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Pour la première fois depuis longtemps, le soleil brillait. Son humeur s’accordait au temps radieux car elle repensait à divers événements récents de particulièrement bon augure. Tout d’abord, la situation du camp impérial semblait nettement s’améliorer. Tous ceux qui travaillaient à son succès depuis des mois entrevoyaient enfin le début du dénouement, et elle était fière d’en faire partie. Ensuite, elle avait entendu dire que les Chasseurs revenaient victorieux de leur périple dans le royaume, ce qui la rassurait grandement. Même cette histoire d’assassin à la capitale se faisait moins présente à son esprit, puisqu’après tout le Lieutenant avait triomphé d’un adversaire autrement plus dangereux. Enfin, elle venait de terminer son ordre de mission, et savait qu’elle disposait d’au moins un jour de répit avant de recevoir le prochain. Elle comptait bien profiter de cette pause pour lire à loisir, et n’avait pas attendu pour commencer.
Elle s’était installée sur un banc, sur une petite place à l’écart, pour revivre au soleil les péripéties de son roman favori. En lectrice rapide, elle avait déjà bien avancé dans l’intrigue et en était presque à la moitié. Il s’agissait d’une épopée à travers un monde imaginaire mettant en scène toute une galerie de personnages, dont les multiples chemins s’entremêlaient et s’éloignaient au gré du temps. Elle appréciait les belles descriptions de paysages, combinées à un rythme prenant et souvent soutenu.
Un son de cloche dans le lointain la rappela à la réalité. Elle cessa sa lecture à regret, se leva, rangea son livre dans sa sacoche et quitta la petite place ensoleillée. Alors qu’elle suivait les rues de ce quartier tranquille de la capitale, elle remarqua une petite chapelle de pierres claires, apparemment récemment construite. Les sculptures du fronton représentaient trois anges vêtus de longues robes épurées couronnés de fleurs. Intriguée, elle entra dans le lieu saint. À l’intérieur régnait une agréable fraîcheur, mêlée à une subtile odeur d’encens. Quelques rangées de bancs sombres étaient alignées jusqu’au bout de l’allée centrale, mais aucun fidèle n’y priait. Elle remonta la nef et s’arrêta face à l’autel. Dessus était posée une statue blanche de taille moyenne représentant une femme en grande robe, dont les seuls accessoires étaient une longue ceinture et un délicat voile sur ses cheveux lâchés. Elle se tenait debout, la tête légèrement inclinée, une expression sereine et aimante sur ses traits. Un doigt devant ses lèvres, elle paraissait inviter au silence et à la contemplation. La jeune visiteuse se sentit touchée par cette belle représentation de cette Dame si bienveillante. Elle mit un genou à terre et lui adressa quelques mots en pensée :
Ô noble reine, accordez-moi votre protection et daignez veiller sur tous ceux qui recherchent le bien, particulièrement ceux qui me sont proches.
Un fin rayon de lumière traversa à cet instant le vitrail et vint illuminer le visage de la statue. La jeune femme crut la voir sourire. Puis un nuage couvrit le soleil, et l’illusion s’effaça.
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