posa devant lui.
« Encore un dix et des têtes couronnées ? s'étonna Pavel en regardant ce qu’avait choisi son frère.
- J’avais dit que j’avais de bonnes cartes, non ? On dirait bien que je vais encore l’emporter. »
Mais Desya, sans rien dire, aligna un carré d’as. Les autres le fixèrent avec surprise et il sourit :
Gagné.
« J’abandonne, soupira Gavriil en lui tendant ses cartes, je perds à chaque fois.
- Ne désespère pas, plaisanta Sergey, après tout on dit bien que ‘‘malheureux au jeu, heureux en amour’’.
- Tu as une idée fixe, en ce moment ?
- Pas du tout, j’essaye de te réconforter.
- Tu t’y prends très mal. »
Sergey fit mine de s’offusquer et les autres échangèrent des regards entendus.
« Tu me rappelles un de mes camarades de promotion, déclara Nikita, qui à une époque me questionnait régulièrement sur ce sujet. »
Il remarqua mais un peu tard qu’il avait éveillé l’attention de ses frères d’armes.
« Une anecdote sur le passé du Lieutenant ? releva Gavriil. Tu veux bien nous en dire plus ?
- S’il te plaît ! insista Pavel, voyant qu’il gardait le silence.
- Je ne suis pas sûr que ce soit d’un grand intérêt... » tenta-t-il d’éluder.
Ça nous fera notre histoire du soir ! ajouta Desya, un éclat espiègle dans le regard.
« La mascotte a parlé ! le taquina Gavriil. On ne peut contrevenir à sa demande. »
Il évita de justesse une dague en l’attrapant au vol.
Arrête avec ce surnom, ça va faire au moins dix ans que je te le dis !
« Évite quand même d’essayer de l’assassiner, intervint Nikita, imagine s’il n’avait pas eu son réflexe à temps. »
Mais c’est lui qui a commencé.
« Tu as tout à fait raison, cependant...
- Cependant avec tout ceci nous nous éloignons de notre sujet initial. fit remarquer Sergey. Alors, Nikita, et si tu nous racontais quelques souvenirs ? »
Celui-ci considéra ses camarades, qui l’attendaient avec un mélange de curiosité et d’amusement, hésita, puis rendit les armes.
« Bon, d’accord, mais pas trop longtemps. »
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