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« Ils sont beaux, tu ne trouves pas ?

- Je suis tout à fait d’accord, Sergey. » sourit son frère.

Ils observaient la salle de bal où évoluaient de nombreux couples. Parmi eux, Sakura et Desya profitaient de leur première danse depuis de trop longs mois. Les deux jeunes gens rayonnaient de bonheur, ils semblaient n’être conscients que de la présence de l’autre, comme s’il se trouvaient dans un monde bien à eux. De temps en temps, les lustres aux mille chandelles éclairaient le ruban pourpre que chacun portait au poignet. Ce détail apparaissait comme une promesse tenue, malgré la guerre et les épreuves ils s’étaient retrouvés.

« Tu devrais apprendre à danser à Shynar, reprit Pavel, tu n’aurais plus à les envier.

- C’est rare de te voir taquiner les autres. » fit remarquer son jumeau avec la même expression indéchiffrable.

Un temps passa, puis ils eurent un petit rire. C’était leur façon de plaisanter parfois, ils échangeaient des réflexions presque avec l’air de se faire des reproches avant de revenir à un ton plus léger.

« Quoi qu’il en soit, je ne sais pas si les valses et autres chorégraphies inutilement compliquées l’intéresseraient. Elle connait déjà les danses de notre village. Et puis, je ne suis pas très doué.

- Tu pourrais quand même lui demander avant d’écarter d’office cette idée.

- Hum… oui, tu as peut-être raison. »

Ils furent rejoints par Gavriil et Nikita et le premier prit la parole :

« Vous êtes arrivés il y a longtemps ?

- Non, cela ne fait que quelques danses que le bal a commencé. les informa Pavel. Où étiez-vous ?

- En discussion avec le second ministre, répondit Nikita, apparemment le dénouement risque de demander plus de temps que prévu.

- Le royaume négocie toujours ses conditions ?

- Disons qu’il a encore un peu d’espoir. Mais il n’y aura pas de complications insurmontables.

- On sait ce qu’est devenu le prédécesseur de Dragomir ? demanda Sergey.

- Depuis quand appelles-tu les ministres par leur prénom ? s’amusa son frère.

- Je ne sais pas, j’ai dû commencer avec Nömi.

- L’Assassin royal a tenu parole, déclara le Lieutenant, il l’a tué avant que nous ne le rejoignions. Sa famille a découvert son double-jeu et s’est retirée de la cour.

- Ah, c’est triste pour Selena. Enfin, en un sens son éloignement lui évitera d’autres désillusions. »

Ils regardèrent dans la direction de leur camarade qui discutait désormais avec Sakura et son frère en bordure de la salle, arborant pour la première fois depuis longtemps un air insouciant et heureux. Alors que Nikita reportait son attention sur la foule, il crut remarquer un visage familier. Non loin de là, une jeune femme devisait avec d’autres courtisans. Sans vraiment le vouloir, il la considéra plus attentivement mais la sensation disparut. Il s’agissait probablement d’une noble qu’il avait croisée au palais, ce pourquoi il avait cru la reconnaître.

En soi, elle n’avait rien de bien exceptionnel. Ses traits réguliers ne la différenciaient pas des autres, notamment ses yeux bleus, teinte qui se retrouvait chez bon nombre d’habitants de l’Empire. Seule se démarquait une petite cicatrice croisant son sourcil droit. Son visage à l’expression enjouée était entouré de quelques mèches blondes échappées de sa couronne tressée. Elle portait une robe marine assortie à ses bijoux d’or et de saphir, dont le décolleté ovale mettait en valeur la courbe de ses épaules.

Il entendit Sergey réagir d’un ton faussement étonné :

« Non, quand même pas. »

Pensant qu’il avait manqué une partie de la conversation, il se tourna vers lui.

« Qu’y a-t-il ? »

Son camarade lança un regard appuyé en direction de la jeune femme. Il ne comprit pas tout de suite, puis la situation s’éclaircit quand Pavel soupira :

« Sergey, tu n’as aucun instinct de survie. »

Nikita chercha que dire mais étonnamment aucune réponse ne lui vint. Ce fut Gavriil qui se chargea de dévier la discussion, un éclat amusé dans le regard.

« Fais attention, Sergey, ou ce genre de sous-entendus pourrait se retourner contre toi. J’aperçois une certaine Honoka Mizuno qui pourrait être amenée à passer près de nous.

-Parfait, répliqua celui-ci sans se départir de son aplomb, je pourrai la saluer comme ça. »

Et en effet, il lui fit signe et elle le rejoignit. Elle était accompagnée d’un jeune homme aux traits occidentaux, vêtu d’un uniforme qui leur était inconnu. Lorsqu’ils se saluèrent, ils remarquèrent qu’il avait un léger accent.

« Bonsoir, Honoka, commença le Chasseur, cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas croisés. Comment vas-tu ?

- Fort bien, je te remercie. Et toi, je constate que tu as survécu à la guerre. Par quel miracle la mort t’a-t-elle épargné ? plaisanta-t-elle.

- J’ai repoussé ses avances, et elle était si déçue qu’elle est repartie. »

La jeune femme rit avant de reprendre :

« Tu avais déjà suffisamment à faire avec les rumeurs de la cour, tu ne pouvais pas te permettre d’en rajouter.

- Exactement ! Qui est avec toi ?

- Tu me rappelles à mes devoirs, habile esquive. Je vous présente Seiji Okura, dont j’ai fait la connaissance il y a quelques heures. Il saura donc mieux que moi vous dire qui il est. »

L’intéressé prit la parole, un sourire légèrement moqueur au fond de ses yeux verts.

« Il n’y a pas grand-chose à dire à mon sujet, je ne suis qu’un soldat étranger. En revanche, j’ai un peu entendu parler de votre escouade.

- Vous avez participé à la guerre ? s’enquit Pavel, curieux.

- Oui, j’ai été envoyé par mon pays, le Himoto, en sa qualité d’allié de votre Empire. J’appartiens à une compagnie nommée Ryōdan. Mais peu de gens sont au courant de notre existence, d’une part parce que notre groupe n’était pas si important comparé au reste des armées, et d’autre part car je pense qu’il y a tant de peuples dans votre état qu’il est difficile d’y remarquer ceux qui n’en font pas partie.

- C’est probable, s’amusa Gavriil, d’autant que votre empire se trouve au sud-ouest du nôtre, dans la région d’origine d’une grande part de la population. J’avais entendu mentionner l’aide envoyée par nos alliés, sans toutefois connaître le nom de votre compagnie. Voudriez-vous nous en parler davantage ? »

À ce moment la musique leur parvint un peu plus fort et Honoka remarqua :

« C’est ma danse préférée ! Sergey, que dirais-tu de m’inviter ?

- Si ça te fait plaisir, mais ne te plains pas si je ne m’en sors pas aussi bien que toi.

- Je me contenterai de rire, ne t’en fais pas.

- Agréable perspective, en effet. Enfin, allons-y. »

Il lui donna le bras et ils rejoignirent la piste au centre de la salle. Après qu’ils aient commencé à danser elle déclara d’un air espiègle :

« Tu maîtrises plutôt bien les pas, en tout cas mieux que la dernière fois. Tu t’es entraîné pendant la guerre ?

- Bien sûr, ironisa-t-il, je suis allé prendre des cours au château royal.

- Ça aurait été drôle.

-Moyennement, tu imagines une aristocrate ennemie accepter de m’enseigner ?

- Ce nom sonne presque comme un reproche quand tu l’emploies. »

Ce commentaire le surprit et il tenta en vain de déchiffrer son expression. Mais elle gardait un air neutre, comme si elle s’amusait à le déconcerter ; ce qui était probablement le cas.

« Disons que c’est parfois pour ça que je l’utilise, se justifia-t-il, car je trouve qu’une trop grande partie des nobles agit en permanence avec superbe. Dans le mauvais sens du terme. Cependant, je sais faire la différence entre les gens superficiels et les autres.

- Et si j’aime les belles tenues et les joyaux, dans quelle catégorie me ranges-tu ?

- Les bijoux sont de jolis mensonges, sourit-il, mais je te connais. Tu fais partie des autres.

- Donc tu admets que tu juges sans forcément savoir à qui tu as affaire ? fit-elle mine de l’accuser.

- Tout à fait, il faut bien que j’aie quelques défauts. »

Elle eut un rire léger puis demanda sans ambages :

« Tu me réserves la prochaine danse ? »

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