Il marchait dans les couloirs du palais, escorté comme d’habitude par plusieurs gardes du corps. La journée avait commencé quelques heures plus tôt et il s’était déjà entretenu avec plusieurs ministres et officiels. À présent il se rendait à la salle d’audiences pour écouter les requêtes de ses sujets pendant le reste de la matinée. Malgré ses préoccupations concernant la guerre, il appréciait les occasions où il pouvait écouter directement les habitants de l’Empire. Bien que ceux-ci ne l’aient pas choisi pour les gouverner, ils lui avaient confié leur pays, et son objectif premier était de leur assurer la meilleure vie possible et un avenir sûr. Il comprenait pourquoi son père lui parlait souvent de l’importance du peuple, essayant de lui donner une conscience aiguë des devoirs d’un souverain envers lui. Un monarque séparé de ses sujets n’était rien d’autre qu’un homme à l’ambition démesurée.

Alors qu’il arrivait près de la salle, une dame de compagnie de sa femme le rejoignit. Il s’arrêta et l’invita à prendre la parole.

« Votre Majesté, l’Impératrice m’a envoyée pour vous prévenir qu’elle ne pourra assister avec vous aux audiences. Elle se sent indisposée depuis ce matin, mais a tout de même prévu de vous rejoindre pour le déjeuner officiel avec les préfets des régions du nord.

- Je vous remercie de m’avoir averti. Pouvez-vous lui répondre que j’irai la voir à la fin de la séance ?

- Ce sera fait, Votre Majesté. »

Elle fit une révérence et s’en alla. L’Empereur demeura songeur quelques instants. Il avait remarqué la fatigue grandissante de Sae ces dernières semaines, mais à chaque fois qu’il lui avait proposé de se reposer, elle avait insisté pour continuer à remplir ses devoirs de souveraine.

Lorsqu’ils s’étaient mariés, ils avaient décidé de se partager le pouvoir de façon égale afin de régner ensemble. Leur idée en avait surpris plus d’un, après tout le chef de l’État avait toujours tenu un rôle plus conséquent que celui de son épouse, mais ils avaient persévéré dans leur résolution. C’était pour cela que l’Impératrice prenait part au Conseil des Ministres, ou que l’Empereur assistait davantage à des visites officielles. Cependant il commençait à remettre en question cette organisation dans le contexte de la guerre, car ses effets sur la santé de sa femme le préoccupaient. Il hésitait à lui en parler à nouveau, sachant qu’elle s’entêterait et aurait encore une fois le dernier mot. Il chassa ses inquiétudes pour le moment et fit signe aux gardes d’ouvrir la porte. Il passa dans la salle d’audiences et alla prendre place face à la foule. Pour l’heure, il devait prendre soin des autres.