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« C’est tout de même impressionnant, une armée en mouvement !
- Je ne te le fais pas dire, Sei. »
Ils cheminaient depuis plusieurs heures le long d’une vaste vallée, suivant la marche des colonnes militaires. Après plusieurs semaines depuis les incursions impériales dans le royaume, c’était au tour des trois armées du centre d’entrer en territoire ennemi. De nombreuses troupes avaient ainsi entamé leur chemin à travers les montagnes, pour se réorganiser après la frontière. La Première Armée formait l’avant-garde, aussi le bataillon auquel appartenaient les deux soldats faisaient-ils route non loin de la tête du cortège.
« Et dire qu’il y a à peu près assez d’Ipsa pour tout le monde ! reprit Sei.
- Ça, sourit son ami, c’est parce que nous sommes une force d’élite. Je ne suis pas sûr que ceux de la quatrième qui nous suivent aient droit au même privilège.
- Profitons-en, dans ce cas ! »
Kiyonari acquiesça d’un air amusé. Tous deux gardèrent le silence un moment pour observer le paysage changeant. Le ruisseau qui courait sur leur droite avait disparu dans une cavité et les conifères se densifiaient, marquant leur entrée dans un bois. Des parfums de sève prononcés se mêlaient à la fragrance plus subtile des fleurs tandis que l’ambre perlant sur l’écorce scintillait sous le soleil.
« Au fait, reprit Kiyonari, que devient Isobe ?
- Il est presque arrivé à la capitale, et a hâte de retrouver sa sœur.
- Il fait fréquemment des voyages avec les Chasseurs, non ? plaisanta le neveu du Général.
- Eh bien, s’amusa son camarade, ce sont plutôt les circonstances qui l’exigent, mais c’est vrai que ça lui fait déjà deux trajets avec eux. Heureusement que leur entente s’est améliorée. »
Son ami esquissa un sourire. Sei lui avait raconté l’histoire intéressante qui liait Tōru et les Chasseurs. Il avait été surpris par certains aspects de ce récit, comme par exemple le fait que les soldats d’élite soient des hommes plutôt ordinaires, mais d’autres détails lui avaient permis de comprendre des aspects de la personnalité d’Akihito qu’il avait eu du mal à apprécier, comme son penchant taciturne.
Alors qu’il se faisait ces réflexions, il remarqua des nuages noirs entre les cimes. Un coup de tonnerre lointain attira l’attention de son camarade.
« J’ai un mauvais pressentiment. annonça celui-ci.
- Et je crois qu’il va se confirmer, compléta Kiyonari, car après avoir quitté la neige nous sommes dans la saison des averses ! »
Il n’avait pas plus tôt fini sa phrase que les premières gouttes se mirent à tomber. En quelques secondes des trombes d’eau se déversèrent et en quelques minutes tout le monde fut trempé.
« Génial… soupira Sei.
- Regarde ! Un arc-en-ciel. »
Il suivit des yeux la direction que lui indiquait Kiyonari et vit l’arche colorée se dessiner entre les nuages. Ils échangèrent un regard de connivence et ce dernier ajouta :
« On dit qu’à leur pied se cache un trésor. »
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