Chapitre 9. Claire / Le squatt
Derrière le comptoir, je me démène comme je peux, Gaëlle une jeune que j'ai prise pour m'aider est heureusement vive, efficace, et me seconde bien dans la tâche en prévision des futures journées.
La place du village est envahie par des camions et des grilles.
Encore quelques jours et la fête débute. Je ne sais pas du tout quel est le programme musical mais vu la dégaine des chanteurs et musiciens, j'ai un gros doute sur le style de variété qui va se jouer.
Depuis les essais de micro et de sonorisation, même le lait des vaches a tourné ! Les chèvres font de la déprime, elles ne sortent plus brouter effrayées par les va-et-vient incessants des ingénieurs.
La nuit, j'en viens à rêver de voler le matériel pour retrouver la paix.
Sébastien est comme fou, il vient me voir trois fois par jour mais je ne pense pas que ce soit pour ma bonne compagnie. Je le soupçonne d'être fortement intéressé par la belle Pearl.
Je soupire.
Cela fait une semaine que mon espace privé est envahi - non - envahi est encore trop faible, le bon mot est "squatté". Squatté par un grand escogriffe et sa protégée Pearl. Qu'est-ce qu'elle m'agace celle-là, elle m'envoie des bisous avec ses doigts peints de toutes les couleurs, trouve tous les prétextes pour se coller à moi avec des "Ma chériiiie" et des "My friend". Et l'autre qui sourit béatement à tous ses roucoulements.
Je n'en peux plus ! Mon salon est devenu un champ de bataille, je retrouve des chaussettes sales si ce ne sont pas des sous-vêtements. Beurk ! Je regrette d'avoir ouvert ma maison.
Sébastien n'est plus qu'un loup de Tex Avery avec la langue pendante.
Depuis la venue de la ministre, je ne sais pas ce qui se trame mais je sens une certaine tension entre les habitants. Tout cela ne me dit rien qui vaille.
J'en ai même perdu le goût de sourire. Heureusement qu'il me reste mon jardin secret...
Je compte les jours... Bah, plus que 5 jours avant le branle-bas de combat, ensuite, emballé pesé, tout ce beau monde partira. Sauf les ingénieurs du CEMAGREF...
— Bonjour, vous n'auriez pas vu mon pull ?
Tiens le grand escogriffe s'est "enfin" levé ?
— Il est posé là où vous l'avez laissé hier, sur le fauteuil. Est-ce que ça va votre tête ? questionné-je d'un air narquois. Ils ont fait du bruit la moitié de la nuit et de voir sa tête hirsute et le regard vitreux me procure une jouissance sadique.
Je cogne malencontreusement la cuillère contre la casserole en inox et je le vois grimacer de douleur. Cela résonnerait-il dans sa tête ? Mon sourire s'élargit.
Prise de pitié je lui sers un café et lui tends un tube d'aspirine.
— Pour tout à l'heure... Je dois partir à la boulangerie, n'oubliez pas votre répétition. D'ailleurs, je me demande pourquoi vous répétez ? Je crois qu'il suffit d'augmenter le volume et de mettre votre boite à rythme en marche non ?
Aucun son ne me parvient, est-il réveillé ?
— Ah oui, dernière chose, pouvez-vous faire disparaître toutes les euh... tisanes et herbes aromatiques éparpillées dans le salon ? Cela laisse une drôle d'odeur, je ferai le ménage en revenant.
— Bye ! fais-je en claquant la porte violemment soutirant une autre grimace sur le visage chiffonné de Vincent.
Un léger remords m'effleure mais je l'écarte. Plus que 5 jours....
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