Chapitre 22. Gustave/ Anne -Sophie
Tempête de la
nuit me laisse tout pantois
et fort interdit
Quel désordre ! Ranger après son passage : voilà qui est totalement étranger à l’esprit de Vincent.
C’est fait, j’en ai profité pour découvrir l’harmonie de la maison de Claire.
J’apprécie cet intérieur simple et élégant. J’aime ses aquarelles et ses beaux poèmes calligraphiés.
J’attends avec impatience son retour : j’ai proposé de tout remettre en ordre, pendant qu‘elle rendait visite à Sébastien.
On sonne ! Je cours ouvrir, le sourire aux lèvres.
J’ouvre et je me retrouve nez à nez avec… Anne-Sophie et Maxime.
Je suis pétrifié, incapable de prononcer un mot.
Maxime me serre la main, Anne-Sophie me couvre de baisers.
Je prononce un timide « Bonjour ».
Anne -Sophie est encore plus belle que dans mes souvenirs. J’avais, aussi, oublié l’odeur de son parfum et sa logorrhée !
— Ah Gustave, que je suis heureuse de te revoir ! On a regardé la télé régionale, ils ne parlent que de l’éboulement, du concert, du répugnant spectacle des lesbiennes. On ne peut pas téléphoner, il n’y a plus de réseau. On est venu skier à Val D’Isère, sur le glacier du Pissaillas. Je t’ai vu, lors de l’interview à côté d’une fille châtain clair.
— Elle est blonde et... je n’ai pas le temps de finir ma phrase.
— Mon pauvre Gustave, tu n’es même pas capable de voir la couleur des cheveux des femmes. J’ai fait mon enquête, tu n’as aucune chance : c’est, elle aussi, une lesbienne, on m’a parlé d’une fille, avec qui elle a eu des relations louches, une certaine Anne-Laure.
Je n’essaye pas de lui répondre, elle n’a pas changé. Elle parle tout le temps, surveille tous mes faits et gestes, me déshabille du regard, en se passant la langue sur les lèvres et m’assomme avec ses « révélations « .
Et pourtant, elle est toujours désirable, sensuelle, enivrante.
— Mon pauvre Gustave, tu vis dans un infâme préfa , avec ton radoteur de père. Quand je pense que tu as un diplôme d’ingénieur et que tu n’as pas un sou, tu perds ton temps à écrire des poèmes de gamin de 17 ans. Tu ne devrais pas rester ici. Père va m’offrir de quoi créer mon entreprise, on aura besoin d’un ingénieur , tu seras bien payé et tu seras avec moi, je veux dire avec nous.
— Où sont les toilettes ? demande Maxime.
Je le conduis et retourne m’asseoir, en face d’Anne-Sophie.
Sans perdre une seconde, elle pose la main sur mon genou et remonte rapidement vers mon entrecuisse.
Ses lèvres se rapprochent des miennes, je les évite difficilement.
Heureusement Maxime revient, Anne-Sophie s’écarte rapidement, en faisant la moue.
— Mon pauvre Gustave, tu dois t’ennuyer ici. Et puis passer son temps à voir Vincent et Pearl se peloter, cela doit être bien frustrant. On repassera dans quelques jours, tu pourras profiter de la Mercedes, pour revenir à la maison. Il ne faut pas rester ici, c’est trop dangereux.
Tu es mon invité d’honneur pour le mariage, dans un mois. Si tu veux, on pourra demander aux Red Punks de venir jouer : Père les paiera.
Maxime n’essaye pas de parler, il sait que c’est inutile. Ils repartent rapidement : ils ont une leçon de ski cet après-midi.
L’ouragan est passé (Pas vraiment, une accalmie, rien de plus !). Je réfléchis : Anne-Laure a repris contact avec ses parents. Elle vient d’une riche, très riche famille de la bourgeoisie Nantaise.
Quand je l’ai connue, elle avait des lunettes rondes, des escarpins, un tailleur et ne jurait que par son lycée privé. Je fus sa transgression, son interdit, et ses fantaisies sexuelles n’ont rien à envier à celles de Pearl.
Tout a basculé quand elle a commencé à parler d’enfants, de mariage, de situation stable, de réconciliation avec sa famille.
Je me suis enfui, elle m’a retrouvé et je me sens faible. Dix secondes de plus et je l’embrassais passionnément.
Je me sens nu, je me sens lâche, je me sens minable.
Mes larmes commencent à couler, un vieux poème revient :
Il est des douleurs dont on ne peut parler
Il est des douleurs qui vous feraient hurler
Il est des douleurs qu on ne peut qu’évoquer
Il est des douleurs qui pourraient vous choquer
Il est des douleurs si profondes si violentes
Il est des douleurs on ne peut rien faire
Il est des douleurs de plaies purulentes
Il est des douleurs que je sais taire
Il est des douleurs qu’on ne peut partager
Il est des douleurs qui ont l’odeur de la mort
Il est des douleurs que je rêverais de soulager
Il est des douleurs qui vous broieraient de remords
Si vous commenciez à leur donner la parole
Ces douleurs sont en moi laides comme la vérole
Et j’écris ce poème en me cachant oui en me cachant
Car il est des douleurs qui rendraient un criminel attachant
Soudain je sens des bras autour de moi : Claire est là.
— Mais non, il ne faut pas pleurer, pour Sébastien c’est un simple malaise vagal.
— C’est bien mais…
— C’est étrange ce parfum dans tes cheveux. Je sais, Anne-Sophie est venue ici !
— Tu la connais ?
— Heureusement non : Vincent m’en a parlé.
Mes pleurs redoublent. Elle me prend dans ses doux bras, je sens la chaleur de sa poitrine.
Et il me semble, mais je n’en suis pas sûr, il me semble que ses lèvres ont frôlé les miennes...
Annotations
Versions