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Ce fut l’horloge qui le réveilla. Un discret tintement de cuivre, suivi du murmure des engrenages. Il s’étira, ouvrit les yeux et s’assit sur le canapé. Un rayon de soleil traversait la fenêtre, et venait éclairer la table basse où se trouvaient ses affaires. Quelques pièces éparses, un ou deux outils, un livre et un cadenas mécanique. Il esquissa un sourire. Sakura lui répétait souvent de ne pas laisser traîner ses affaires dans le salon, ajoutant qu’il ferait mieux de dormir la nuit plutôt que de réquisitionner le canapé en journée. Mais elle n’était pas encore rentrée, aussi s’était-il accordé ces quelques heures de repos dans l’après-midi. Un coup d’œil au cadran en face de lui l’informa qu’il était déjà quinze heures. Il avait environ trois quarts d’heure avant le retour de sa sœur.
Il se leva et rassembla ses affaires pour les porter à sa chambre. En redescendant il prit un livre d’histoire géopolitique dans la bibliothèque du palier, puis se rendit à la cuisine. La bouilloire pleine lui rappela qu’il avait eu l’intention de se faire un café. D’une incantation, il ralluma le feu en-dessous et attendit que l’eau chauffe en regardant par la fenêtre. La rue ensoleillée était tranquille, malgré la proximité d’avec le palais peu de gens y passaient. Sur les murs gris, les rayons d’un soleil affirmé découpaient des ombres et rappelaient que la saison chaude était déjà bien avancée. Il aperçut un voyageur et son Ipsa et sourit. Ces derniers temps, depuis la fin de la guerre, il voyait de plus en plus d’automates dans la ville, non seulement ses créations mais aussi d’anciens modèles imaginés par sa mère, ou quelques-uns de sa sœur. C’était pour lui le signe d’un retour à la vie, maintenant que l’effort militaire était terminé la créativité pouvait recommencer à s’épanouir, la nouveauté pouvait se répandre. Il se remémora également son arrivée à la capitale quatre ans plus tôt, alors qu’il était en quête de réponses, qu’il venait de retrouver son passé, s’était découvert une alliée insoupçonnée, et se dirigeait vers un avenir incertain. Que de choses s’étaient passées entretemps ! Cette époque lui semblait bien lointaine à présent.
Le bruit de l’eau bouillante le ramena à la réalité. Il se prépara sa boisson avant de l’emporter au salon pour poursuivre sa lecture. Il reprit sa place, posa sa tasse sur la table et se replongea dans son livre. L’ouvrage traitait de l’histoire de l’Empire et des pays voisins, remontant parfois jusqu’à l’époque des peuples de l’Est pour raconter comment ils étaient parvenus jusqu’à cette région pour y fonder leurs états. Certains royaumes mentionnés existaient encore à ce jour, ce qui méritait d’être souligné étant donné les troubles qui avaient parcouru les terres orientales. Comparé à eux, l’Empire pouvait sembler jeune avec ses deux siècles d’existence.
Il explora le passé et les territoires avec un intérêt sans cesse renouvelé jusqu’à ce que l’horloge lui signale qu’une heure avait passé. Au même moment, la porte de l’entrée s’ouvrit et une voix familière annonça :
« Je suis rentrée ! »
Il posa son livre, se leva et se rendit dans le vestibule pour saluer les nouveaux arrivants.
« Sakura ! Desya ! Votre voyage s’est bien passé ? »
Les deux jeunes gens acquiescèrent, leur mine épanouie confirmant leur réponse. Ils posèrent leurs bagages puis Sakura reprit :
« Nous allons te raconter tout ça, mais avant j’ai bien envie d’un thé pour me délasser un peu ! Tu en veux un aussi, Desya ? »
Ce n’est pas de refus.
« Et toi, Akihito ?
- Non, merci, je viens de me prendre un café. »
Elle hocha la tête et passa sans attendre dans la cuisine. Son petit frère se tourna vers le Chasseur et plaisanta :
« Tu me parais fatigué, elle n’a pas été trop accaparante ? »
Non, ça va. répondit-il avec amusement. C’est la perspective de devoir repartir bientôt qui m’épuise d’avance.
« Tu ne restes pas ? »
Je dois rejoindre les autres. Nous n’avons pas d’ordre de mission dans l’immédiat, mais ça ne devrait pas tarder.
« Déjà ? »
Oui, la fin du conflit a apporté la paix pour l’instant, mais sur le long terme il faut s’attendre à de l’instabilité.
« Ah, je comprends. Eh bien bon courage ! »
Merci, je vais en avoir besoin.
À ce moment Sakura appela depuis la cuisine :
« Plutôt thé noir, vert ou blanc ? »
Si tu as du vert à la menthe ça me va très bien.
« D’accord ! »
Akihito sourit avant de remarquer :
« En tout cas, s’il y a une chose sûre à court terme, c’est que tu ne risques pas de partir de sitôt ! »
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