Chapitre 4. Gustave / Un passé douloureux
Mon père me regarde en coin et m’interpelle :
— C’est dans trente jours.
— Je sais, et alors ?
— Tu ne veux pas aller à cette kermesse ?
— Même pas en rêve !
— Tu vas encore passer une journée enfermé dans ce préfa ?
— J’ai 28 ans, ok ?
Il sort en maugréant.
Je ferme les yeux.
Mon corps s’éveille.
Anne-Sophie est là.
Je sens le frémissement de mon sein quand sa langue chaude s’attarde. Je devine ses cheveux dénoués, je cherche son sein…
Du vide et aussi un peu d’amertume : c’est tout ce que ma bouche rencontre.
Je pensais l’oublier, vite, et chaque jour elle m’envahit, me submerge.
Dans la ZAD nous avons fait une dernière fois, l’amour, elle m’a demandé :
— Tu t’en vas ?
— Ma décision est prise.
— Ma proposition tient toujours, a ajouté Anne-sophie.
— Faire le maraîcher pour les bobos de Nantes ? C’est niet !
— Tu préfères faire la révolution ?
— Non, ça c’est mon père. Moi je veux partir en montagne.
— Avec quel argent ?
— Avec l’héritage, on peut tenir 6 mois voire plus, si on vit de rien.
— Une vie de clochard ?
— Tu m’ennuies , ai-je répondu, exaspéré !
Elle a souri puis entamé une délicieuse descente des nippons sur la chine : elle connaissait, par cœur, tous mes points faibles.
Je me souviens de son regard, le regard insistant de ses beaux yeux bleus, un regard indéfinissable qui m’avait glacé, lors de nos adieux.
J’ai laissé mon père tout acheter, avant notre départ.
J’ai fait un dernier tour, sur les bords de la Loire.
Encore une fois la poésie m’a consolé :
Le fleuve
Traverse
Nos villes
Calme
Tranquille
Quasi immobile
Le fleuve
Traverse
Nos villes
Sans amour ni haine
Hudson ou bien Seine
Loire indolente
D'Orléans à Nantes
A Londres la Tamise
De la vallée du Po à Venise
Le fleuve
Traverse
Nos villes
Sans qu'on s'y attarde
Sans qu'on le regarde
Comme par mégarde
Le fleuve
Traverse
Nos villes
Le fleuve
Traverse
Nos villes
Le fleuve
Traverse
Nos villes
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